Vous êtes virulent contre les Serbes, dont il serait cependant malhonnête de nier les responsabilités, tout comme d'affirmer qu'ils ont eu le monopole du nationalisme violent.

S'agissant de la Main noire de 1914, prenez garde à ne pas surestimer son rôle: les activistes qui assassinèrent le Grand-Duc autrichien à Sarajevo furent pourchassés par les autorités serbes, qui acceptèrent toutes les conditions pour l'enquête impériale, sauf celles qui étaient impossibles à admettre (intervention de troupes autrichiennes en Serbie, désarmement de la police serbe).

En réalité, l'Autriche-Hongrie était heureuse de disposer d'un prétexte pour mettre la Serbie hors d'état de nuire. Une petite Serbie vers qui regardaient les "Slaves du Sud" sous le joug autrichien.
Quant au Monténégro, il a toujours fait historiquement et culturellement partie de l'aire serbe, qu'il a intégré jusque dans l'extrême: lorsque le député croate Stjepan Radic déclara au Parlement yougoslave: "Nos amis Serbes nous rappellent toujours le prix qu'ils ont payé pendant la guerre. J'aimerais les inviter à en établir les coûts, afin que nous en soldions les comptes, et que nous nous en allions...", en 1928, il fut assassiné par un Monténégrin, au nom de la nation serbe.

Si le royaume serbe s'est fait centralisateur et autoritaire sous Alexandre II, cette évolution ne s'est faite qu'en 1929, alors que la nationalisme croate s'affirmait de plus en plus (et ce, malgré la grande tolérance du roi Pierre 1er, entre 1918 et 1921).
Dès lors, pour maintenir l'unité d'un pays qui répondait à l'époque à la volonté des peuples, il n'y avait que deux solutions: donner satisfaction aux forces centrifuges (ce que les communistes titistes, par haine de la Serbie, mèneront, jusqu'à la dissolution de l'Etat), ou construire la Yougoslavie autour d'une Serbie forte.

Ce fut le choix retenu par la monarchie serbe, mais cela ne veut pas dire que les Croates étaient brimés: le député croate Stjepan Radic, sur son lit de mort, réaffirma son allégeance au roi, et le régent succédant à Alexandre II proposa une autonomie plus large aux Croates, qu'il n'eut pas le temps de mettre en place, à cause de l'invasion de l'Axe en 1941.

Le communisme de Tito après 1945, au contraire de "l'hégémonisme étouffant des nationalistes serbes", travailla à la décentralisation et au fédéralisme, dans le but d'affaiblir la Serbie, pilier de l'ancien régime et horriblment "réactionnaire", parce que chrétienne orthodoxe, royaliste et anticommuniste.

A noter que l'entourage du maréchal Tito, lui-même croato-slovène, était ou bien croate anti-serbe, ou bien serbe marxiste niant la nation.

Pour mener à bien leur projet, les communistes créerent des Républiques autonomes, et s'acharnèrent à démembrer l'aire serbe: le Monténégro fut érigé en République, la Macédoine également (la langue macédonienne fut séparée du Serbe, et l'on créa une Eglise orthodoxe locale, pour diviser le christianisme orthodoxe serbe), tandis que les provinces de Voïvodine et du Kosovo avaient le rang d'Etats dans l'Etat.

Lors du "Printemps croate" des années 1970, Tito accéda aux requêtes des dissidents, et alla encore plus loin dans la décentralisation. Les Croates devinrent par la suite majoritaires au sein du corps diplomatique yougoslave et parmi les officiers intermédiaires de l'armée (les officiers supérieurs étant majoritairement serbes/monténégrins). Tito dota égalemment chaque République de sa propre armée parallèle, donnant aux Slovènes et Croates les moyens de se révolter en 1991.

Ce puzzle favorisant les nationalismes croate et musulman bosniaque contre le nationalisme serbe ne tenait que par la dictature policière communiste et l'autorité du maréchal Tito. Ce dernier mort, sa créature s'effondra d'elle-même, sous les coups des Slovènes, Croates et Musulmans pro-Izetbegovic, tandis que les Serbes/Monténégrins défendaient la structure fédérale yougoslave, qui avait le mérite de permettre aux Serbes de vivre en Croatie et en Bosnie.

Dès lors que la Yougoslavie fut détruite, les Serbes cherchèrent à créer une "Grande Serbie", par la kalachnikov, contre les Croates nostalgiques des Oustachis et les Musulmans.

A ce petit jeu, tous furent des victimes et des bourreaux. Les médias n'ont retenu pour ces derniers que les Serbes "massacreurs de Croates et de Musulmans". Et si on changeait de bouc-émissaire ?

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