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De l'Ecriture et de la Tradition
par Abbé Néri 2013-02-26 20:51:04
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L’étude de la doctrine chrétienne a son fondement dans la sainte Écriture et la Tradition. Le concile de Trente a donné un enseignement précis pour répondre aux diverses erreurs des hérétiques réformés et s’avère donc indispensable sur le sujet.

Il est assez profitable de se laisser guider par des maîtres surs, tel est le cas de celui qu’en donne saint Alphonse-Marie de Ligori. Je vous propose ici une traduction fournie par le site jesusmarie, mais il avait beaucoup des coquilles, je me suis efforcé de les corriger, mais il se peut que certaines mais soient échappés. Alors pour ceux qui aiment une saine théologie, bonne lecture :

DE L'ÉCRITURE ET DE LA TRADITION.

§ Ier. De l'approbation des livres saints et des traditions.

Il faut remarquer que les sessions du concile ne sont pas placées ici selon leur ordre naturel, depuis la première jusqu'à la vingt-quatrième, comme elles ont été tenues; parce que dans plusieurs on n'a rien décidé de particulier, et dans d'autres on ne parle pas des dogmes ; tandis que mon dessein, comme je l'ai exposé dans la préface, est de ne parler que des points de foi que le concile a définis contre les hérétiques; c'est pourquoi nous commençons par la quatrième session sur les divines Écritures, puisque c'est dans celle session seulement que les Pères ont commencé à examiner les articles dogmatiques contestés par les novateurs.

I. L'Église ne définit aucun dogme de foi qu'il ne soit fondé ou sur l'Écriture sainte ou sur la tradition; c'est pourquoi, la première pensée du concile fut de déterminer quelles étaient les écritures vraiment canoniques et les traditions vraiment apostoliques qui regardent la foi ou les mœurs.

En conséquence, il fut statué que des théologiens habiles tiendraient des assemblées particulières et y feraient une discussion exacte des écritures et des traditions, non pas pour en insérer le résultat dans les actes
du concile, mais seulement pour pouvoir en rendre raison aux Pères.
Dans les congrégations qui précédèrent le décret qui fut porté ensuite, on proposa trois questions sur les Écritures :

- Premièrement, si l'on devait approuver tous les livres saints tant du nouveau que de l'ancien Testament
- Secondement, s'il fallait soumettre à un nouvel examen, avant de les approuver, tous les livres contenus dans la Bible
- Troisièmement, s'il fallait diviser les écritures en deux classes :
a).- Celles qui jusqu'alors avaient été reconnues pour canoniques
b).- Et celles que l'Église tenait à la vérité comme orthodoxes, mais pas encore pour canoniques, tels sont les livres des Proverbes et de la Sagesse.

II. Quant à la première question, il fut décidé unanimement que le concile approuverait tous les livres saints.

Quant à la troisième, tous les Pères d'un commun accord rejetèrent la division ; elle avait été proposée dans le concile par Bertrand et Séripand, et avant la tenue du concile, par Cajétan; mais Melchior Canues l'avait déjà réprouvée fortement comme inutile et inusitée. (De loc. theol. 1. 2, c. 40.)

La seconde question rencontra plus de difficultés, si avant d'approuver les livres saints, on devait ou non la soumettre à un nouvel examen.

Plusieurs Pères, après les cardinaux del Monte et Pacheco, rejetèrent l'examen prétendant qu'il était contraire à l'usage de l'Église de remettre en contestation ce qui déjà avait été défini.

Beaucoup d'autres prétendaient au contraire qu'on devait le faire; qu'il confirmerait de mieux en mieux la vérité ; qu'il serait d'ailleurs très utile aux pasteurs et aux théologiens, en les mettant en état de réfuter avec plus d'avantage les erreurs des faux docteurs; car, comme l'enseigne S. Thomas, le devoir d'un théologien, est :

- Non seulement de prouver la vérité de la foi,
- Mais de la défendre contre toutes les attaques de ses ennemis.

Ils ajoutaient qu'après un tel examen, les hérétiques ne pourraient pas dire qu'ils avaient décidé en aveugles.

III L'évêque de Chioggia objecta que dans l'approbation des Écritures el des traditions, il ne convenait pas de s'appuyer sur le seul décret qui porte le nom du concile de Florence; parce que, disait-il, un tel décret ne peut être du concile, vu qu'il avait déjà terminé sa dernière session en l'année 1439, tandis que le décret ne fut porté qu'en 1441.

Mais on lui répondit qu'il était faux que le concile de Florence eût terminé sa dernière session en 1459 ; parce qu'à cette époque seulement finit l'interprétation latine de Barthélémy Abraham de Candie, et que cet auteur n'a fait l'histoire du concile que jusqu'à la septième session, temps auquel les Grecs se retirèrent. Mais le concile dura encore trois ans à Florence, d'où il fut transféré à Rome.

Eugène IV, voyant qu'après le départ des Grecs le concile illégitime de Bâle subsistait encore, maintint aussi celui de Florence. Ce fut là que, quelque temps après, comme le rapporte Baronius, il reçut, du consentement des Pères, les Arméniens el les jacobins, el dans la profession de foi qui leur fut donnée, se trouvai contenue l’approbation des traditions et des Écritures avec le catalogue des livres saints.

Et ce qui prouve évidemment que ce concile ne fut pas dissous en 1459, ce sont deux constitutions qui y furent dressées et qui y sont rapportées par Augustin Paîrice dans son histoire abrégée du concile de Bâle ; la première est de 1440, par laquelle on annule l'élection de l'anti-pape Félix V ; la seconde est de 1444, dans laquelle fut décrétée la translation à Rome du concile de Bâle.

De plus, Palavicini affirme que le décret est véritablement du concile, que le fait est constant par les actes de ce même concile, conservés dans les archives du château Saint-Ange et approuvés par le pape et les cardinaux, comme on le voit par une copie authentique qui fut apportée de Rome à Trente.

D'ailleurs le P. Augustin de l'Oratoire, depuis cardinal et préfet de la bibliothèque du Vatican, a mis au jour quelques actes du concile de Florence, par lesquels on voit que le concile dura jusqu'à l'année 1445.

IV. On fit donc dans le concile de Trente une nouvelle et exacte discussion des livres saints et des traditions, non pas publique et pour être insérée dans les actes, mais dans des congrégations particulières, pour rendre aux Pères raison des résultats.
Enfin on rendit un décret, dans lequel il est dit :

Que le concile :

Considérant que toutes les vérités appartenant aux dogmes se trouvent renfermées

- Dans les livres saints,
- Et dans les traditions reçues par les apôtres de la bouche même de Jésus-Christ, ou établies par eux d'après l'inspiration du Saint-Esprit et parvenues jusqu'à nous sans interruption,

A déclaré qu'il recevait et qu'il vénérait avec le même respect et la même piété tous les livres du nouveau et de l'ancien Testament, ainsi que toutes les traditions données par Jésus-Christ ou inspirées par l'Esprit-Saint, et conservées dans l'Église catholique par une succession non interrompue.

V. Plusieurs Pères avaient élevé une difficulté sur ces paroles du décret : qu'on recevait avec le même respect et la même piété les Écritures elles traditions; ils disaient à cela, que bien que les unes et les autres vinssent de Dieu, néanmoins les traditions n'avaient pas la même stabilité que les Écritures, puisque quelques-unes avaient cessé d'être en usage.

Mais cette opposition fut repoussée d'un commun accord : tous répondirent que les unes et les autres sont vraiment la parole de Dieu et le fondement de la foi, avec cette seule différence, que les unes sont écrites et que les autres ne le sont pas ; du reste, les unes elles autres sont immuables, si l'on excepte les lois positives et les rites qui sont contenus dans les traditions et même dans les Écritures, qui peuvent changer selon les circonstances.

Ainsi le concile dit dans son décret, qu'il reçoit seulement les traditions qui regardent la foi ou les mœurs; on était convenu auparavant, qu'on les recevrait sans exception, mais que celles qui avaient rapport aux rites, varient selon les temps et les circonstances.

Pierre Soave prétend que le décret sur les traditions, comme beaucoup le firent observer, n'imposait pas une obligation stricte et rigoureuse, puisque d'une part le concile ne déterminait pas quelles traditions devaient être reçues; et que de l'autre l'anathème ne tombait que sur celui-là seul :

« Qui traditiones praedictas sciens et prudens contempserit; »

D'où il concluait que celui-là ne contreviendrait pas au décret, qui rejetterait toutes les traditions, tout en respectant la décision du concile.

Mais Noël Alexandre répond dans son Histoire Ecclésiastique (tom. 20. sect. 16 et 17. art. 2.), qu'une telle proposition est téméraire, puisque le concile a dit que les Écritures et les traditions doivent être reçues avec la même piété et le même respect :

« Pari pietatis affectu ac reverentia suscipienda. »

Ainsi, de même qu'on ne pourrait rejeter les Écritures sans témérité, de même doit-il en être des traditions.

