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L'eglise est visible
par Abbé Néri 2013-02-24 14:28:20
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Dans son combat contre l’hérésie des protestantes, saint François de Sales écrit ces pages admirables sur la visibilité de l’Église. Je vous donne ici une version originale, n’ayant pas trouvé une version en français moderne :

CHAPITRE II

Erreurs des ministres sur la Nature de l’Eglise

ARTICLE PREMIER

QUE L’EGLISE CHRETIENNE EST VISIBLE

Au contraire, Messieurs, l’Eglise, qui contredisoit et s’opposoit a vos premiers ministres, et s’oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut praetendre cause d’ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et tres chere Espouse du Roy celeste ; qui rend vostre separation d’autant plus inexcusable.

Car, sortir de l’Eglise, et contredire a ses decretz, c’est tousjours se rendre ethnique et publicain (mat 18, 17), quand ce seroit a la persuasion d’un ange ou seraphim (Gal 1, 8) ; mays, a la persuasion d’hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et la plus religieuse obligation d’obeissance qu’on eust en ce monde, qui est celle qu’on doit a l’Eglise comm’Espouse de Nostre Seigneur, c’est une faute qui ne se peut couvrir que d’une grande repentance et poenitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant.

Les adversaires, voyans bien qu’a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l’Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable. Je crois que cestecy est l’extrem’absurdité, et qu’au pardela immediatement se loge la frenesie et la rage.

Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l’invisibilité de l’eglise ; car les uns disent qu’ell’est invisible par ce qu’elle consiste seulement es personnes esleües et praedestinëes, les autres attribuent cest’invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles : dont les premiers tiennent l’Eglis’estre en tous tems invisible, les autres disent que cest’invisibilité a duré environ mill’ans, ou plus ou moins, c’est a dire, des saint Gregoire jusqu’a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme ; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

Ceste theologie est tant imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill’ans l’Eglise n’estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l’impieté et l’idolatrie.

Permettes moy, je vous prie, que je die librement la verité.

Tous ces discours ressentent le mal de chaud ; ce sont des songes qu’on faict en veilllant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant ; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l’interpretation de Daniel (Daniel 2, 34) : car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d’un mont sans oeuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s’accreut tellement que devenue montagne elle remplit toute la terre ; et Daniel l’entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera aeternellement (vers 44).

S’il est comm’une montaigne, et si grande qu’elle remplit la terre, comme sera elle invisible ou secrette ? Et s’il dure aeternellement, comm’aura il manqué 1000 ans ? Et c’est bien du royaume de l’Eglise que s’entend ce passage :

- car 1. celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s’eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l’interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle ; joint que d’estre taillé de la montaigne sans oeuvre manuelle appartient a lgenration temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans oeuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit. Ou donques Daniel a mal deviné, ou les adversaires de l’Eglise Catholique, quand ilz disoyent l’Eglis’estre invisible, cachêe et abolie. Ayes patience, au nom de Dieu ; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions.
Mays il faut avant tout dire que c’est qu’Eglise.
Eglise vient du mot grec qui veut dire, appeler ; Eglise donques signifie un’assemblëe ou compaignie de gens appellés : Sinagogue veut dire un troupeau, a proprement parler.

L’assemblëe des juifz s’appellloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s’appelle Eglise : par ce que les Juifz estoyent comm’un troupeau de bestail, asemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensembleen union de charité par la praedication des Apostres et leurs successeurs ; dont saint Augustin a dict :

" L’Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau ; par ce qu’estre convoqué appartient plus aux hommes, estr’entroupelé appartient plus au bétail. "

Or c’est a bonne rayson que l’on a apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que le premier benefice que Dieu faict a l’homme pour le mettr’en grace, c’est de l’appeller a l’eglise ; c’est le premier effect de sa praedestination :

Ceux quil a praedestinés il les a appellés,disoit saint Pol aux Romains (Rom 8, 30) ; et aux Collossiens : Et la paix de Christ tressaute en vos coeurs, en laquelle vous estes appellés en un cors.
Estr’appellés en un cors c’est estr’appellés en l’Eglise ; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu (Chap 20, 1 et 16 ; 22, 2 et 14), de la vigne et du banquet avec l’Eglise, les ouvriers de la vigne et les conviés aux noces il les nomme apellés et convoqués : Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.
Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s’apelloyt autrement ????????? ; dont le mot d’Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu (Eph 2, 19).

Voyla d’ou est pris le mot d’eglise, et voicy la definition d’icelle.

