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La Voie Spirituelle de Bernadette
par Véronique (Lala) 2011-08-26 17:22:47
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Introduction

Bernadette ou la simplicité de l’Évangile

Nous nous proposons de mettre en lumière la pédagogie spirituelle qui se dégage des actes et des paroles de sainte Bernadette. Bernadette a très peu écrit : des lettres ou quelques pages de notes de retraites. Elle n’a pas élaboré de doctrine spirituelle. Tout ce qu’elle a vécu est passé dans ses actes et ses paroles, ce qui est typique du charisme prophétique de la femme. Ce qu’une femme désire, c’est d’être en toute sa personne la demeure de la Parole de vie que Dieu lui adresse. Pour une femme, vivre la vocation de l’épouse en union à l’Eglise, c’est permettre au message de l’Évangile de prendre corps en elle. C’est prolonger l’accueil que la Vierge de l’Annonciation a réalisé par la foi en tout son être pour le Verbe de vie, prenant chair de notre chair.
Nous n’avons rien à imaginer de ce qui a été la vie profonde de Bernadette. Notre seule ressource est de lire et relire les témoignages de ses proches, et notamment des Sœurs de Nevers les dernières années de sa vie.
Nous ne pouvons envisager ici une étude technique et savante de la spiritualité de Bernadette mais plutôt essayer de recueillir et de mettre en perspective quelques traits majeurs de sa vie de prière.
Les notations que nous reprendrons sur la vie de Bernadette proviendront des travaux exhaustifs produits par les Sœurs de Nevers, par l’Abbé René Laurentin et le Père Ravier. Notre dette de reconnaissance envers eux s’exprimera par le développement de notre essai.

Nous nous livrerons à une lecture des faits et dires de Bernadette pour éclairer notre chemin dans la foi aujourd’hui. Nous nous centrerons délibérément sur les formes de prière les plus simples que Bernadette a connues et qu’elle nous laisse aujourd’hui comme chemins d’Évangile : ce sera surtout pour nous la méditation du Rosaire à partir de l’évènement-source de l’Annonciation.
Comme Bernadette a été d’une sobriété extrême pour nous livrer quelque peu les grandes orientations de sa vie intérieure, nous reprendrons, une à une, les composantes de sa prière et nous les développerons en laissant s’opérer une résonance en nous, dans le prolongement de ce que Bernadette a pu vivre sans le dire. Il ne s’agit donc pas d’une biographie de Bernadette, mais d’une présentation de sa pédagogie spirituelle en donnant des exemples et en marquant des repères selon les moments de sa vie. Puisque tout est contenu dans la vie de Bernadette, nous présenterons les composantes de sa vie spirituelle, au fur et à mesure du déroulement des grandes étapes de sa vie. Il semble légitime de distinguer ainsi l’enfance de Bernadette, la période des apparitions mariales, puis la vie cachée de Bernadette et enfin sa Passion.

Pour chacune des grandes périodes de la vie de Bernadette nous procèderons en trois temps :
1) le rappel du témoignage de Bernadette
2) des ouvertures pour expliciter ce que Bernadette a vécu, en le laissant résonner en nous
3) la méditation des mystères du Rosaire afin d’y ressaisir les applications du témoignage de Bernadette en notre vie.

Le fil directeur de notre travail de relecture sera la recherche de la pureté du cœur : le baptême est en nous la source vive qui nous conduit vers la pureté de la vie divine. : La première qualité de Bernadette est la pureté. Dès son enfance, elle a connu une pureté exceptionnelle. Les multiples épreuves de son enfance dans son milieu familial d’une extrême pauvreté ont déjà réalisé dans l’âme de Bernadette un travail extrêmement profond de purification. Cassien voyait dans la pureté du cœur le but de la vie monastique. La pureté du cœur résume la vie dans l’Esprit, disait Jean-Paul II quand il commentait les épîtres de saint Paul . La pureté de cœur est la simplicité du cœur qui accueille sans partage le don de Dieu. C’est la disponibilité entière à l’appel de Dieu un instant après l’autre, comme aussi la disponibilité entière dans le service des frères en ses diverses réalisations. Dans cette perspective de la quête de la pureté du cœur, qui est en vérité déjà la condition et le fond de la prière, nous essaierons d’éclairer la voie spirituelle de Bernadette par quelques éléments de la doctrine de saint Jean de la Croix ou de Thérèse de l’Enfant Jésus. Bernadette a été une enfant et elle est restée une enfant, avec une pureté exceptionnelle ; elle dira même à la fin de sa vie qu’elle n’a jamais commis de péché : elle n’a jamais voulu commettre de péché ; donc elle n’en a pas commis . Elle fait partie de ces quelques saints qui ont parcouru la voie de l’innocence, comme Claire d’Assise ou Thérèse de l’Enfant-Jésus, et d’autres encore, tandis que la voie habituelle de la sainteté est celle des pécheurs convertis et pardonnés.