VI. Après celle déclaration on joignit au décret la liste de tous les livres qui avaient été reçus pour canoniques par le concile.

Soave prétend témérairement que le concile avait approuvé des livres apocryphes, ou du moins d'origine incertaine; mais ne sait-il pas qu'il ne les approuva qu'après un nouvel et sévère examen?

D'ailleurs tous ces livres avaient déjà été approuvés par le concile de Florence comme il a été dit plus haut.

Il objecte spécialement que le livre de Baruch ne fut reçu pour canonique que par la seule raison qu'on en faisait lecture dans les églises, qu'au reste jamais les autres conciles ne l'avaient mis au nombre des livres saints.

Mais bien que les anciens conciles n'aient pas placé ce livre dans le catalogue des livres canoniques, ils n'ont pourtant pas entendu l'exclure, mais le comprendre dans le livre de Jérémie dont Baruch fut secrétaire comme on le lit dans Jérémie même au chapitre xxvi, et comme l'attestent S. Basile, S. Ambroise, Clément d'Alexandrie, S. Jean Chrysostomo, S. Augustin el plusieurs souverains pontifes, enlre autres Sixte I, Félix IV el Pelage I. (Bellarm. lib. 1. De verb. Dei. cap. 8.)

De plus S. Cyprien (Lib, 1. contra Judaeos. cap. 5.) el S. Cyrille, (Lib. 10. contra Julian.) citent ce livre sous le nom même de Jérémie; el d'autres Pères le nomment simplement Écriture sainte.

On a encore objecté que les Psaumes ne devaient pas être appelés généralement psaumes de David, puisqu'il n'est pas l'auteur de tous, comme beaucoup le prétendent, mais c'est précisément pour cette raison que le concile les nomma Psautier de David.

VIII. Soave fait ici le raisonnement de quelques orgueilleux qui disaient par rapport à ce décret du concile sur les traditions :

- Premièrement que le concile avait bien ordonné de recevoir les traditions, mais n'avait pas indiqué la manière de les connaître.
- Secondement que le concile n'avait pas prescrit formellement de les recevoir, mais défendait seulement de les mépriser, d'où ils concluaient que celui qui les rejetterait avec respect ne contreviendrait pas à la décision.

Quant à la première objection on répond qu'en cela le concile n'a fait qu'imiter le sixième concile général qui ne déclara point qu'elles étaient les vraies traditions, d'autan plus qu'il n'importait nullement d'indiquer dans ce décret les traditions que l'on devait tenir comme de foi, puisqu'on devait s'en occuper dans les sessions suivantes, selon que la matière le présenterait.

Quant a la seconde objection, qu'il n'y a point de précepte de recevoir les traditions, il faut remarquer qu'autre chose est de parler du précepte, autre chose de parler de l'anathème.

Pour le précepte on voit clairement qu'il existe puisqu'il est dit dans le décret que le concile recevait les Ecritures et les traditions avec le même respect et la même piété : « Pari pietatis affectu ac reverentia.»

Quant à l'anathème il est dit qu'on peut rejeter et transgresser les préceptes de deux manières, ou par faiblesse ou par mépris.

Cela posé, le concile n'a pas voulu frapper d'anathème quiconque violerait le précepte de recevoir également les Écritures et les traditions, mais seulement tous ceux qui mépriseraient sciemment les traditions, comme font les hérétiques.

IX. Soave prétend que le concile, par là même qu'il avait reçu les traditions, devait aussi recevoir les ordinations des diaconesses et les élections des ministres par le peuple, regardées comme institutions apostoliques pendant plusieurs siècles, et pardessus tout l'usage de communier les laïques sous l'espèce du vin, pratiqué pendant quatorze siècles chez toutes les nations excepté chez les Latins.

Mais on répond que les Pères n'ont entendu recevoir que les traditions parvenues sans interruption jusqu'à eux, comme l'exprime le décret :

« Quae quasi per manus traditae ad nos usque pervenerunt. »

Les deux premières traditions mentionnées par Soave sont abandonnées depuis plus de huit siècles, et la troisième depuis plus de deux siècles.

Du reste, le premier concile de Laodicée, tenu au quatrième siècle, dit, en parlant de l'élection des ministres, qu'on ne devait pas permettre au peuple de choisir ceux qui devaient être promus au sacerdoce (Can. S. 1.).

Et S. Paul, longtemps avant, n'avait-il pas dit à Tite :

« Hujus rei gratia reliqui te Cretae... ut constituas per civitates presbyteros, sicut et ego disposui tibi.» (Ad Tit. cap. 5.)

Quant à l'usage du calice pour les laïques, il est faux qu'il ail été universellement admis jusqu'au quatorzième siècle.

S. Thomas (III qu. 80. art. 12.) qui vivait trois cents ans avant la tenue du concile, désapprouve toutes les églises dans lesquelles cette pratique était en vigueur.

De plus le concile de Constance, dans sa session treizième, assure que depuis long temps cet usage était aboli.

Le cardinal Bellarmin démontre que huit cents ans auparavant il était déjà tombé, et que toujours il avait été regardé comme arbitraire dans l'Église, mais jamais de précepte.

Nous examinerons d'ailleurs plus à fond la question en son lieu.

§ II. De l'édition et de l'usage des livres saints.

X. Après le décret sur l'acceptation des livres canoniques et des traditions, le concile en forma un autre sur l'édition et sur l'usage des livres saints. D'abord il déclara authentique et approuva comme telle l'édition de la Vul-gate :

« Statuit et déclarat, et haec ipsa vetus, et Vulgata editio, quae longo tot seculorum casu in ipsa ecclesia probata est in publicis lectionibus, et pro authentica habeatur ; et ut nemo illam rejicere quovis praetextu audeat, vel praesumat.»

XI. Sur la question de l'authenticité de la Vulgate, approuvée par le concile, Soave objecte que, d'après le sentiment du cardinal Cajétan, il n'y a, pour l'ancien Testament , que le texte hébraïque que l'on puisse regarder comme exempt de toute erreur, et le texte grec pour le nouveau ; mais nullement la traduction latine, puisque le traducteur n'était point infaillible.

Mais si l'on admettait le raisonnement de Cajétan (qu'un auteur d'ailleurs a fortement blâmé dans ses commentaires sur l'Écriture sainte), s'il fallait, dis-je, admettre un tel raisonnement, il s'en suivrait qu'on ne pourrait ajouter foi ni au texte hébraïque ni au texte grec, tels que nous les avons maintenant; les manuscrits des prophètes, des évangélistes et des apôtres seraient seuls dignes de notre confiance, parce qu'il est possible qu'il se soit glissé des fautes dans toutes les copies.

Il faut donc dire que Dieu ayant voulu que l'Écriture sainte fût pour tous les hommes une Règle infaillible de foi, a fait en sorte, par sa providence, qu'il y eût dans l'Église une version écrite dans une langue comprise par un grand nombre; que cette version fût perpétuelle et exempte d'erreur essentielle sur les dogmes.

C'est pourquoi il a député sur la terre un interprète visible, c'est-à-dire l'Église réunie à son chef, qui après avoir mis toute l'exactitude et tous les soins que permet la condition humaine, déterminât une version à laquelle tous les fidèles dussent ajouter foi.

XII. El parce que la version Vulgate latine (cette dénomination est connue par tous les théologiens) avait déjà l'approbation tacite de l'Église par un usage de plusieurs siècles jusqu'au temps de S. Grégoire, et qu'elle avait été suivie par les plus grands hommes, tels que S. Isidore, Bède, S. Rémi, S. Anselme, S. Bernard, Raban, Hugues de Saint-Victor, l'abbé Robert, et une infinité d'autres docteurs, le concile, en vertu de l'assistance du Saint-Esprit, qui lui a été promise, l'a déclarée authentique et exemple de toute erreur essentielle, laissant au texte hébraïque de l'ancien Testament (dont le sens est souvent bien obscur par l'absence des points qui déterminent la signification des mots, et qui, comme l'on croit, manquaient également dans les originaux) et au texte grec du nouveau la foi qu'ils méritent.

Il est dit dans le canon ut veterum (disl. 6.) que c'est dans le texte hébraïque que l'on doit puiser l'intelligence de l'ancienne loi, et dans le texte grec celle de la nouvelle ; mais il faut savoir que ce canon n'est pas de S. Augustin comme le dit Gratien, mais de S. Jérôme, dans son épître vingt-huitième à Lucifer (bien que S. Augustin y ai adhéré liv. 42. De doclr. christ, cay. 14 et 45•)•
D'ailleurs, lorsque S. Jérôme écrivait cela, il n'avait pas encore composé sa version latine, et voilà pourquoi il parlait ainsi, puisque dans sa traduction il devait certainement s'aider de ces deux originaux; mais il ne tient pas ce langage dans le second prologue de la Bible, comme le remarque la glose du canon ut veterum.