L’Eglise est une sainte (Eph 5, 27) université ou generale compaignie d’hommes, unis (Jean 11, 52 ; Eph 4, 4 ; saint Cyprien : De unitate Ecclesiae) et recueillis en la profession d’une mesme foi Chrestienne, en la participation de mesmes Sacremens et Sacrifice (1 Cor 10, 16-21 ; Heb 7, 21), et en l’obeissance (jean 10, 16 et 21, 17) d’un mesme vicaire et lieutenant general en terre de Nostre seigneur jesuchrist et successeur de saint Pierre, sous la charge des legitimes Evesques (Eph 4, 11-12).

J’ay dict avant tout que c’estoit une sainte compaignie ou asemblëe, par ce que la sainteté interieure.

J’entens parler de l’Eglise militante de laquelle l’Escriture nous a laissé tesmoignage, non de celle que proposent les hommes. Or, en toute l’escriture, il ne se trouvera jamais que l’Eglise soit prise pour un’assemblee invisible.

Voicy nos raysons, simplement estalëes :

Nostre Seigneur et Maistre nous renvoye a l’Eglise en nos difficultés et dissensions (Mat 18, 16-17) ; saint Pol enseigne son Timothee comm’il faut converser en icelle (1 Tim 3, 15) ; il fit apeller les Anciens de l’eglise Myletayne (Act 20, 17), illeur remonstre quilz sont constitués du Saint esprit pour regir l’Eglise (vers 28), il est envoÿé par l’Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l’Eglise (Act 15, 3-4 et 22), il confirmoit les Eglises (vers 41), il constitue des prestres par les eglises, il assemble l’Eglise (Act 14, 22 et 26), il salue l’Eglise en Caesaree (Act 18, 22), il a persecuté l’Eglise (Gal 1, 13).

Comme se peut entendre tout cecy d’une Eglise invisible ? Ou la chercheroit on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir ? Quand ell’envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l’assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit ? Je ne crois pas que chacun ne voÿe clerement que c’estoit effectz visibles et perceptibles de part et d’autre. Et quand il luy escrivoit (gal 1, 2 et 2 Cor 1, 2), s’adressoyt il a quelque chimere invisible ?

Que dira l’on aux propheties, qui nous repraesentent l’Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique ?
Ilz la depeignent comm’une reyne parêe de drap d’or recamé, avec une belle varieté d’enrichissemens (Ps 54, 10 et 14),comm’une montaigne, comm’un soleil, comm’une pleyne lune, comme l’arc en ciel, tesmoin fidele (Is 2, 2 et Mich 4, 1-2) et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version : Et thronus ejus sicut in sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in aeternum, et testis in caelo fidelis (Ps 88, 37 ; Cant 6, 9 ; Gen 9, 13)

L’Escriture atteste par tout qu’elle se peut voir et connoistre, ains qu’ell’est conneue.

Salomon, es Cantiques, parlant de l’Eglise, ne dict il pas : Les filles l’ont veüe et l’ont praechëe pour tresheureuse ? Et puys, introduysant ses filles pleynes d’admiration, il leur faict dire : Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm’une aurore en son lever, belle comme la lune, esleûe comme le soleil, terrible comm’un esquadron de gendarmerie bien ordonné ? (Cant 8 et 9) N’est ce pas la declarer visible ?

Et quand il faict qu’on l’apelle ainsy : Reviens, reviens Sullamienne, reviens, reviens, affin qu’on te voÿe, (Cant 7, 12) et qu’elle responde : Qu’est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees ?(7, 1) n’est ce pas encores la declairer visible ? Qu’on regarde ces admirables cantiques repraesentationspastorales des amours du celest’Espoux avec l’Eglise, on verra que par tout ell’est tres visible et remarquable.

Esaïe parl’ainsy d’elle : Ce vous sera une voÿe droite, si que les folz ne s’egareront point par icelle ; (Is 35, 8) faut il pas bien qu’elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s’y sçauront conduyre sans se faillir ?

Les pasteurs et docteurs de l’Eglise sont visibles, donques l’Eglise est visible : car, je vous prie, les pasteurs de l’Eglise sont ilz pas une partie de l’Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s’entrereconnoissent les uns et les autres ?

Faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent (Jean 10, 4) ? Faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et son bercail ? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoitre son troupeau ni le voir.

Je ne sçay s’il me faudra prouver que les pasteurs de l’Eglise soyent visibles : on nie bien des choses aussy claires.

