je ne peux m'empêcher de poster ce texte, fort ancien.

Voici quelques bons mots laissés à votre réflexion… d’un humour décapant. Ils sont tirés de la revue « Matines », n° 24, Janvier 1981, dirigée par Mgr Ducaud-Bourget.

CHERS TRADICUCUS…

Le Sacerdoce des Fidèles est une des plus belles tartes à la crème de notre XXe siècle finissant : tous les Fidèles sont Prêtres ! (Ce qui nous a valu de la part de certains théologiens progressistes d’époustouflantes conclusions : de quoi passer quelques bons moments en ces temps plutôt moroses.)

Mais le Sacerdoce des Fidèles… entre nous… il y a mieux. Car tout traditionaliste, du fait même de son traditionalisme, participe au Souverain Pontificat par la pratique rigoureusement personnelle, quotidienne et sans appel de l’excommunication majeure.

Ce droit d’excommunier son prochain repose sur un fondement très solide. Il remonte, en effet, à près de 2 000 ans, lorsqu’un jour entra dans le Temple de Jérusalem le Président de l’Association Saint Elie. (D’accord… d’accord… certains disent « de l’Association Saint Jérémie ». Mais si nous nous lançons dans des discussions du style « Saint Pie V » contre « Saint Pie X » on n’en sortira plus !). Et un Témoin qui était là l’entendit qui disait à IAHWE : « Je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont rapaces, injustes, adultères ou bien encore comme ce publicain ! ». C’était la première excommunication traditionaliste qui entreprenait son parcours à travers l’Histoire.

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Bien sûr, il y a des gens qui ne sont PAS catholiques. Bien sûr, il y a des gens qui ne sont PLUS catholiques. Et il est nécessaire de bien les connaître comme tels. Mais encore faut-il posséder des motifs valables justifiant l’adoption à leur égard « d’une attitude prudentielle », comme diraient ces Messieurs à quatre cornes, et – a fortiori – une exclusive.

Est-ce toujours le cas ? Foi de fréquent excommunié, j’en doute…

Je pense, par exemple, à cette dame volubile qui me reprocha l’autre jour de ne pas avoir remarqué je ne sais plus quel infime délit dans la célébration d’une Messe Saint Pie V ! « Ah ! vous n’avez pas remarqué ça ? Hé ! bien, je vous renvoie à Mgr Duchesne : ce n’est pas lui qui aurait admis cela ! ».

Mgr Duchesne ? Fichtre ! Je restai coi. Mon interlocutrice se méprit sur mon éberluement et me déclara superbement : « Si vous n’admettez pas Mgr Duchesne… vous n’êtes pas catholique !!! »

Et vlan !

Fallait-il rappeler à cette brave dame les attaques… féroces que cet historien de l’Eglise dut subir jadis de la part de nos milieux traditionalistes, de nos propres familles ? Lui rappeler leur joie quand « cet hérétique » (sic), « cet iconoclaste » (re-sic) fut enfin mis à l’Index en 1912 ? Non, n’est-ce pas. M’en étant abstenu, je la quittai excommunié.

(Que l’on utilise aujourd’hui les excellents travaux du savant Directeur de l’Ecole Française de Rome sur l’origine du Canon de la Messe, vous m’en voyez ravi. Mais c’est tout de même comique de se faire excommunier au nom de Mgr Duchesne !!!)

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Le dimanche qui suivit, un digne homme m’aborda la mine soucieuse. « Avez-vous remarqué ce que M. l’Abbé Untel vient de dire, dans son sermon, sur l’Evangile de Saint Matthieu ? A mon avis, il n’a pas lu ce que le Père Lagrange a écrit sur ce sujet. Ou alors, ce qui serait excessivement grave, s’opposerait-il à lui ? ! ». Poliment, je murmurai : « Ah ! oui ! le Père Lagrange… ».

Mon interlocuteur se redressa, me toisa, et me déclara, lui aussi superbement : « Monsieur… l’Œuvre du Père Lagrange… c’est… l’Evangile de toujours ! c’est la Tradition Catholique, Monsieur ! C’est une honte de la renier ! Vous n’êtes pas un catholique, Monsieur ! ».

Et vlan !

Fallait-il rappeler à ce brave bomme les attaques… féroces que le savant animateur de la jeune Ecole Biblique de Jérusalem dut subir de la part de nos milieux traditionalistes, de nos propres familles ? Lui rappeler leur joie devant les difficultés qu’il rencontra dans son Ordre, devant les mises en garde romaines ? (En restant sur le plan très précis de la virulence des critiques et des insultes, je crois bien que Küng, Rahner et Schillebeeckx réunis n’en ont pas encore entendu autant que lui…). Ayant préféré n’en rien faire, je le quittai, lourd de cette nouvelle excommunication.

(J’aime bien les bouquins du Père Lagrange et je suis ravi qu’on les lise et les utilise. Mais c’est tout de même comique de se faire excommunier en son nom !!!)

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« C’est un scandale ! Cette Messe n’est pas valide ! »

Miséricorde ! je suis coincé ! Une de nos plus redoutables « Papesses » (1) surgit devant moi et veut me faire partager son courroux.