XIII. Mais, dit Soave, si la Vulgate est bonne et approuvée, toutes les autres versions sont donc mauvaises et c'est folie de s'en servir? Nous lui répondons qu'il nous suffit de savoir que la Vulgate est exempte d'erreur touchant la foi et les mœurs, et que les autres versions n'ayant point été déclarées authentiques, ce serait une erreur de les lui préférer.

Du reste le concile a laissé la faculté aux savans de se servir du texte grec et hébraïque pour expliquer la Vulgate dans ses endroits difficiles; avec tout cela il reste encore bien des passages obscurs, et peut-être le seront-ils jusqu'à la fin du monde.

XIV. Au moins, reprend Soave, aurait-on dû exprimer dans le décret que la Vulgate serait revue et corrigée. On fit à Trente la même objection ainsi qu'à Rome, où le décret fut envoyé pour être examiné avant sa publication.

Les députés du pape écrivirent que le grand nombre de fautes qui se trouvaient dans la Vulgate s'opposaient à ce qu'elle fût approuvée. Mais les légats répondirent que ces fautes ne touchaient pas à la foi ni aux mœurs; qu'ils louaient la résolution du pape d'en donner dans la suite une édition plus correcte, mais que pour le moment ils croyaient qu'il n'était pas opportun de faire remarquer les fautes, bien qu'elles fussent de peu de conséquence, afin de ne pas donner aux hérétiques l'occasion d'élever des chicanes qui pourraient en imposer à la foule; que d'ailleurs la Vulgate n'avait jamais été suspectée d'erreur essentielle puisqu'elle avait été traduite sur les textes grec et hébraïque, les plus corrects de tous; qu'il s'y trouvait à la vérité beaucoup de passages difficiles et presque incompréhensibles; mais qu'il n'était défendu à personne de les éclaircir, et d'en donner une interprétation moins obscure.

Il faut remarquer de plus que les auteurs sacrés qui ont écrit sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, n'ont pas toujours raconté les faits avec toutes leurs circonstances, ni rapporté les discours avec les mêmes paroles qui les ont exprimés ; voilà pourquoi ils semblent quelquefois se contredire: mais comme le remarquent les Pères et les interprètes, ils sont parfaitement d'accord sur la substance des choses.

Même après la correction de la Vulgate, l'Église ne condamne pas celui qui soutiendrait (quoiqu'il soit plus pieux de tenir avec le plus grand nombre le sentiment contraire) qu'il s'y trouve encore quelques erreurs accidentelles et de peu de conséquence, un arbre par exemple, ou un animal qui y serait pris pour un autre; comme le disent Melchior Canus, lib. 2. De loc. (heol. c. 13. concl. 1. Sixte de Sienne, Bibl. 5. caput., et plusieurs autres.

Cependant, selon la remarque d'Elizaldo (De forma in quaest. rei. n. 44.), il n'est pas permis de s'écarter à volonté du sens que présentent les paroles de la Vulgate; on ne peut le faire que dans les passages sur lesquels nos théologiens ne sont pas d'accord, et dont l'Église n'a pas déterminé le sens.

XV. Dans le même décret sur l'édition et l'usage des livres saints, le concile défendit à qui que ce soit de torturer et de tirer l'Écriture à son sens privé contre le sens que tient l'Église, et contre le consentement unanime des Pères :

« Praeter ea decernii, ut nemo in rebus fidei et morun, sacram Scripturam contra sensum quem tenuit et tenet Ecclesia (cujus est indicere de vero sensu Scripturarum) aut etiam contra unanimem consensum Patrum interpretari audeat... »

XVI. Ici Soave s'étonne que le concile ait restreint la manière d'entendre la parole de Dieu ; vu que le cardinal Cajétan a enseigné, dit Soave, que l'on ne devait pas rejeter les sens nouveaux, pourvu qu'ils ne fussent pas en opposition avec les autres passages de l'Écriture ni avec la doctrine de la foi, encore que les SS. Pères fussent d'un sentiment contraire.

Nous répondons que Cajétan, quoiqu'en cela fortement blâmé par Canus, lib. 7. cap. 5 el A, ne dit cependant pas qu'il est permis de contredire le sens unanime des SS. Pères; mais seulement que l'on peut donner à l'Écriture sainte une explication tout-à-fait différente de celle des SS. Pères, lorsqu'ils ne sont pas d'accord entre eux, el que leur sentiment respectif peut être regardé comme douteux, mais non lorsqu'ils s'accordent a donner la même interprétation.

Et voilà précisément ce que le concile a défendu, d'interpréter l'Écriture contre le sentiment des Pères, comme toujours il a été d'usage dans l'Église.

Aussi le concile d'Éphèse condamna Nestorius par l'autorité des Pères, blâmant sa présomption qui lui faisait dire qu'il entendait seul les Écritures, et que tous ceux qui l'avaient précédé ne les avaient point comprises.

Ainsi encore, S. Jérôme condamna Elvidius ; S. Basile Amphitole, S. Augustin les pélagiens et les donatistes, S. Léon Eutyches, le pape Agathon les monothelites au sixième concile, et le concile de Florence les Grecs.

XVII. Il ne pouvait en être autrement, car si Dieu avait permis que les premiers Pères eussent inexactement expliqué les Écritures, Dieu lui-même, pour ainsi dire, nous aurait trompés en permettant que des docteurs sacrés donnassent à sa parole un autre sens que celui qu'il y avait lui même attaché. Nous sommes donc tenus de regarder comme dogmes de foi tout ce que, d'un commun accord, nous présentent comme tels les docteurs de l'Église; autrement chacun pourrait douter des paroles de la Bible même les plus claires.

Il y a plus, non seulement nous devons croire pleinement :

- Ce que l'Église a expliqué et défini,
- Mais encore tout ce qui se présente avec évidence dans l'Écriture

Sans quoi il sérail vrai que chacun pourrait douter d'une vérité quelconque, exprimée dans les saintes Écritures avant que l'Église l'eût spécialement sanctionnée.

De tout cela il faut conclure que dans toutes les matières qui regardent le dogme ou la pratique, les Pères ne peuvent errer tous ensemble sans que l'Église errât en même temps, puisqu'elle se règle sur eux, alors qu'ils sont unanimes, non pas seulement en émettant des opinions, mais en portant des décisions.

Aussi le concile dit-il :

« Que nul ne prétende interpréter l'Écriture contre le sens que lui donne l'Église et la décision unanime des Pères. »

De même qu'il est interdit de présenter l'Écriture dans un sens contraire à celui de l'Église, aussi l'est-il de l'exposer contrairement au sentiment des Pères.

Du reste, avant de rapporter le décret l'évêque de Chiaggia nous avertit qu'il est licite de donner un sens nouveau aux passages des livres sacrés pourvu qu'il ne soit pas en opposition à celui que tiennent pour certain l'Église et tous les Pères.

En troisième lieu, il est défendu par le décret aux imprimeurs, sous peine d'excommunication, d'imprimer ou vendre la sainte Bible ou quelque livre détaché de l'Écriture ou seulement des annotations ou commentaires sur les saints livres sans en avoir la permission des supérieurs ecclésiastiques ou sans nom d'auteur, ou ementito prœlo, c'est-à-dire sous une fausse rubrique de lieu. Et il est dit que la même prohibition s'étend à toutes les personnes qui publieraient de tels livres ou les communiqueraient à d'autres ou les retiendraient pour elles-mêmes.

XIX. Le cardinal Madruccio proposa que l'on permît d'imprimer l'Écriture en langue vulgaire. Mais cela ne parut pas convenable, et on décida qu'il suffisait qu'elle fût publiée en latin, d'abord parce que dans les pays où florissait l'Église catholique celte langue était connue par tous ceux qui étaient capables d'entendre les livres saints ; ensuite, parce que plusieurs passages de la Bible sont tellement obscurs et équivoques, que les placer sous les yeux du vulgaire serait donner lieu à une multitude d'erreurs ou au moins de doutes dangereux.

§ III. De quelques notions utiles au lecteur sur les livres canoniques de l'Écriture.

XX. Le mot CANON signifie règle ou seulement catalogue de choses écrites; c'est dans ce sens qu'il est pris ici où on l'entendra comme catalogue des livres divins.

Ces livres se divisent en proto-canoniques el deutéro-canoniques.
Les proto-canoniques sont ceux qui de tout temps ont été reconnus par l'Église comme divins et révélés.

Les deutéro-canoniques, ceux également divins, qui n'ont pas été d'abord reçus pour tels par toutes les églises particulières, mais seulement par la suite.