Saint Pierre estoit pasteur, ce crois je, puysque Nostre Seigneur luy disoit : Repais mes brebis (Jean 10, 17) ; aussy estoyent les Apostres, et neanmoins on les a veu (Marc 1, 16). Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit : Prenes grad’a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l’Eglise de Dieu (Act 20, 28), je crois , dis je , quil les voyoit ; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon pere, le baysans et baignans sa face de leurs larmes (vers 37), je crois quil les touchoit, sentoyt et voÿoit : et ce qui me le faict plus croire, c’est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face (vers 38) ; ils voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

En fin, Zuingle, OEcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs. On voyt donq les pasteurs, et par consequent les brebis.

C’est le propre de l’Eglise de faire la vraÿe praedication de la Parole de Dieu, la vraÿe administration des Sacremens ; et tout cela est il pas visible ? Comme donques veut on que le sujet soit invisible ?

Ne sçait on pas que les douze Patriarches, enfans du bon Jacob , furent la source vive de l’Eglise d’Israel ; et quand leur pere les eut assemblé devant soy pour les benir (Gen 40, 1 et 2), on les voyoit, on s’entrevoyoit entr’eux. Que m’amuse je faire en cela ? toute l’histoire sacrëe faict foy que l’ancienne Sinagogue estoit visible, et pourquoy non l’Eglise Catholique ?

Comme les patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair (Rom 9, 5), faysoyent l’Eglise (Judaïque) visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l’esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l’Eglise Catholique visiblement selon le Psalmiste : pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre (Ps 44, 17) : pour douze Patriarches te sont nais douze Apostres, dit Arnobe. Ces Apostres assemblés en Hierusalem, avec la petite troupe des disciples et la tresglorieuse mere du Sauveur, faysoyent la vraÿe Eglise ; et comment ? visible, sans doute, ains tellement visible que le Sainct Esprit vint arrouser visiblement ces saintes plantes et pepinieres du Christianisme (Act 2, 3).

Les anciens Juifz comm’estroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu ? par la circoncision, signe visible ; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

Les anciens par qui gouvernés ? Par les prestres Aaroniques, gens visibles ; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

Les anciens par qui prechés ? par les Prophetes et docteurs, visiblement ; nous autres, par nos pasteurs et praedicateurs, visiblement encores.

Les anciens quelle manducation religieuse et sacrêe avoyent ilz ? de l’aigneau Paschal, de la manne, tout est visible ; nous autres, du tressaint Sacrement de l’Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

La Sinagogue par qui persecutëe ? par les Egiptiens, babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles ; l’Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, haeretiques, tout est visible.

Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l’Eglise est visible ? Mays qu’est ce que l’Eglise ? une assemblëe d’hommes qui ont la chair et les os ; et nous dirons encores que ce n’est qu’un esprit ou fantosme, qui sembl’estre visible et ne l’est que par illusion ? Non, non, qu’est ce qui vous troubl’en cecy, et d’ou vous peuvent venir ces pensers ? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs ; voyes ses pieds, regarde ses praedicateurs comm’ilz la portent en levant, couchant, midy et septentrion : tous sont de chair et d’os. Touches la, venes comm’humbles enfans vous jetter au giron de ceste douce mere ; voyes la, consideres la bien tout’en son cors comm’elle est toute belle, et vous verres qu’ell’est visible, car une chose spirituelle et invisible n’a ni chair ni os comme voyes qu’elle a (Luc )

Voyla nos raysons, qui sont bonnes a tout’espreuve ; mays ilz ont quelques contreraysons, quilz tirent ce leur semble de l’Escriture, bien aysëes a rabbatre a qui considerera ce qui s’ensuit :

Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l’ame : ainsy l’Eglise son Espouse a deux parties ; l’une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l’esperance, la charité, la grace ; l’autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la praedication, les Sacremens, le Sacrifice : ains tout ce qui se faict en l’Eglise a son interieur et son exterieur ; la priere interieure et exterieure (1Cor 14, 15), la foy remplit le coeur d’asseurance et la bouche de confession (Rom 10, 9), la praedication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette lumiere du Pere caeleste y est requise, car il faut tousjours l’ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Fils (Jean 6, 44-45) ; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait ? Voyla donq l’interieur de l’Eglise et l’exterieur .