S’il y a une qualité dont Bernadette ne pouvait parler c’est bien la pureté, parce que justement elle ne savait pas elle-même combien elle était pure. Bernadette a ignoré, pour la plus grande part, l’œuvre de Dieu en elle. En cela, elle a mené la véritable vie cachée, c’est-à-dire la vie cachée à l’intérieur. La vie cachée, c’est l’appel pour tout chrétien à rejoindre Jésus à l’école de Nazareth, dans l’ordinaire de la vie quotidienne, en consentant à se laisser attirer par ce qui est simple, humble (Rm 12, 16). Mais plus encore qu’un cadre de vie extérieur, il s’agit là d’un appel au détachement, au recueillement et à la désappropriation de tout bien, y compris de tout bien spirituel. C’est en cela que la vie cachée doit nous amener à consentir à vivre purement et simplement de foi, sans rien découvrir ni sentir de particulier dans la rencontre de Dieu. La vie cachée à l’intérieur, c’est la présence de Dieu au fond de notre être, qui ne peut se rejoindre que par la foi pure et le détachement de tout, donc ne pas saisir l’œuvre de Dieu en nous-mêmes. C’est ainsi que Bernadette n’a pas su, elle-même, ce que Dieu lui donnait de vivre. Très vite, et de plus en plus au long de sa vie, Bernadette a été conduite intérieurement sur le chemin de la foi pure et du pur amour. Elle a été attirée par la prière, surtout la prière silencieuse et l’oraison. Elle a connu une union à Dieu d’autant plus simple qu’elle était profonde. Elle n’a jamais reçu ni lumière particulière ni grâce mystique signalée. En tout et pour tout, elle a cherché à adhérer à la volonté de Dieu, pour aimer ce Dieu qui nous a aimés le premier (1 Jn 4, 10). Ce chemin de la prière dans la pure foi, c’est bien la marque de la pédagogie de la Vierge Marie. Le Concile a beaucoup insisté sur la fait que Marie nous précède toujours dans la foi (LG 53, 56, 58, 62). Comme Marie est avant tout la croyante, son premier souci est de nous conduire vers la foi pure, dans la simplicité de l’abandon à Dieu le Père. Et c’est pour nous attirer dans la foi que Marie veut nous donner une connaissance intime de Jésus enfant, sous le signe de la vie de Nazareth. La fréquentation de Jésus enfant est le chemin le plus sûr pour consentir au détachement de tout et à la foi pure, pour découvrir le mystère de la paternité de Dieu.
Il y a eu chez Bernadette une qualité exceptionnelle d’union à Dieu. Rien n’en a transparu sinon dans sa simplicité, son recueillement et son affection pour tous. Que ce trésor soit resté caché, c’est typiquement la marque de Marie : la beauté de la fille du Roi est à l’intérieur, lisait-on dans la version latine du psaume 44. Nous avons toutefois deux indices de la sainteté de Bernadette. Tous ceux qui l’ont approchée ont éprouvé une grande affection pour elle. Depuis un siècle et demi, des millions de fidèles sont venus prier à la grotte, refaisant les gestes de Bernadette, s’y retrouvant chez eux, hommes et femmes de toutes races, langues et cultures.
3. LG 53, 56, 58, 62