Les livres proto-canoniques de l'ancien Testament sont :
La Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, Josué, Ruth, les quatre livre des Rois, le premier et le second des Parali-pomènes, le premier et le second d'Esdras, les Psaumes, les Proverbes, le Cantique des cantiques, Isaïe, Jérémie, Ezechiel, Daniel et les douze petits prophètes.

Les proto-canoniques du nouveau Testament sont :

Les quatre évangiles de S. Matthieu, S. Marc, S. Luc et S. Jean, les Actes des apôtres et les treize épîtres de S. Paul : une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux Éphésiens, une aux Philippiens, une aux Colossiens, deux aux Thessaloniciens, deux à Timothee, une à Tite, une à Philemon ; de plus les deux Épîtres, la première de S. Pierre, et la première de S. Jean.

XXI. Les livres deutero-canoniques de l'ancien Testament sont:
Esther, Baruch, les Chapitres de Daniel qui contiennent l'Hymne des trois enfans, l'histoire de Suzanne et celle du Dragon tué par Daniel ; de plus Tobie, Judith, le livre de la Sagesse, l'Ecclésiastique, et le premier elle second des Machabées.

Les deutéro-canoniques du nouveau Testament sont :

L'Épître aux hébreux, l'Épître de S. Jacques, la seconde de S. Pierre, la seconde et la troisième de S. Jean, l'Épître de S. Jude et l'Apocalypse, il faut joindre à ceux-ci le dernier chapitre de S. Marc et l'histoire de la sueur de sang et de l'apparition des anges consolateurs dans S. Luc. Ces livres ont été reçus pour divins par la plus grande partie de l'Église, mais non d'abord par quelques catholiques.

Enfin, le concile de Trente, dans sa session quatrième, dont nous avons déjà parlé, les déclara sacrés et révélés.

XXII. Les calvinistes et les luthériens rejettent six livres de l'ancien Testament : Tobie, Judith, la Sagesse, l'Ecclésiastique et les deux livres des Machabées.

Dans le nouveau Testament, les calvinistes rejettent l’épître aux Hébreux de S. Jacques, celle de S. Jude et l'Apocalypse.

Mais tous les conciles et tous les Pères ont cité souvent les livres dont il est question, et les souverains Pontifes qui ont fait des catalogues des livres saints ont compte ceux-ci parmi eux :

- ainsi qu'Origène dans Eusèbe(lib. 5. chap. 8); S. Athanase (in Synopsi); S. Grégoire de Nazianze (Carm. de Genuin. Scriptur.) j S. Cyrille de Jérusalem (Catéch. 4.); ainsi que le concile de Laodicée (Can. ultimi.), celui de Carthage III (Can. 4' .); S. Augustin (lib. 2. De doctr. Christi, cap. 8.) ; le pape Innocent (Epist, ad Exuper.) et Gélase I dans Ie concile de Rome; S. Isidore (lib. 6. Elhymol. cap. 1.) S. Damascène (lib. 4. De fide, cap. 18.)

- ainsi enfin que le concile de Trente, comme nous l'avons vu.
Autant dire par conséquent toute l'Église, ce qui doit certainement suffire, car il est établi par les livres proto-canoniques eux-mêmes que l'Église est infaillible dans ses décisions.

XXIII. Anciennement less Hébreux comptaient parmi leurs livres sacrés certains livres qui n'y sont plus aujourd'hui, comme le livre Bellorum Domini (ap. Num. 21.), le livre Justorum (ap. Jos. c. 10.), le livre Verborum (ap. III. Reg. 11.), et quelques autres.
Ils en avaient aussi d'autres, qu'ils n'admettaient pas dans leur canon, comme celui d'Eldal et feledal, etc. Mais quant à celui-ci, S. Augustin dit qu'ils ne furent ni sacrés, ni canoniques. (Lib. Deciv.c. 38.)

§ IV. Objections des adversaires des livres canoniques.

XXIV. On objecte contre le livre de Baruch qu'il ne se trouve pas dans le catalogue de quelques Pères ; mais la cause en est (comme l'observe Bellarmin, ch. 8) que ceux-ci le tenaient pour être de Jérémie, parce que Baruch était son secrétaire, comme on le voit dans ce prophète au chap. 36. Du reste, tous d'ailleurs l'ont reçu comme sacré et en ont cité le texte sous le nom de Jérémie, comme l’avait dit Bellarmin à l'endroit cité.

XXV. On objecte contre le livre de Tobie qu'on ne le retrouve pas dans le catalogue fait par Esdras ; mais on répond que l'Église catholique l'a toujours reconnu pour divin, ce qui est prouvé par les conciles d'Hyppone et de Carthage et par le canon de Gélase.

XXVI. Touchant le livre de Judith, Luther et Grotius mettent en doute si l'histoire qui y est racontée n'est pas fabuleuse. Mais les SS. Pères ont tenu cette histoire pour réelle, comme il se voit encore par le concile d'Hyppone de l'année 393, par celui de Carthage tenu en 397, et par Innocent (Epist, ad Exuper.), et aussi par le concile de Rome sous Gélase.

Les anabaptistes regardent comme apocryphe le livre d'Esdras : en quoi ils se trompent; car ce livre, au moins dans ses premiers chapitres, fut tenu pour divin par les Hébreux eux-mêmes.

Il est vrai que quelques-uns ont douté de l'authenticité des sept derniers chapitres ; mais les Pères ont communément reçu pour vraie l'histoire d'Esdras.

Enfin ce livre se retrouve dans la Vulgate, laquelle a été approuvée par le concile de Trente.

On objecte que les sept derniers chapitres ne s'accordent pas avec les premiers. Mais on répond que ces sept chapitres, qui dans la Vulgate sont placés après les autres, ne sont pas en réalité les derniers, et que quelques-uns ont fait partie du commencement du livre, comme les chapitres 11 et 12 ; quelques autres du milieu, comme les chapitres 14,15 et 16; et d'autres de la fin, comme le chapitre 40.

S. Jérôme a placé ces sept chapitres là la fin, parce qu'il ne les retrouva pas dans le canon hébreux, mais seulement dans la Vulgate.
XXVH. Relativement au livre de Tobie, on objecte :

1°qu'il ne se trouve pas dans le canon hébreux, à quoi on répond qu'Esdras n'a pas compris dans son catalogue tous les livres sacrés, et qu'au surplus l'Église catholique l'a toujours reconnu pour tel, comme le consignent le concile d'Hyppone, celui de Carthage et le canon de Gélase

2° que dans ce livre de Tobie il est dit que Sara, épouse future du jeune Tobie, habitait dans Rajès, où le chapitre 4 fait aussi habiter Gabelus, et cependant on lit au chapitre 9 que Tobie étant arrivé au lieu où habitait Sara envoya de là l'ange vers Gabelus dans Rajès. On répond que dans le royaume des Mèdes :

- ou qu’il y avait deux villes de ce nom,
- ou bien que le Rages du chapitre 9 désigne pas la ville même, mais le territoire où elle était située, ainsi l'on appelle habitants de Rome ceux qui en habitent le territoire.

XXVIII. On a émis contre le livre de Job le doute qu'il contint une histoire véritable, mais l'Église grecque aussi bien que l'Église latine ont toujours tenu cette histoire pour vraie et on honoré Job comme un saint. Il est compté dans Ezechiel 14., avec les saints Noë et Daniel : «Etsi fuerint tres viri isti in medio ejus Noë, Daniel et Job. » Dans notre martyrologe sa fête est marquée au ? des ides de mai.

XXIX. On n'a fait aucune objection contre le livre des Psaumes ; mais il existe à son égard deux opinions également graves et également probables :

1.- Une que le livre entier est de David
2.- L'autre qu'il est en partie d'autres auteurs qui ont été même cités dans les libres des Psaumes.

XXX. Quelques-uns ont douté que le livre de l'Ecclésiaste fût de Salomon, mais c'est sans fondement, puisque dans le livre même Salomon s'en déclare l'auteur.

XXXI. L'Ecclésiastique a eu aussi contre lui de ne pas se trouver dans le catalogue d'Esdras; mais on a déjà dit que ce catalogue ne contenait pas tous les livres divins, et, du reste, les chefs de l'Église et les principaux Pères l'ont compté parmi les livres sacrés.

XXXII. Pour le livre de Daniel on a élevé des doutes sur le cantique des trois enfants, et les histoires de Suzanne, de Bélus et du Dragon qui ne se lisent pas dans le canon hébreux ; mais elles ont été reçues pour vraies par l'Église catholique d'accord avec les Pères.

On a objecté aussi que dans le chapitre VI il est dit que Daniel fut dans la fosse aux lions pendant une seule nuit, tandis qu'au chapitre XIV on lit qu'il y resta six jours. La réponse est que Daniel fut mis deux fois dans la fosse ; la première fois dans Babylone, quand il tua le dragon qui y était adoré, et alors il y resta six jours, comme le porte le chapitre xiv ; la seconde fois, sous l'empire de Darius, parce qu'il avait prié le vrai Dieu contre l'édit de ce prince, et il n'y resta qu'une seule nuit, comme il est dit au chapitre VI.


