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Quelques réflexions inspirées par ce documentaire.
par Scrutator Sapientiæ 2012-04-13 10:02:16
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Bonjour Jean Kinzler,

1. Tout d'abord, un grand merci, car c'est à vous que je dois d'avoir "repéré" la diffusion de ce documentaire.

2. Celui-ci est réducteur, simpliste, partial, partiel, orienté, partisan, sinon caricatural ou disproportionné, mais je m'attendais à tellement pire.

3. Par ailleurs, il n'évoque pas assez, à mon sens, la mouvance ou la tendance qui, à l'intérieur du catholicisme contemporain, en tout cas, en Europe occidentale, semble avoir le mieux tiré parti, sinon, fondamentalement, du Concile Vatican II et de sa mise en oeuvre, du moins, conjoncturellement, des cinquante dernières années, à savoir les charismatiques, qui semblent avoir réussi à s'installer à l'intérieur du paysage ecclésial sans se positionner d'une manière clivante pour ou contre le Concile Vatican II, même si l'originalité de leur positionnement ne se limite évidemment pas à cela.

4. Le fil conducteur du documentaire n'est pas inintéressant ; oui, l'Eglise, lors du Concile Vatican II, s'est "ouverte" sur sa périphérie extérieure, chrétienne et croyante, et sur le monde moderne, d'une manière plus "positive", plus compréhensive, sinon toujours approbatrice, et, dans l'ensemble, moins condamnatrice ou dénonciatrice, qu'auparavant.

5. En ce sens, l'Eglise s'est voulue "intégratrice" tout en restant "intégraliste", mais a déployé cette stratégie globale sur un double malentendu, un malentendu missiologique doublé d'un malentendu psychologique.

I. - Le fait de "dire les choses", d'une manière éventuellement moins désagréable ou plus agréable qu'avant, ne doit pas aboutir à passer sous silence, à placer dans les ténèbres, en d'autres termes, à TAIRE, les vérités premières, inhérentes au christianisme catholique, qui ne seront jamais consensuelles, et qui seront toujours jugées plus ou moins excluantes,

A) ou bien dans la mesure où elles excluront les non catholiques de la communion en plénitude au sein de l'unique véritable Eglise du Christ,

B) ou bien dans la mesure où elles excluront les catholiques fidèles à l'Eglise de la communion en plénitude avec les principes et fondements, a minima non chrétiens, du monde moderne.

II. - La priorité des priorités, dès la fin des années 1950, était OBJECTIVEMENT

- la consolidation, ad intra, de la Foi et des moeurs des fidèles,

et non

- l'attractivité, ad extra, de l'image et du langage de l'Eglise.

Or, cette priorité, face à la montée des périls : les séductions et tentations intellectuelles et comportementales :

- celle de l'individualisme vraiment hédoniste du capitalisme de marché "atlantique",

- celle du collectivisme faussement humaniste du capitalisme d'Etat "soviétique",

- celles de l'évolutionnisme, du freudo-marxisme, etc,

cette priorité n'a pas été prise en compte, au moment du diagnostic portant sur la situation de l'Eglise, ni au moment de la mise en oeuvre de la prescription comportant une médication qui devait, en théorie ou...en utopie, rajeunir le visage de l'Eglise.

6. Et puis, entre nous, quand vous faites entendre ou en tout cas laissez entendre aux non catholiques qu'ils ont bien des raisons, sinon bien raison, d'être

- chrétiens non catholiques,

- croyants non chrétiens,

- agnostiques mais humanistes,

le pire est qu'ils se mettent à vous croire,

- au point que cela ne fasse pas un catholique "de plus",

mais aussi

- au risque que cela déconcerte et désoriente les catholiques, depuis l'intérieur de l'Eglise elle-même, et fasse des catholiques "en moins".

7. Je ne sais plus qui a écrit, en substance : "Jean XXIII a ouvert les fenêtres, Paul VI a ouvert les portes, cela a fini par créer un courant d'air", mais ce n'est pas faux du tout : il suffit de se replonger dans l'atmosphère collective ecclésiale des années 1959 à 1964.

Mais justement, le début de la refermeture des portes, c'est la troisième session du Concile, à l'automne 1964, près de quatre ans avant l'encyclique Vatican II, qui date de l'été 1968 ; je veux dire par là qu'au sommet de l'institution ecclésiale, on avait bien compris que l'ouverture des fenêtres puis des portes avait donné naissance à une dynamique qu'il convenait de canaliser, dans l'espoir d'éviter de jeter "le bébé" (ce qui est essentiel, dans la Tradition), avec "l'eau du bain", (ce qui est accessoire, dans les traditions).