« Vous avez vu ! i1 n’a pas dit les prières au bas de l’autel, les prières de Léon XIII ! ». Je tente une explication: « l’Abbé doit célébrer une seconde Messe dans cinq minutes, il n’avait que le temps de retourner à la sacristie ». La foudre éclate sur ma tête : « Quoi ! Alors pour vous… Saint Michel… le diable… la lutte contre les francs-maçons… ça ne compte pas ? ! ? Les prières de Léon XIII, vous m’entendez ! ». Et de scander : Lé-on-trei-ze !

J’ai le malheur de sourire, oh ! très gentiment. Elle rugit : « Vous êtes un faux traditionaliste ! Vous n’êtes pas catholique ! ». Et avant que j’aie eu le temps d’esquisser une protestation courtoise, elle me plante là en hurlant à la cantonade : « ah ! on m’avait bien dit que vous… » (Je ne saurai jamais ce que… on lui a dit de moi, mais ce que je sais bien… c’est que d’ici ce soir elle l’aura dit à dix personnes ! Au moins.)

Et de trois !

Oui, vous allez dire que j’ai eu tort de sourire. De sourire en entendant cette brave demoiselle invoquer l’autorité d’un Pape que… nos familles appelaient aimablement « l’Antéchrist » (sic !). Ce Léon XIII… le Pape du Ralliement… le « suppôt de Satan » (re-sic !) qui peuplait le Sacré-Collège de ses « créatures » républicaines ! (Lesdites infâmes créatures devinrent d’ailleurs d’excellents cardinaux, parfaitement valides, le jour où ils eurent élu… Pie X. Les spécialistes de la Vacance du Siège Apostolique savaient drôlement se raccrocher aux branches en 1903 !).

Ma parole ! je crois bien qu’on en a dit autant (et même peut-être plus ?), sur le compte de Léon XIII que sur celui du malheureux Paul VI : du moins, dans nos milieux. Alors… se faire excommunier de auctotoritate sua… hum ! i1 y a de quoi sourire !

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« Français, vous avez la mémoire courte », nous a dit un jour, sévèrement, un vieux Maréchal désabusé.

Chers tradicucus… si vous pouviez, vous, vous souvenir de ce que fut VRAIMENT avant-hier, et même tout simplement hier !!!

On ne vous entendrait plus alors vanter 1a splendide obéissance « ac cadaver », à Saint Pie X des traditionalistes d’avant 1914, et d’après ! Car… hum ! que de renâclements devant la nouvelle prononciation latine en « oum » et en « ous »… que de bouderies, voire d’oppositions larvées, dans nos familles à propos de la Communion Privée.

On n’entendrait plus telle et telle et encore telle autre famille d’Action Française dénigrer « Humanae Vitae » de. Paul VI au profit de « Casti Connubii » de Pie XI, en ajoutant : « Ça c’était un Pape ! » (Bigre ! On n’a pas toujours dit ça à l’A.F. !).

On n’entendrait pas, – mais si, je vous l’assure, je l’ai entendu il n’y a pas longtemps ! – tel farouche traditionaliste dire de Paul VI, pour mieux enfoncer… Jean-Paul II : « LUI, au moins, a su proclamer MARIE Mère de l’Eglise ». Cet « au moins » est en soi un petit chef-d’œuvre !!! Encore trois voyages de Jean-Paul II, et Paul VI est capable de devenir quelqu’un de… regretté !!!). « Il suffit d’avoir un peu vécu pour voir tout et son contraire », disait Michel de Montaigne…
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Embellir le passé, et opposer ensuite ce passé embelli à un présent toujours insatisfaisant, c’est un travers auquel nous succombons tous. Mais i1 y a un domaine où nous serions, où nous sommes impardonnables d’y succomber : celui de la Vérité religieuse. De cette Vérité du SEIGNEUR qui ne change pas, elle, qui n’a pas de Passé, elle, ni d’ailleurs de Futur, car Elle EST ! Car Elle demeure éternellement ! Manet in aeternum…

Ah ! si nous pouvions nous débarrasser de tout ce qui n’est qu’embellissement du passé, obéissance aveugle au secondaire, à l’accessoire, au circonstanciel, esclavage des habitudes mal fondées – voire de la routine –, et ne cerner et discerner que ce qui est essentiel et éternel ! Comme vos excommunications, chers tradicucus, et comme mes mises en boîte de vilain taquin nous paraîtraient ce qu’elles sont… réellement : dérisoires !

Franchement, lorsque ce soir, demain, dans un an, dans dix ans nous paraîtrons devant Celui qui sait tout de nous, quand sonnera l’heure des suprêmes questions et de nos si pitoyables réponses, franchement… croyez-vous qu’Il nous demandera : « As-tu bien conjugué le verbe excommunier ? ».




(1) Papesses : terme qui désigne les descendantes, fort évoluées, des punaises de sacristie et des grenouilles de bénitier de jadis. Volontiers pamphlétaires et conférencières, véritables « Mères de l’Eglise » grâce à des connaissances théologiques, canoniques et liturgiques qui laisseraient pantois les Pères et Docteurs dits, eux aussi de l’Eglise. Espèce de plus en plus répandue dans l’univers traditionaliste en 1980.

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