XXXIII. Contre le premier livre des Machabées on oppose au chapitre ? qu' Alexandre-le-Grand y est noté pour avoir régné le premier dans la Grèce, tandis que plusieurs y avaient dominé avant lui. Mais on a remarqué que l'Écriture n'entendait pas en cet endroit toute sorte de domination, qu'elle parlait seulement dé la monarchie grecque, dont Alexandre fut en effet le premier roi.

On objecte aussi qu'au chapitre VII on lit que les Romains décernaient tous les ans la magistrature suprême à un seul auquel tous les autres devaient obéissance, tel que cependant il est certain que dans ce temps-là ils nommaient pour gouverner deux consuls. Il faut répondre que l'Écriture a ainsi parlé, parce que tous les mois ou tous les jours (suivant quelques opinions) les consuls présidaient à tour de rôle, ou plutôt parce qu'un seul d'eux avait l'autorité principale.

XXXIV. Quant au second livre des Machabées, on oppose qu'au chapitre ? il est dit qu'Antiochus périt dans le temple de Nanca, et qu'on voit au livre ? chapitre vi, qu'il mourut dans son lit. La réponse est que l'Écriture au livre II, chapitre ? ne parle pas d'Antiochus Épiphane, mais d'Antiochus Soter, ainsi nommé par l'historien Josèphe, et qui mourut en effet dans le temple de Nanca où il fut lapidé. L'Écriture, au livre I, chapitre vi, parle d'Antiochus Épiphane qui mourut dans Babylone.

XXXV. On objecte encore que dans le livre II, chapitre II, il est rapporté que Jérémie cacha l'arche dans une caverne, tandis que Jérémie fut retenu en prison pendant tout le temps qui s'écoula jusqu'à la destruction du temple. A quoi on répond que Jérémie en voyant l'avenir, cacha l'arche au temps de Joachim pendant qu'il était encore libre.

XXXVI. On a dit contre l'épître de S. Paul aux Hébreux, qu'elle ne porte pas le nom de Paul et de plus qu'elle diffère de style avec les autres.

Mais d'abord S. Paul ne se nomma pas, parce qu'il savait ne pas être agréable aux hébreux, à cause que plus que les autres il prêchait l’abolition de la vieille loi ; et pour ce qui est de la différence de style, elle vient de ce que S. Pau écrivant, cette lettre en hébreux, son idiome naturel, a dû l'écrire plus facilement et plus élégamment que les autres où il employait la langue grecque qui lui était moins connue, comme nous l'apprend S. Jérôme.

XXXVII. On reproche à la lettre de S. Jude de citer comme prophétique le livre d'Hénoch, reconnu comme apocryphe. On répond que ce livre n'est pas cité comme entier, mais seulement la prophétie faite par Henoch, laquelle a été peut-être introduite dans ce livre apocryphe, mais dont la certitude était connue de l'apôtre par révélation divine.

§ V. Si les divines Écritures furent également inspirées de Dieu pour les choses qui y sont contenues que pour les paroles.

XXXVIII. S. Grégoire dit : « Ipse scripsit, et illius operis inspirator extitit. (Praefat. in Jub.) On a émit ici trois opinions :
La première que toutes les Écritures furent également inspirées de Dieu et pour le fond et pour les paroles.

La seconde que toutes les choses furent inspirées, mais non toutes les paroles, et celle-ci est la plus probable.

Enfin la troisième (qui est erronée et impie) que beaucoup de choses y furent inspirées ; mais que d'autres y ont été introduites arbitrairement par ceux qui les ont écrites.

Ce qui est certain, au moins de toute certitude, c'est que toutes les choses essentielles tant de l'ancien que du nouveau Testament ont été inspirées; autrement, dit S. Augustin, « tota scripturarum vacillaret auctoritas, ideoque » et fides nostra. » (Lib. 1. De doctr. Christ, cap. 27.)

C'est pour cela que S. Paul appelle les Écritures eloquia Dei, et qu'il écrit à Timothee (ch. 3.) :

« Omnis scriptura divinitus inspirato. »

Cette opinion est confirmée par toute la tradition ; par S. Irénée (Contra hœres. lib. 2. cap. 47.), Tertullien (Lib. De habitu mulier, cap. 23.), S. Athanase (Epist, ad Marcellin.), S. Basile (In prœm. in psal.), S. Chrysostôme (Hom. xxi. in c. 5. Gènes.)

Et cette tradition marche accompagnée de la persuasion unanime non seulement des chrétiens pour le nouveau Testament mais des Juifs pour l'ancien, comme il paraît par Philon et Josèphe.

XXXIX. Qu'ensuite l'Écriture n'ait pas été totalement inspirée pour les paroles, c'est l'opinion de S. Jérôme dans son épître à Algasia ; S. Augustin (Lib. 2 De consensu evangelist. cap. 12.), dit : « Si ergo quaeritur, quae verba potius dixerit Matthaeus, an quae Lucas, etc. » Nullo modo hinc laborandum ; » car ajoute-l-il, il suffit que le fond des choses soit vrai quoique les uns les aient présentées sous une certaine forme les autres dans des termes différents, et voilà pourquoi S. Denis d'Alexandrie, Origène, S. Basile, S. Grégoire de Nazianze, S. Jérôme et d'autres Pères citent les textes sacrés avec des barbarismes que certainement Dieu n'a pas dictés et autant faut-il en dire de la Vulgate vraie, dans toutes les propositions et maximes, sans que toutes les paroles aient été inspirées.

Réponses aux principales objections.

XL. On fait les objections suivantes :

Première objection. — Si les différents livres de l'Écriture furent au moins pour le fond des choses mêmes inspirés de Dieu, aucun de leurs auteurs ne dut prendre à cet égard ni soin ni peine, et cependant le contraire est énoncé dans S. Luc, et par l'auteur du second livre des Machabées.

On répond que ce n'est pas toute inspiration de Dieu qui exclut le soin et l'attention, mais une inspiration particulière par laquelle les choses et les paroles s'offrent d'elles-mêmes aux auteurs sans la coopération de leur esprit, tandis que le Seigneur portait les autres à appliquer leur attention de peur d'errer en rapportant les choses cachées et inconnues qu'il leur révélait.

XLI. Deuxième objection. —Plusieurs choses dans l'Écriture paraissent contraires aux préceptes divins, comme, par exemple, certaines imprécations qu'on lit dans les Psaumes : « Effunde iram in gentes, quae te non noverunt » (Psal. LXXXVII.), et d'autres semblables.

On répond avec S. Augustin parlant sur le psaume LXXXVII, que ce ne sont point là des imprécations dictées par un désir de vengeance, mais des prédictions des châtiments futurs de Dieu : « Non malevolentiae dolo ista dicuntur, sed Spiritu praevisa praedicuntur. »

XLII. Troisième objection. — On trouve dans l'Écriture des choses inutiles et qui ne semblent pas inspirées, telles que celle-ci dans l'épître à Timothee, chap. IV : « Penu Iam, quam reliqui Troade apud Carpum, veniens after tecum. »

On répond que toutes les choses contenues dans l'Écriture ne sont pas également utiles, mais qu'aucune n'est inutile, parce qu'elle sert au complément de la narration ou seulement à notre instruction, ainsi les paroles citées de l'apôtre nous apprennent que nous pouvons nous occuper méritoirement des objets nécessaires à nos besoins.

Aussi S. Jérôme écrit (Epist, ad Philemon.): « Quaecumque in scripturis levia et parva videntur, non » minus esse a Deo inspirata, quam creaturae vilissimae sint a conditore caeli et terrae. »



XLIII. Quatrième objection.— Certaines choses sont rapportées dans l'Écriture comme incertaines : ainsi S. Jean (Ch. ?.) dit : « Hydriae... capientes singulae metretas binas vel ternas.»

On répond que l'Esprit-Saint, dans quelques endroits, n'a pas voulu fixer certaines circonstances, mais laisser l'auteur suivre l'usage ordinaire de ceux qui racontent.

XLIV. Cinquième objection. —L'écrivain du deuxième livre des Machabées en finissant, « petit veniam erratorum. »

On répond que l'auteur n'entend point ici parler des erreurs du livre, mais seulement des négligences de son style, lorsqu'il dit, « et si quidem bene, et ut historise competit, hoc et ipse velim; sin autem minus digne concedendum est mihi. »

§ VI. Du sens des saintes Écritures.

XLV. Les livres sacrés ont divers sens et d'abord on distingue le sens littéral et le sens mystique.

Le sens littéral est celui qui fait entendre le texte tel qu'il est écrit et ce sens tout seul fait règle de foi.

Le sens mystique ne fait règle que quand il peut être appuyé sur un autre texte formel ou qu'il est ainsi entendu par tous les Pères.


