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Le droit au blasphème n'existe pas : éditorial de Jean-Pierre Maugendre
par Michel Jacques 2011-11-11 17:30:54
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Extrait de la revue n°119 de Renaissance Catholique

Le droit au blasphème n’existe pas, n’a jamais existé, n’existera jamais

La pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, met en scène un vieillard incontinent aux diarrhées irrépressibles, sans cesse nettoyé par son fils devant le visage du Christ et qui finira souillé d’excréments. Cette mise en scène a relancé le débat sur la liberté d’expression et le droit, ou non, de tout dire, et écrire. Les idéologues libertaires revendiquent le droit au blasphème pendant que des chrétiens de plus en plus nombreux s’estiment blessés dans leur foi et le manifestent par la prière publique, calme et pacifique.
Le droit au blasphème
Peut-il exister un droit au blasphème ou bien y a-t-il des valeurs sacrées à respecter dans une société ? Cette question ne constitue-t-elle pas d’ailleurs une contradiction dans les termes ? Le blasphème, au sens strict d'insulte à la divinité ou plus large d'outrages à des personnes ou des idées "respectables", rejoignant la notion de sacrilège, a toujours existé. Cependant comment la loi pourrait-elle autoriser à tourner en dérision ce qui est reconnu comme sacré ? C’est là la raison d’être de la loi : dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Elle ne pourrait autoriser le sacrilège qu’au moment où l’objet de cette dérision ne serait plus, dans la réalité, considéré comme sacré. Beaumarchais, dans «Le mariage de Figaro», ne prend aucun risque en faisant apostropher le comte Almaviva par Figaro au cri de «vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus ». Toute la société d’Ancien Régime repose sur le droit de naissance, mais en 1778 il n’y a plus grand monde à considérer ces valeurs comme sacrées. Autoriser le blasphème est en soi une contradiction, c'est reconnaître que la valeur mise en cause n'est pas sacrée ce qui retire par le fait même aux attaques dont elle fait l'objet la portée de blasphème.
En effet, toute société repose sur des valeurs qui ne se discutent pas et deviennent des tabous : les oppositions à ces tabous sont alors perçues comme des blasphèmes. Il n'est pas possible qu'une société soit amorale et cela pour de simples questions pratiques d'organisation. Il existe toujours des règles qui organisent la vie des hommes entre eux. C'est le sujet que nous avons traité lors de notre dernière Université d’été : "Le Nouvel ordre moral". Nous observions qu’en l'espace de cinquante ans, il s'est opéré un changement complet de paradigme : on rougit aujourd'hui de la vertu, de la fidélité, de la tradition comme on rougissait autrefois de ses écarts de conduite. Il y a trois cents ans le blasphème, c'était de refuser d'honorer le Saint-Sacrement, il y a deux cents ans de reconnaître les bienfaits de la République et il y a un siècle ceux de la laïcité ou du progrès.
Les blasphèmes contemporains
Les blasphèmes d'aujourd'hui pourraient être (j'ose à peine l'écrire, et ne reprends bien sûr pas à mon compte des phrases susceptibles de subir les rigueurs de la loi), par exemple :
– la démocratie selon la juste formule de Talleyrand étant essentiellement l'art d'agiter le peuple avant de s'en servir, ceux qui ont les moyens, en particulier financiers, d'agiter le peuple le gouvernent. Toute démocratie est donc par nature une ploutocratie.
– l'Islam, qui s'apparente fort à une hérésie juive, est probablement une religion directement inspirée par Satan observant que face à l'extension du christianisme les paganismes et polythéismes antiques ne tiendraient sans doute plus très longtemps la route.
– la femme est inférieure à l’homme. Il est donc normal qu’elle lui obéisse et que leurs témoignages n’aient pas la même valeur.
– concernant l’esclavage, il vaut semble-t-il mieux, en 2011, pour un noir, vivre à La Nouvelle Orléans ou à Pointe-à-Pitre qu’à Lagos ou Monrovia.
Mon propos n'est pas de savoir si les affirmations précédentes sont exactes ou fausses mais si elles sont dicibles c'est-à-dire exprimables dans un média ayant pignon sur rue sans encourir d'abord la censure journalistique, ensuite des poursuites judiciaires. À l’évidence non.
Ce sont les blasphèmes d'aujourd'hui, qui remettent en cause les valeurs dominantes de notre temps : celles de la religion laïque des droits de l’Homme Sans Dieu et de la culpabilité de l’homme blanc.
La liberté d’expression.
Les chantres hypocrites de la liberté d'expression que l'on entend beaucoup à propos du cocktail Molotov contre Charlie Hebdo sont également les soutiens voire les instigateurs, des lois Pleven- Gayssot-Rocard-Taubira qui limitent la liberté d'expression sur la nation, la race... Le père de La Morandais, porte-parole officieux, de la conférence des évêques de France a, lors d’un récent débat télévisé sur France 5, montré le véritable visage de ces experts en tolérance. Présenté comme doté «d’un sens aigu du dialogue et de l’échange», il a donné en fait l’image d’un mélange terrifiant de morgue, de suffisance et de haine à l’encontre de ceux qu’ils appellent les «chrétiens fondamentalistes» voire les «intégristes» croyant ainsi les livrer à la vindicte publique par analogie avec les fondamentalistes musulmans. Là contre le cardinal Ratzinger avait affirmé dans l’homélie de la messe Pro eligendo romano pontifice du 18 avril 2005 : «Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent étiqueté comme fondamentalisme.»