Or, si, dès l'automne 1964, les yeux s'étaient ouverts sur le déphasage déjà présent

- entre certaines tendances ou tentations, plus théologiennes qu'épiscopales, en faveur d'une "autonomisation" de la dynamique conciliaire, vis-à-vis d'une assez grande partie de la Tradition,

- et une certaine volonté pontificale, plus officielle qu'effective, en faveur d'une "hétéronomisation" de la dynamique conciliaire, en vue de sa canalisation, par et pour la Tradition,

nous aurions peut-être évité la douche écossaise qu'a été la publication de la lettre encyclique Humanae Vitae.

La compréhension du déphasage déjà présent fin 1964 aurait peut-être permis, au surplus, de mieux comprendre, de mieux "recevoir" les deux encycliques qui "annoncent" et "préparent", en un sens, Humanae Vitae : Mysterium Fidei et Sacerdotalis Caelibatus.

8. Je terminerai ce message en faisant référence à la remarque finale du documentaire : "le problème est-il bien encore là ?" : pour ou contre Vatican II, ou plus précisément, peut-être, pour ou contre le maintien en vigueur ou la mise en sommeil de la dynamique conciliaire qui a pris appui sur le dispositif conciliaire, sans lui être toujours fidèle ?

Aussitôt après cette remarque, faite par l'auteur du documentaire, on voit Mgr ROUET, nous rappeler en substance que le problème de fond, aujourd'hui, c'est que Dieu ne signifie à peu près plus rien, aujourd'hui, du point de vue de l'individu contemporain.

Je crois que c'est en effet le problème de fond, mais je ne suis pas sûr que le Concile Vatican II y ait porté remède.

9. En effet, à partir du moment où les hommes d'Eglise, par exemple,

A. s'expriment le moins possible, en des termes surnaturels et théologaux,

- sur la Création du monde par le Dieu Trinité,

- sur le péché originel et sur ses conséquences,

- sur l'Incarnation, sur la Crucifixion, sur la Résurrection,

- sur les dons de l'Esprit Saint et les fruits de l'Esprit Saint,

- sur la Confession, sur la conversion, sur l'Eucharistie,

- sur les fins dernières et sur la Rédemption,

B. dénoncent le moins possible les origines de l'apostasie et de l'idolâtrie contemporaines, la civilisation des loisirs, la société du produire pour consommer,

C. signalent et soulignent le moins possible le risque d'ambiguité ou de contradiction, ou encore de candeur et de tiédeur, qui existe dans le fait d'accorder à peine plus d'estime pour sa propre religion que pour les grandes religions ou traditions non chrétiennes,

à partir de ce moment là, de ce climat là, horizontaliste et humanitariste, je peux comprendre, en effet, que Dieu ne signifie à peu près plus rien, aujourd'hui, du point de vue de l'individu contemporain.

10. Mariez donc le kantisme avec le thomisme ;

- soumettez donc ce "thomisme transcendantal" à un évolutionnisme humanitariste d'inspiration plus ou moins teilhardienne ;

- activez-vous et annoncez donc, par omission des vérités qui dérangent, en direction d'un "néo-pélagianisme" quasiment sans péché originel et d'un "néo-orégénisme" quasiment sans enfer éternel,

et vous verrez si le seul vrai Dieu signifie encore quoi que ce soit, quoi que ce soit d'éclairant, d'édifiant, d'exigeant, de nourrissant, de fortifiant, de vivifiant, demain, non seulement du point de vue de l'individu contemporain, mais aussi du point de vue des catholiques.

Une théorie, porteuse d'utopie, a débouché sur une aporie, un embarras général, fait de lucidité et d'impuissance, parfois exprimé au sommet de l'Eglise, et souvent ressenti au sein même de celle-ci.

A contrario, on se sortira de l'aporie qu'en affranchissant la théorie de l'utopie à laquelle elle est asservie, utopie qui a donné l'impression, à sa naissance, de dynamiser l'Eglise, mais qui en fait, à plusieurs titres, la paralyse.

Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour ce message, sans doute un peu trop long, et certainement amendable et perfectible, et je vous souhaite une bonne journée.

Scrutator.

     

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