Première Partie
L’enfance de Bernadette

Bernadette nous laisse l’image d’une enfant, de l’enfant qu’elle est restée. Tout est dans le commencement, surtout dans la vie spirituelle. Mais l’enfance de Bernadette n’a, à première vue, rien de particulièrement révélateur en aucun domaine, et notamment dans l’ordre de la vie de foi et de la prière.
Fille de François Soubirous et Louise Castérot, Bernadette est née à Lourdes le dimanche 7 janvier 1844, fête de l’Épiphanie, et elle a été baptisée deux jours après, sous le nom de Marie-Bernard. Elle va être l’aînée de neuf enfants dont il ne restera que sa sœur Marie et deux frères Jean-Marie et Pierre. Quatre petits garçons et une petite fille vont mourir dans les premiers mois ou les premières années de leur vie.
Le premier acte spirituel signalé de Bernadette est le désir de l’eucharistie : elle veut faire sa première communion. Mais son ignorance du français, langue qu’elle comprend à peine, l’empêche de suivre la préparation du catéchisme. Fin juin 1857, sa maman envoie donc Bernadette chez son ancienne nourrice à Bartrès, juste à côté de Lourdes, pour qu’elle puisse apprendre le catéchisme en dialecte et préparer ainsi sa première communion. A Bartrès, le prêtre du lieu pouvait enseigner le catéchisme en dialecte, mais voilà qu’il quitte la paroisse pour entrer à l’abbaye de la Pierre-Qui-Vire. Quant à la nourrice, elle n’a pas tenu parole et, au lieu de l’école, elle a envoyé Bernadette garder les moutons. Quand Bernadette prend conscience de l’impossibilité de préparer sa communion à Bartrès, elle décide de retourner dans sa famille. Elle rentre pour de bon à Lourdes fin janvier 1858. Le premier acte volontaire de Bernadette est donc l’expression de son désir de l’eucharistie.
En 1858, Bernadette ne sait ni lire ni écrire. La famille est trop pauvre pour la laisser aller à l’école : on lui demande sans cesse un service ou un autre dans la famille ou en dehors. En français, elle sait seulement dire le Notre Père et le Je vous salue Marie. Elle ne repère pas les quantièmes du mois. Le milieu familial est non seulement pauvre mais dans une grande misère. Le père est un meunier ruiné, calomnié, traité injustement. Il a même fait quelques jours de prison, accusé de vol par un ancien patron, sans le moindre indice de culpabilité. Le non-lieu qui a mis un terme à cette procédure inconsistante laisse subsister un doute chez les gens de Lourdes sur son innocence. Le logement de la famille, une seule pièce, “ le cachot ”, est d’une insalubrité extrême. A l’humidité s’ajoutent le froid et la sous-alimentation. Bernadette est déjà atteinte de tuberculeuse osseuse et d’asthme, maladie qui l’emportera le mercredi de Pâques, 16 avril 1879.
Bernadette enfant a sûrement eu une vie de prière personnelle, elle a dû dire son chapelet en gardant ses moutons à Bartrès. Toutefois elle ne se rendait pas compte elle-même de la profondeur de sa prière. Les derniers mois de sa vie quand on lui demande si elle priait en gardant les moutons à Bartrès, elle répond qu’elle ne s’en souvient pas. Toujours est-il que Bernadette avait son chapelet dans sa poche et qu’elle devait souvent y recourir. Elle dira joliment dans ses dernières années, “ Aucun chapelet ne peut habiter ma poche ” (L.381)
Ses parents ont été très fidèles à la prière familiale chaque jour. Cette prière des humbles a été le milieu vivifiant où la prière personnelle de Bernadette a pu naître et se développer. Bernadette se confessait à l’un des vicaires de la paroisse de Lourdes, l’abbé Pomian. Tout cela est resté ordinaire et discret. Il y a, dès maintenant, deux traits qui peuvent être relevés : l’enfance et la pauvreté.