XLVI. Le sens mystique est celui qui se déduit immédiatement de la chose exprimée par les paroles du texte; aussi suppose-t-il toujours le sens littéral comme ces mots de l'Exode (ch. xa.) sur l'agneau pascal :

« Nec os illius confringetis» qui sont appliqués par S. Jean (ch.xix.), dans un sens mystique à Jésus-Christ.

Le sens mystique se divise ensuite :

- En allégorique qui appartient aux mystères de la foi

- En analogique qui regarde la vie éternelle que nous espérons

- Et en tropologique ou moral qui a trait à la règle de conduite.

De plus il y a le sens de convenance comme celui qui applique à la bienheureuse Vierge les paroles que dit Jésus-Christ à Marie sœur de Lazare : « Mariam optimam partem elegit. » Ce dernier sens n'engage en rien la foi; car il n'est pas le but de l'Esprit-Saint.
Et il faut remarquer que souvent le même passage admet un double sens littéral, Dieu pouvant par les mêmes paroles exprimer plusieurs choses.

XLVII. On demande si le sens des Écritures est clair ou tout-à-fait obscur.

Les novateurs soutiennent que tous les textes offrent un sens clair, parce que bien que plusieurs soient obscurs, ils s'autorisent ainsi à les tourner et à les accommoder à leurs opinions.
Mais le contraire de ce qu'ils avancent est prouvé par l'Écriture elle-même.

Dans S. Luc (ch. xvm.) on lit : « El ipsi nihil eorum intellexerunt, » et au chapitre dernier il dit : « Tunc » (Christus) aperuit illis sensum, ut inlelligerent scripturas. »

En outre S. Pierre (II. Petr. cap. ni.) parle ainsi des épîtres de S. Paul : « In quibus sunt quaedam difficilia intellectu. »
Tous les Pères sont du même sentiment là-dessus et il suffira d'en citer deux entre tous.

S. Jérôme parlant de l'Écriture dit dans sa lettre à Algasia : << Quai tantis obscuritatibus obvoluta est. »

Et S. Augustin dans l'épitre xxix à Janvier : « In aliis innumerabilibus rebus multa me latent, sed etiam in ipsis sanctis Scripturis multa nesciam plura quam sciam. »

Celte vérité ressort encore mieux quand on considère le grand nombre d'interprétations que les Pères et les commentateurs catholiques ont données des Écritures.

XLVIII. On oppose le texte : « Mandatum quod ego prœcipio tibi hodie, non supra te est. » (Deuter. c. xxx.)

On répond que ces mots ne signifient pas que tout précepte est clair; mais que tout précepte compris comme l'explique l'Église est toujours possible à observer et même facile avec le secours de la grâce.

On oppose encore cet autre passage des Proverbes (CII. VI.) : « Mandatum lucerna est et lux, » Et celui-ci du psaume XVIII : « Praeceptum Domini lucidum illuminans oculos. » Cela veut dire que les préceptes divins bien entendus, éclairent l'esprit et dirigent la volonté vers les bonnes œuvres, mais non pas que l'Écriture soit claire dans son entier.

XLIX. S'il se trouve, disent les novateurs, quelques passages de l'Écriture qu'on puisse dire obscurs, le Seigneur ne manque pas d'en donner à chaque fidèle la claire intelligence.

C'est là le sens privé des hérétiques, dont l'effet est de produire autant de croyances diverses qu'il y a de croyants; aussi tous leurs congrès et leurs synodes provinciaux et nationaux n'ont jamais pu établir une profession de foi uniforme et c'est une chose connue partout, que parmi les hérétiques il y a autant de formules de foi que de têtes. Ce qui suffirait bien pour démontrer qu'ils sont dans l'erreur et n'ont pas la foi véritable.

§ VII. Des diverses versions de l'Écriture.

L. Les livres de l'ancien Testament furent tous écrits en hébreu.
Les livres du nouveau le furent en grec à l'exception de l'Évangile de S. Matthieu et de l'épître de S. Paul aux Hébreux écrite vraisemblablement en syriaque avec mélange d'hébreu et de chaldéen : il est probable aussi que l'Évangile de S. Marc fut écrit en latin à Rome.

Il y a eu de nombreuses versions de l'ancien Testament, on a eu celles d'Origène, de S. Lucien, de Théodosion, d'Aquila, de Simmaque et de plusieurs autres; mais la plus célèbre est celle des Septante, que fit faire, vers l'an 280 avant Jésus-Christ, le roi Ptolémée Philadelphe, fils de Ptolémée Lagus roi d'Egypte, et troisième roi de Grèce, depuis Alexandre-le-Grand, disciple du philosophe Demetrius Philarque. Ce roi Ptolémée voulant enrichir sa bibliothèque, fit demander à Eleazar, alors souverain pontife juif, une copie des livres sacrés et l'envoi de ses docteurs pour les traduire en grec. Eleazar lui envoya soixante-douze docteurs qui firent la version reconnue depuis par les Juifs et les Grecs d'Alexandrie.
LI. Touchant cette version, S. Irénée, Clément d'Alexandrie, S. Augustin et Bellarmin, ainsi que Baronius, ont pensé que ces interprètes furent inspirés de Dieu pour traduire les divines Écritures ; mais S. Jérôme dit le contraire : d'autres érudits pensent qu'au moins les Septante furent assistés de l'Esprit-Saint, pour éviter les erreurs.

LII. D'autres ont écrit d'après une histoire rapportée par un certain Aristée, gentil, que les Septante se placèrent chacun dans une cellule particulière, firent ainsi séparément leur version, et que quand on les compara, elles se trouvèrent toutes uniformes.
Mais S. Jérôme (In prœfat. in Penlaleuchum), rejette tout-à-fait ce récit en ces termes : « Nescio quis primus auctor septuaginta cellulas mendacio suo extruxerit. »

II affirme- que les soixante - douze docteurs traduisirent en conférant entre eux et c'est aussi l'opinion de Bellarmin et de plusieurs docteurs modernes. Bellarmin et les autres avertissent de plus que celte version est aujourd'hui tellement corrompue qu'elle n'est pour ainsi dire plus la même qu'autrefois.

Du reste il est certain que les apôtres et les Pères des premiers siècles se sont servis du texte de cette version ; mais aujourd'hui elle n'est point regardée comme authentique quoiqu'en dise Juenin (tom.l.p.75.c.76), où il soutient que la version des Septante a été et est toujours authentique.

LIII. Parmi les versions latines de l'ancien Testament, la plus reçue est la Vulgate que S. Augustin nomme italique et S. Grégoire ancienne. S. Jérôme la corrigea et en refit deux fois la traduction : la première sur le grec des Septante, la seconde sur le texte hébreu ; excepté le Psautier (qu'il corrigea seulement) et les livres de la Sagesse, de l'Ecclésiastique et des Machabées qui sont les mêmes que dans l'ancienne version latine.

Cette version de S. Jérôme fut depuis reçue universellement dans l'Église d'Occident, et finalement le concile de Trente, dans sa quatrième session la déclara authentique comme étant celle qui appuyée de la tradition apostolique avait été reçue pour vraie pendant tant de siècles.

LIV. Il faut remarquer que S. Jérôme ne traduisit point le nouveau Testament du grec en latin, mais seulement en ôta certaines erreurs; c'est ce que dit Juenin (tom. 1. pag. 79. concl. 4), et Bellarmin (Lib. 6. De Verb. Dei cap. 7.), qui ajoute que la version grecque du nouveau Testament, faite par ce saint par ordre de S. Damase, n'es point aujourd'hui un texte sûr à cause de ses incorrections.

LV. Les hérétiques objectent contre la Vulgate :

1° Qu'elle diffère de l'hébreu et de la version grecque, ce qui força Clément VIII à corriger la Vulgate publiée par Sixte V. On peut répondre qu'elle n'en diffère en rien qui puisse altérer le sens et changer la substance; du reste il importait peu qu'elle différât en quelques points des textes hébreu et grec que les érudits
reconnaissent être défectueux, ce qui est arrivé par la négligence des éditeurs. Néanmoins les versions grecque et hébraïque restent des sources précieuses pour conférer les textes, et le concile de Trente en leur préférant la Vulgate n'en a pas moins
reconnu leur degré d'autorité. Nous dirons aussi que Clément VIII, dans sa correction de la Vulgate de Sixte V, n'a nullement touché au sens, mais seulement au choix des termes.

LVI. Ils objectent en second lieu que le concile n'avait aucun motif de préférer la Vulgate aux autres versions. On répond qu'il en eut un motif bien suffisant dans le constant usage que l'Église en avait fait pendant mille ans; car dès le temps de S. Grégoire-le-Grand, la Vulgate servit de texte pour les leçons et décisions, comme on le voit par les livres de S. Grégoire et par les actes des conciles.