Chacun, de manière subjective, vit l’atteinte aux valeurs auxquelles il croit comme un blasphème. La solution est-elle que soient respectées toutes les religions et non religions dans leurs représentations et leurs interdits ou qu'aucune ne soit respectée, ce que préconisent les chantres de la laïcité ? En juin dernier l’Assemblée Nationale votait une résolution parlementaire affirmant que : «Nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes». Il est de fait que la vie risque de devenir difficile à organiser entre ceux qui ne mangent pas de porc, ceux qui ne consomment pas de vache ni de boeuf, les adeptes du halal et ceux du casher, les adorateurs de l'oignon, les tenants du maigre le vendredi... Il n’en reste pas moins qu’une telle résolution reproduit l’exigence totalitaire d’une loi civile qui prévaudrait sur les lois non écrites qui sont –nous le savons depuis Sophocle– inscrites dans le cœur de l’homme. Qu’elle asservit la religion en ne lui laissant que l’espace toléré par la loi inexorable de la majorité.
On mesure dès lors à quel point le refus de la mention des racines chrétiennes de l'Europe, voulu par messieurs Chirac et Jospin, dans le projet de Constitution européenne, a produit des effets, à terme, particulièrement catastrophiques. Elle seule aurait permis de proscrire le blasphème public sans remettre en question notre liberté de mettre en cause les dispositions de la loi coranique ou la vie de Mahomet. Étrangère à l'argument de la divinité du Christ, et sans doute à celui du scandale occasionné pour les fidèles car il y aura toujours un évêque pour affirmer qu'il a beaucoup aimé l'oeuvre mise en cause, elle aurait en effet fourni aux autorités judiciaires un argument décisif, à l’occasion de la pièce de Castellucci.
Vérité et liberté
Si les chrétiens demandent l'interdiction du blasphème contre le visage du Christ ce n'est pas parce que toutes les religions doivent être respectées. Ce sont les personnes qui doivent être respectées car toutes rachetées, en puissance, par le sang du Christ –et non les fausses religions. Saint Martin ne respectait pas beaucoup les cultes païens auquel il était confronté, détruisant les idoles et coupant les arbres sacrés. Alcuin s’opposa, en vain, à la conversion «vigoureuse» des Saxons menée par Charlemagne. A notre époque de passions religieuses médiatiquement exacerbées, il est certes aussi contre-productif qu'inutile de tolérer les démarches provocatrices (par exemple les autodafés de corans) de nature à accroître l'hostilité en particulier des musulmans contre les chrétiens (pensons à nos frères chrétiens du Proche et du Moyen-Orient qui risquent d'être victimes de représailles sanglantes). Cependant notre demande ne vise pas à protéger le «fait religieux», mais le visage du Christ, en vertu du deuxième Commandement, qui s’impose à nos yeux aux sociétés constituées tout autant qu’aux individus. Comment faire pour donner à cette demande des chances d’aboutir ?
Le malheur des temps veut que la République laïque soit imperméable à la notion de blasphème de nature religieuse car elle «ne reconnaît aucun culte». Elle ne peut donc être sensible qu'aux troubles des consciences qu'elle mettra en balance avec la liberté d'expression qui finira par l'emporter. «Après tout, personne ne vous oblige à aller voir cette pièce, si elle vous choque n'y allez pas». L'argument ad hominem le plus pertinent face à un Etat laïc et athée semble donc être celui du risque de "troubles à l'ordre public" que peuvent provoquer ces blasphèmes, ce qui ne rend que plus nécessaires les protestations physiques en cours devant les théâtres.
La société pluraliste dont certains nous chantent les louanges est un leurre. Toute société multiculturelle devient une société multiconflictuelle et la liberté d’expression qui ne serait limitée que par celle du voisin un mythe. Qui peut encore comprendre dans notre société où sévit une implacable «dictature du relativisme» ce qu’écrivait Léon XIII dans l’encyclique Libertas, le 20 juin 1888 : «Le vrai, le bien, on a le droit de les propager dans l’Etat avec une liberté prudente, afin qu’un plus grand nombre en profite ; mais les doctrines mensongères, peste la plus fatale de toutes pour l’esprit ; mais les vices qui corrompent le cœur et les mœurs, il est juste que l’autorité publique emploie à les supprimer sa sollicitude afin d’empêcher le mal de s’étendre pour la ruine de la société.» Sans doute ceux pour qui le vrai et le bien sont : une liberté sans frein et les vices, le mal : le fascisme, l’obscurantisme, le dogmatisme, l’antisémitisme…
La christianophobie
Si le christianisme apparaît aujourd’hui comme la religion la plus attaquée c’est d’abord parce qu’elle apparaît comme la religion la plus faible, ensuite parce que ces attaques sont sans risque (la récitation du chapelet n’a jamais tué personne), enfin parce que le christianisme n’est pas une minorité parmi les autres mais une majorité déchue, ce qui n’est pas la même chose. Le livre de Michel De Jaeghere, Enquête sur la christianophobie, reste à cet égard d’une brûlante actualité pour découvrir les véritables ressorts de ce phénomène contemporain. Tant il est vrai que le Salut repose sur le triptyque : prière, étude, action.

Jean-Pierre Maugendre

     

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