L’enfance

Les parents de Bernadette, François et Louise, ont formé au long de leur vie un couple profondément uni. Les multiples épreuves qu’ils ont traversées avec une humble patience ont dû les rapprocher encore. Ils ont beaucoup aimé leur fille aînée qui leur était très attachée. Bernadette a été une enfant paisible et disponible, très vite soucieuse de ses responsabilités d’aînée. Jusqu’au bout de sa vie, Bernadette a gardé le souci de sa sœur et de ses frères, en étant très humaine avec eux et en ayant plus que tout le souci de leur vie chrétienne. Mais de manière plus large Bernadette a été très attirée par les enfants qu’elle a pu rencontrer. Elle a été spontanée et affectueuse avec tous les enfants, entrant avec beaucoup d’entrain dans leurs jeux.
Le grand mystère de la sagesse de Dieu est le mystère de ses préparations. Quand il appelle particulièrement une personne, il la prépare très longtemps à l’avance. Le mystère des préparations divines se signale plus que tout dans la prévenance de sa grâce envers la Vierge Marie. La Conception immaculée de Marie est le chef d’œuvre des préparations divines : Dieu a construit lui-même la demeure digne de l’accueillir. Sans doute, fallait-il que Bernadette soit profondément préparée, elle aussi, pour qu’elle puisse recevoir la visite de la Vierge Immaculée. L’enfance cachée de Bernadette a été le temps de sa préparation à voir la Vierge sainte.
La voie de l’enfance spirituelle
Avec le recul, Thérèse de l’Enfant-Jésus nous aide à comprendre l’itinéraire spirituel de Bernadette. La voie de l’enfance spirituelle est un appel fort concret. Elle nous demande d’accepter discrètement bien des formes de faiblesse qui nous donnent à revivre, au jour le jour, quelque chose de la dépendance de l’enfant. C’est le chemin pour entrer dans la familiarité de Jésus enfant.
A l’école de Marie de Nazareth et de Joseph, la faiblesse consentie et assumée dans la confiance de l’enfant est, par excellence, la disposition pour recevoir la force de l’Esprit : la puissance de l’Esprit donne sa mesure dans notre faiblesse (2 Co 12, 9). C’est par là que l’enfance est le temps et la condition de l’apprentissage de la vie filiale.
La voie de l’enfance nous unit au mystère de Jésus dans son abandon filial au Père. L’enfance spirituelle est donc, en fait, l’accès au courage et à la force de la foi pure. En guérissant les blessures les plus précoces, l’expérience spirituelle de l’enfance est l’accès à la maturité.
L’intimité avec Jésus enfant est toujours la préparation à une communion personnelle profonde à son Amour rédempteur. Jésus dit à Angèle de Foligno : “ Celui qui ne m’aura pas vu petit ne me verra pas grand.” (Le livre des visions et instructions, Seuil, 1991, chap. 45, p. 124)
Nous retrouverons plus clairement le passage des états d’enfance aux états d’agonie dans les derniers mois de la vie de Bernadette à Nevers, et notamment en référence à l’eucharistie.


La pauvreté

Ce qui frappe dans les conditions de vie de Bernadette enfant, c’est l’extrême pauvreté de ses parents qui ont souvent manqué de nourriture pour eux-mêmes et leurs enfants. Or, non seulement Bernadette était consciente de cette pauvreté mais elle l’aimait et l’acceptait avec une note perceptible de liberté et de dignité. Enfant, elle avait horreur du contact avec l’argent. En consentant à l’extrême pauvreté de son milieu familial, Bernadette non seulement choisissait un mode de vie, mais elle y puisait les raisons de son humilité. La pauvreté devenait pour elle une qualité personnelle. Elle se savait la plus ignorante. Elle avait l’intuition que la condition des pauvres était un chemin d’Évangile : “ Les pauvres sont les amis de Dieu. ”


La Béatitude des pauvres

Dans l’enseignement de Jésus sur les Béatitudes (Mt 5 ; 1-12) qui est la charte de la Nouvelle Alliance, la première des Béatitudes porte sur la pauvreté : “ Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ”. Être pauvre de cœur, c’est reconnaître sa petitesse devant Dieu : c’est l’humilité. La pauvreté contient déjà tout le chemin des Béatitudes vers la pureté du cœur. Dans cet enseignement qui résume sa loi de vie, Jésus en fait nous révèle et nous communique le mystère de sa vie filiale : “ Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger ” (Mt 11, 28-30). La Béatitude des pauvres est le secret de l’identité personnelle de Jésus. La douceur qu’il témoigne aux hommes et aux femmes en leur apportant la guérison et le pardon, provient de sa toute-petitesse devant le Père qui est plus grand que tout (cf. Jn 10, 29). Le fardeau, le joug que Jésus fait peser sur nous, figure de son enseignement, n’est autre que son cœur doux et humble.
La béatitude des pauvres contient déjà toute la pédagogie de Jésus. La pauvreté, c’est consentir à ne compter en rien sur soi mais à tout attendre du don du Père, en tout domaine, un instant après l’autre. “ Le Père a donné à son Fils, qu’il aimait, une pauvreté telle qu’il n’a jamais eu et n’aura jamais un pauvre égal à lui. Et, pourtant, il a en propriété l’Être.” (Angèle de Foligno, ib. chap. 55, p. 148). La Béatitude des pauvres n’est pas un constat, elle n’est pas non plus une sentence de sagesse humaine : elle est proprement la révélation que Jésus nous fait de la condition pour recevoir la vie de Dieu qui est notre accomplissement. Au terme du chemin des Béatitudes, la pauvreté conduit à la pureté du cœur qui permet de voir Dieu et donc de lui devenir semblable : “ Mes bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsqu'il paraîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu'il est. 3 Et quiconque fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui est pur ” (1 Jn 3, 2-3).
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La Voie Spirituelle de Bernadette
Père Jean-Claude SAGNE
Editions des Béatitudes

     

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 La Voie Spirituelle de Bernadette par Véronique (Lala)  (2011-08-26 17:22:47)


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