LVII. Ils objectent enfin que la Vulgate contient plusieurs erreurs qui n'ont pu être corrigées au temps du concile de Trente. On répond que jusqu'à présent on n'a pu constater aucune erreur; que si par la faute des libraires, il s'en est glissé parfois quelqu'une, les souverains pontifes se sont empressés de les faire rectifier. Si enfin quelques-unes ont pu être laissées, elles sont de si petite importance que dans le fait elles n'intéressent ni la foi ni la morale : voyez Juenin ( lom. 1. pag. 9. concl. 4).

§ VIII. Où l'on expose en terminant les doctrines les plus utiles à connaître sur la tradition.

LVIII. Par la tradition on entend la parole de Dieu non écrite que l'Église conserve et ordonne aux fidèles de croire avec la même plénitude de foi que les saintes Écritures.

On l'appelle tradition parce qu'elle ne nous vient pas au moyen de l'Écriture, mais comme de main en main « ab uno traditur alteri, » et qu'elle passe des uns aux autres par la parole el la commune renommée.

La parole de Dieu écrite se conserve sur le papier, el celle qui ne l'est point, dans les cœurs des fidèles.

LIX. Les traditions sont de trois sortes : divines, apostoliques et ecclésiastiques.

Les divines sont celles qui viennent de Dieu lui-même, ou du Christ, comme est l'institution de la matière el de la forme des sacrements.
Les apostoliques qui viennent des apôtres, et celles-ci sont de deux sortes :

- Car on distingue celles que les apôtres reçurent de la bouche même de Jésus-Christ, ou qui leur furent purement révélées par l'Esprit-Saint, parce que celles-là se confondent avec les divines,
- Et celles que les apôtres inspirées par l'Esprit-Saint ont transmises à notre obéissance, comme la mixtion de l'eau et du vin dans le calice, l'observance de la Pâques, de la Pentecôte, etc.

Enfin les ecclésiastiques sont des coutumes introduites aux premiers temps de l'Église par les prélats ou avec leur approbation par le peuple, lesquelles ont acquis par le laps de temps, force de loi, comme la récitation de l'office divin par les clercs promus aux ordres sacrés ou aux bénéfices, l'abstinence de la chair le samedi, etc.

LX. Les novateurs rejettent toutes les traditions; mais les catholiques tiennent qu'il y a des traditions divines qui servent, comme l'Écriture, de fondement à la foi; aussi le concile de Trente nous enseigne que l'Église a une égale vénération pour l'Écriture que pour la tradition, en disant à la quatrième session dans le décret sur les Écritures canoniques :

« Perspiciensque hanc veritatem et disciplinam contineri in libris scriptis, et sine scripio traditionibus, quae ab ipsius Christi ore ab apostolis acceptae, aut ab ipsis apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditae ad nos usque pervenerunt; orthodoxorum Patrum exempla secuti, omnes libros tam veteris, quam novi Testamenti, eum utriusque unus Deus sit auctor, necnon traditiones ipsas tum ad fidem, tum ad mores pertinentes tamquam vel ore- tenus a Christo, vel a Spiritu Sancto dictatas, et continua successione in Ecclesia catholica conservatas, pari pietatis affectu, ac reverentia suscipit, et veneratur. »

LXI, Les traditions divines furent d'abord de même nature que la loi naturelle, et cela depuis Adam jusqu'à Moïse.

Il devait certainement y avoir alors une règle certaine de foi ; cette règle ne pouvait être écrite puisque l'Écriture n'existait pas, elle venait donc par la tradition d'Adam, qui enseigna à ses enfants ce que Dieu lui avait révélé touchant la rédemption et les autres mystères relatifs à notre salut.

LXII. Au temps de la loi écrite publiée par Moïse, bien qu'il y eût alors des écritures sacrées, les Hébreux durent se transmettre encore par la tradition plusieurs règles de foi et de conduite.

Le Seigneur dit (Exod. 13.) : « Narrabis filio tuo in illa die dicens, hoc est quod fecit Dominus.» Et David, ps. LXXVII : « Quanta mandavit patribus nostris nota facere ea filiis suis, ut cognoscat generatio altera. » Ainsi non-seulement l'Écriture, mais aussi la tradition de leurs pères, servit à faire connaître aux Juifs les événements qui devaient leur arriver.

LXIII. Finalement, la tradition fut encore nécessaire dans les premiers temps de la loi évangélique puisque l'évangile de S. Matthieu qui fut le premier livre du nouveau Testament ne parut que huit ans après la mort de Jésus-Christ, et que toutes les autres écritures ne vinrent que plusieurs années après.

LXIV. Et même jusque dans le temps présent les traditions sont nécessaires pour plusieurs raisons :

1° afin de discerner les livres canoniques des apocryphes, car cette distinction n'est contenu dans aucun livre sacré et ne peut être faite par les lumières et le sens privé comme nous l'avons vu plus haut; aussi les Pères disent-ils unanimement que la tradition seule nous apprend quels sont les livres véritablement sacrés. Origène écrit : « Ex tradilione didici de quatuor Evangeliis, quod hac sola, etc. » (??. Euseb. hist. 1. vi, e. 18.)

LXV. 2° Les traditions sont nécessaires à l'Église pour juger le vrai sens des Écritures qui servent de fondement à plusieurs dogmes de notre foi, comme sont la Trinité des personnes divines, la consubstantialité du Verbe et du Père, la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils, la certitude que la Vierge Marie est vraiment mère de Dieu, la tâche du péché originel dans tout homme naissant, la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eucharistie ; car le sociniens et autres hérétiques nient que l'Écriture contienne ce que l'Église catholique enseigne sur ces mystères.

LXVI. 3° Elles sont nécessaires pour établir la certitude de plusieurs dogmes de foi admis également par les catholiques, les luthériens et les calvinistes contre l'opinion d'autres hérétiques, comme celui de la virginité de la mère de Dieu contre Elvidius; l'efficacité du baptême des enfants contre les anabaptistes ; la validité du baptême donné par les hérétiques contre les donatistes. El de tout cela rien n'est enseigné dans l'Écriture, et nous n'en tenons la vérité démontrée que par la tradition.

LXVII. En outre, les apôtres n'écrivirent pas tout ce qu'ils enseignèrent, et il est certain qu'eux-mêmes apprirent plusieurs choses de la bouche même de Jésus-Christ : aussi recommandaient-ils aux fidèles les traditions qu'ils leur avaient transmises.

S. Paul écrit (I. Cor. n. i. ) : « Laudo vos, quod per omnia mei memores estis, et sicut tradidi vobis, praecepta mea tenetis. » Et ailleurs (adThessal. II.): «Tenete traditiones, quas didicistis sive per sermonem, sive per epistolam nostram. » Ce qui fait dire à S. Chrysostôme sur ce dernier passage : « Hinc patet quod non omnia per epistolam, sed multa etiam sine litteris ; eadem vero fide digna sunt tam illa, quam ista. »

LXVIII. Mais les adversaires de la tradition opposent, ce passage du ch. iv du Deutéronome : « Non addetis ad verbum, quod ego praecipio vobis, nec auferetis ex eo.» Ils ajoutent celle parole adressée aux pharisiens, dans S. Matthieu, ch. xv : « Quare ei vos transgredimini mandatum Dei propter traditionem vestram? »

On répond sur le premier texte que Moïse n'y dit pas : « Non addetis » ad verbum quod ego scribo vobis, » mais « quod praecipio vobis, » ainsi il ne s'agil pas là de la tradition, mais du précepte.

De même Jésus-Christ ne dit pas : Traditionem meam, mais vestram, c'est-à-dire cimentée par les pharisiens; aussi il dit ensuite : « Irritum fecistis mandatum Dei propter traditionem vestram. »

LXIX. On oppose encore ce passage de l'apôtre (II. ad Tim. ni) : « Omnis scriptura divinitus inspirata, utilis est ad docendum, ad arguendum , ad erudiendum in justitia , ut perfectus sit homo Dei ad omne opus bonum instructus. » D'où l'on tire l'objection : A quoi sert la tradition quand l'Écriture contient tout ? — La réponse est que suivant l'apôtre l'Écriture est utile à enseigner, à reprendre, etc. ; mais il ne dit pas qu'elle suffit à tout. Outre que S. Paul ne parle point ici des livres saints pris collectivement mais de chacun d'eux en particulier, disant que chacun est utile, mais non pas qu'il est suffisant pour nous instruire de tout ce qui regarde la foi et la pratique.

LXX. Nous savons d'ailleurs que les conciles, pour interpréter l'Écriture, se sont appuyés sur la tradition.

Théodoret (Hist. lib. 1, cap. 8.) atteste que le premier concile de Nicée s'appuya sur la tradition pour motiver la condamnation d'Arius.
Le second de Nicée, comme il paraît par l'acte 6, argua aussi de la tradition pour défendre les saintes images contre les iconoclastes.
Pareillement le concile VIII, acte 8 , déclara que les véritables traditions faisaient règle et devaient être observées.