Son plus beau est dedans, le dehors n’est pas si excellent : comme disoit l’Espoux es Cantiques : Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans (Cant 4, 11); le miel et le laict sont sous ta langue, c’est a dire en ton coeur, voyla le dedans, et l’odeur de tes vestemens comme l’odeur de l’encens, voyla le service exterieur ; et le Psalmiste : Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c’est l’interieur, Revestue de belles varietés en franges d’or, voyla l’exterieur. (Ps 44, 14-15)

Deuxiemement, il faut considerer que tant l’interieur que l’exterieur de l’Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement ; car l’interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l’exterieur de sa propre nature est corporel, mays par ce quil tend et vise a l’interieur spirituel on l’apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l’esprit, quoy quilz fussent corporelz ; et quoy qu’une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public , comme les juges, on l’apelle publique.

Maintenat, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les coeurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie (Chap 31, 33), on doit respondre, qu’en l’interieur de l’Eglise et dans son coeur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l’exterieur qui la faict voir et reconnoistre ; ainsy quand il est dict en l’Evangile, que l’heure est venüe quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité (jean 4, 23), nous sommes enseignés que l’interieur est le principal, et que l’exterieur est vain s’il ne tend et ne se va rendre dans l’interieur pour s’y spiritualizer.

De mesme, quand saint Pierre appelle l’Eglise mayson spirituelle (1 pierre 2, 5), c’est par ce que tout ce qui part de l’Eglise tend a la vie spirituelle, et que sa plus grande gloire est interieure, ou bien par ce que ce n’est pas une mayson faitte de chaux et de sable, mays une mayson mistique de pierres vivantes, ou la charité sert de ciment.

La sainte Parole porte que le royaume de Dieu ne vient pas avec observation (Luc 17, 30) : le royaume de Dieu c’est l’Eglise ; donq l’Eglise n’est pas visible. Responce : Le royaume de Dieu, en ce lieu la, c’est Nostre Seigneur avec sa grace, ou si vous voules, la compaignie de nostre seigneur pendant quil fut au monde, dont il s’ensuit : Car voicy le royaume de Dieu est parmi vous (vers 21) ; et ce royaume icy ne comparut pas avec l’apparat et le fast d’une magnificence mondayne, comme les Juifz croyoyeny ; et puys, comm’on a dict, le plus beau joyau de ceste fille royale est caché au dedans, et ne peut se voir .

Quand a ce que saint Pol a dict aux Hebrieux (chap 12, 18-22), que nous ne sommes pas venus vers une montaigne maniable, comme celle de Sina, mays vers une Hierusalem caeleste, il ne faict pas apropos pour faire invisible l’Eglise ; car saint Pol monstre en cet endroit que l’Eglise est plus magnifique et enrichie que la Sinagogue, et qu’elle n’est pas une montaigne naturelle comme celle de Sina, mays mystique, dont il ne s’ensuit aucune invisibilité : outre ce qu’on peut dire avec rayson quil parle vrayement de la hierusalem caeleste, c’est a dire de l’Eglise triomphante, dont il y adjouste, la frequence des Anges, comme sil vouloit dire qu’en la vieille loy Dieu fut veu en la montaigne en une façon espouvantable, et que la nouvelle nous conduit a le voir en sa gloire la haut en Paradis.

En fin, voyci l’argument que chacun crie estre le plus fort : je crois la sainte Eglise Catholique ; si je la crois ne la vois pas ; donques ell’est invisible.

I a il rien de plus foible au monde que ce fantosme de rayson ?
Les Apostres n’ont ilz pas creu Nostre Seigneur estre ressuscité, et l’ont ilz pas veu ? Par ce que tu m’as veu, dict il luymesme a saint Thomas, tu as creu (jean 20, 29) ; et pour le rendre croyant il luy dict : Voys mes mains, et apporte ta main et la metz dans mon costé, et ne soys plus incrédule mays fidele (vers 47) : voyes comme la veüe n’empesche pas la foy, mays la produict. Or, autre chose vit saint thomas et autre chose il creut ; il vit le cors, il creut l’esprit et la divinité, car sa veüe ne luy avoit pas appris de dire, Mon Seigneur et mon Dieu (vers 28), mays la foy .

Ainsy croit on un baptesme pour la remission des pechés ; on voit le baptesme, mais non la remission des pechés.

Aussy voit on l’Eglise, mays non sa sainteté interieure, on voit ses yeux de colombe, mays on croit ce qui est caché au dedans, on voit sa robbe richement recamëe en belle diversité avec ses houppes d’or, mays la plus claire splendeur de sa gloire est au dedans, que nous croyons ; il y a en ceste royale Espouse de quoy repaistre l’oeil interieur et exterieur, la foy et le sens, et c’est tout pour la plus grande gloire de son Espoux.

     

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