Dans septième opuscule de saint Bernard sur l’humilité et l’orgueil, on trouve des le début un rapprochement entre l’humilité et la vérité à partir des paroles du Christ dans l’évangile que passe souvent inaperçu. Voila pourquoi il me semble qu’on peut en retirer un grand profit à le méditer :
« Avant de parler des degrés de l'humilité que saint Benoît nous donne à gravir plutôt qu'à compter (S. Bened. Reg., cap. VII), je veux vous montrer, si je le puis, où ils doivent nous conduire, afin que connaissant le but à atteindre, la montée semble moins pénible.
Dieu donc en nous proposant les difficultés de la route, nous en montre aussi la récompense, car il dit :
« Je suis la voie, la vérité et la vie (Joan., XIV, 6). »
La voie, c'est l'humilité qui conduit à la vérité; l'une représente le travail et l'autre en est le fruit.
Mais qui me dit, me répondez-vous, qu'il est question dans ce passage, de l'humilité, puisque le Seigneur se contente de dire en général :
« Je suis la voie? » Écoutez, c'est lui-même qui vous le dit assez clairement quand il ajoute :
« Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Matth., XI, 29). »
Il se donne donc comme exemple d'humilité et modèle de douceur.
Si on l'imite, on ne marche point dans les ténèbres et on a la lumière de vie (Joan., VIII, 12).
Or qu'est-ce que la lumière de vie, sinon la vérité, la vérité, dis-je, qui illumine tout homme venant en ce monde et montre la vraie voie?
Lors donc qu'après avoir dit :
« Je suis la voie et la vérité, » il ajoute, « et la vie,» c'est comme s'il disait :
« Je suis la voie qui conduit à la vérité, la vérité qui promet la vie et la vie même que je donne. »
En effet, « la vie éternelle, - dit-il, - c'est de vous connaître, ô mon Dieu, et de connaître Jésus-Christ votre envoyé (Joan., XVII, 3). »
Ou bien encore, c'est comme si on disait :
Je considère la voie, c'est-à-dire, l'humilité, et j'en désire le fruit, je veux dire la vérité.
Mais à quoi sert de se fatiguer à parcourir la voie, si on ne peut arriver au but désiré? Écoutez sa réponse :
« C'est moi qui suis la voie, » c'est-à-dire, le viatique.
Aussi crie-t-il
- à ceux qui s'égarent ou qui ne connaissent point le chemin :
« C'est moi qui suis la voie; »
- à ceux qui doutent ou qui n'ont pas la foi :
« C'est moi qui suis la vérité; »
- et à ceux qui gravissent la route mais qui déjà se fatiguent :
« C'est moi qui suis la vie. »
Quoique je croie avoir suffisamment montré, d'après ce verset de l'Évangile, que la connaissance de la vérité est un fruit de l'humilité, je veux que vous entendiez encore celui-ci :
« Je vous rends gloire, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché la connaissance de ces choses — c'est-à-dire de la vérité, — aux sages et aux prudents, — c'est-à-dire aux orgueilleux, — et que vous les avez révélées aux petits, — c'est-à-dire aux humbles (Luc., X, 21). »
On voit par là que la vérité est cachée aux superbes et révélée aux humbles. »