LXXI. Le consentement unanime des saints Pères est encore une preuve que les traditions doivent être tenues pour la parole même de Dieu; cela se voit aussi bien par les Pères grecs, tels que S. Ignace (apud Euseb. Hist. lib. 1, cap. 36), S. Irénée (lib. 5, c. 4), Origène(in cap. 6 ad Rom.), S. Basile (lib. de Spir. S. cap. 27), S. Chrysostôme déjà cité, et S. Épiphane (de haeresibus, haeres 61.), que par les Pères latins, comme Teriullien (in lib. Depraescripl), S. Augustin (lib. 5 De bapt. cap. 23). Vincent de Lerins dans tout sou livre intitulé Commonitorium nous enseigne qu'on doit s'en tenir aux traditions.


LXXII. Mais on objecte

1° que S. Cyprien n'a pas cru transmise par les apôtres la tradition qui lui était opposée par le pape Etienne, et qu'il l'appelait ancienne erreur, vetustam errorem. — On répond que S. Cyprien rejetait la tradition opposée par le pape Etienne en tant qu'il ne la croyait pas provenue des apôtres; mais il ne pensait pas moins qu'on ne dût recevoir les traditions véritablement transmises par eux.

LXXIII. 2° Que S. Jérôme dit sur le ch. XXIII de S. Matthieu : « Hoc quia de scripturis auctoritatem non habet, eadem facili late contemnitur qua probatur. » — On répond que le saint rejetait ici avec mépris une objection non appuyée sur l'Écriture, mais sur un livre apocryphe où il était dit que le Zacharie tue par les Juifs entre le temple et l'autel était le Zacharie, père de Jean-Baptiste.

LXX1V. 3° Que la tradition n'est point un fondement assuré à cause des changements auxquels elle est sujette :

- Comme il est arrivé pour la communion eucharistique sous les deux espèces, observée ainsi pendant tant de siècles, et depuis quatre siècles abolie.

— On répond qu'il ne s'agit ici que de la tradition qui touche à la foi et à la morale, laquelle est infaillible et immuable, mais non de celle qui regarde la discipline qui peut sans doute être changée pour de justes causes.

Nous devons enfin terminer en établissant les règles qui servent à distinguer la tradition divine de la tradition humaine. Car les hérétiques rejettent les traditions parce qu'ils prétendent que l'on ne peut discerner les vraies des fausses.

Règles par lesquelles on reconnaît qu'une tradition est humaine et non divine.

Règle première.

Une tradition n'est point divine bien que reçue par toute l'Église, lorsqu'elle tire sa source de la décision d'un Père ou d'un concile particulier parce que par cette voie nous aurions à admettre, sans fondement certain, de nouvelles révélations touchant la foi ou la morale ; ce qui a toujours été abhorré et combattu dans l'Église par les hommes les plus zélés pour la religion.

« Mos iste (dit Vincent de Lerins) in ecclesia semper viguit, ut quo quisque foret religiosior, eo promptius novellis adinventionibus contrahet. » (Lib. 1. e. 5.)

Aussi les souverains pontifes, les conciles et les Pères ont apporté le plus grand soin à conserver l'intégrité de la religion en repoussant du sein de l'Église toutes doctrines nouvelles sur les points de la foi autres que celles déjà reçues.

La même chose fut prescrite par l'apôtre à Timothee : « Timothee depositum custodi, devitans profanas vocum novitates, et oppositiones falsi nominis scientiae, quam quidam promittentes circa fidem exciderunt.» (I. ad Tim. vi. 20.)

Vincent de Lerins ajoute : « Quid est depositum? est quod tibi creditum est, non quod a te inventum, quod accepisti, non quod excogitasti. » (Loc. cit. cap. 22. ) Ce fut avec de pareilles nouveautés révélées que Montan infecta l'Église.

Règle deuxième.

Une doctrine qui ne se trouve établie que dans une église particulière ne doit point être considérée comme divine, mais seulement comme humaine.

Autrement, ainsi que le démontre S. Augustin contre les donatistes, toute l'Église catholique devrait se trouver réduite à ce seul endroit de la terre. Dans ce cas on ne doit point tenir compte d'une église isolée.

Règle troisième.

Il ne faut pas tenir pour divine une tradition qui enseigne quelque dogme sur l'autorité d'un seul ou d'un petit nombre d'auteurs modernes ou même anciens, fussent-ils docteurs ou saints, s'ils sont en opposition en cela avec tous les autres.

L'erreur des millénaires, qui consistait à croire que Jésus-Christ après la résurrection des hommes devait régner pendant mille ans sur la terre avec les élus, fut admise par plusieurs pères, par Terlullien, par S. Irénée, par Lactance, d'après Eusèbe (Hist. lib. 5. c. 39.); mais le sentiment contraire de tous les autres l'a fait condamner.

§ IX. Règles pour reconnaître si une tradition est divine et non humaine.

Règle première.

Tout dogme reçu universellement par l'Église doit être tenu pour tradition divine, bien qu'il ne se trouve pas dans les Écritures.
La raison en est que l'Église universelle ne peut errer, étant la colonne stable et infaillible delà vérité, comme l'écrit l'apôtre. (I. Tim. in.)

D'où Tertullien dit (lib. De prœscripl.) : « Quod apud multos unum invenitur, non est erratum, sed traditum.» On lit la même chose dans S. Cyprien (lib. 5. epist. 15.), et dans S. Jérôme contre Vigilance.

Règle deuxième.

Toute doctrine que l'Église entière a soutenue dans un autre siècle quelconque doit également être tenue pour divine, parce que de même que l'Église ne peut au siècle présent accepter par erreur ce qui est humain pour divin, elle ne l'a pu non plus dans les siècles précédents.

Règle troisième.

Telle pratique qui ne peut avoir été prescrite que par Dieu, doit être tenue pour venir de la tradition apostolique, toutes les fois que l'Église entière l'observe.

C'est ainsi que S. Augustin prouve que l'usage de baptiser les enfants est de tradition divine : « Consuetudo matris Ecclesiae in baptizandis parvulis non est superflua reputanda nec omnino credenda, nisi apostolica esset traditio. » (de Gen. 25.)

Il parle de même sur l'usage de ne pas rebaptiser ceux qui l'ont été par les hérétiques. (Lib. 2. De bapt. c. 7.)

Il y a plusieurs choses du même genre, dit Melchior Canus (De loc. theoi. lib. 3. c. ?.), qui se pratiquent dans l'Église et qui ne pourraient se faire, si l'Église n'en avait reçu la faculté de Dieu par tradition apostolique, comme de disposer des vœux, de relever des serments.

La même raison existe, comme l'écrit Juenin (tom. i. c. 3. p. 137.), à l'égard de l'annulation d'un mariage ratifié, mais non consommé, pour les vœux solennels.

Car on ne peut supposer que l'Église ait erré en usurpant un tel pouvoir sans y être divinement autorisée.

Règle quatrième.

Quand une pratique a été généralement et de tout temps observée dans l'Église, sans avoir été instituée par un concile, elle doit être considérée comme instituée par tradition apostolique, bien qu'elle soit de nature à l'avoir été par l'Église elle-même.

« Quod universa tenet Ecclesia (écrit S. Augustin), nec conciliis institutum, sed semper retentum est, nonnisi auctoritate apostolica traditum rectissime creditur. » (Lib. 4. De bapl. cap. 24.)

C'est en argumentant ainsi que les théologiens disent que le jeûne du carême est d'institution apostolique.

En outre, Terlullien et S. Irénée disent que si on ne retrouve pas dans quelques églises la tradition de quelque dogme qui pourtant est conservée dans les autres, au moins dans les principales églises apostoliques, dans lesquelles la succession des évêques n'a point été interrompue, en ce cas il faut croire cette tradition divine.

C'est ainsi que parle Tertullien (lib. De piaescrip.), et S. Irénée (lib.3. adv. hœres. cap 2.), lequel au chapitre 3 ajoute que parmi ces églises apostoliques qui ont conservé la véritable tradition, l'Église romaine tient le premier rang :

« In qua semper ab his, qui sunt undique, conservata est ea quae est ab apostolis traditio"

Et puis énumérant tous les pontifes romains jusqu'à son temps, il dit :

« Hac ordinatione et successione ea quae est ab apostolis in Ecclesia traditio et veritatis prœconisatio pervenit usque ad nos. »


     

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 De l'Ecriture et de la Tradition par Abbé Néri  (2013-02-26 20:51:04)
      Merci par Chris  (2013-02-26 22:03:45)
      Oui, mais je crois par Yves Daoudal  (2013-02-27 09:37:56)
          réponse par Abbé Néri  (2013-02-27 17:40:22)


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