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Apologie pour l’Église de toujours par R.-Th. Calmel, O. P. Itinéraires n°153
par Diafoirus 2011-05-05 18:36:41
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Apologie pour l’Église de toujours
par R.-Th. Calmel, O. P.


III. – Les définitions dogmatiques et l’ordonnance rituelle

Les vingt premiers Conciles avec leurs définitions, protégées par des anathématismes, ont explicité, mais non modifié, le donné de la Révélation. Ces explicitations touchant les mystères du Dieu unique en trois personnes, l’Incarnation, la Vierge Marie, le premier péché, bref ces développements de l’ensemble de notre foi sont rigoureusement homogènes à la Parole de Dieu. Nicée ou Éphèse, Chalcédoine ou Orange (Note:Synode Provincial, tenu en 529 sous la présidence de saint Césaire, mais dont les décisions furent reprises par le Concile œcuménique de Trente.), disent la même chose que les quatre Évangiles et les Actes des Apôtres, les Épîtres et l’Apocalypse. Ils le disent en face d’erreurs nouvelles, en se servant de termes nouveaux qui, sans faire le moindre tort au langage des Écritures, présentent l’intérêt d’en circonscrire le contenu avec le maximum de netteté et d’honnêteté.Les vingt premiers Conciles ne risquent pas de tromper parce qu’ils prennent le moyen de ne pas tromper qui est de définir la vérité.


Et même ces Conciles, non contents de définir, poussés comme par un surcroît de franchise, en même temps qu’ils formulent la proposition de foi prennent la peine d’exprimer exactement la proposition contraire, afin de pouvoir mieux la repousser par un anathématisme en bonne et due forme. Voyez par exemple les textes célèbres de Trente sur l’eucharistie, la messe, le prêtre. Vraiment il serait difficile d’apporter plus de soins à prévenir toute équivoque et toute ambiguïté. Que voilà un langage honnête. Est, est ; non, non… « Si quelqu’un dit qu’après la consécration le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ne sont pas dans l’admirable sacrement de l’Eucharistie, mais qu’ils n’y sont que lorsqu’on en use, quand on les reçoit, ni avant, ni après, et que le vrai corps du Seigneur ne demeure pas dans les hosties ou les parcelles consacrées qu’on garde ou qui restent après la communion, qu’il soit anathème. – Si quelqu’un dit que, dans le saint sacrement de l’Eucharistie, on ne doit pas adorer le Christ, Fils unique de Dieu, d’un culte de lâtrie qui soit aussi extérieur, et, par suite, qu’on ne doit pas le vénérer par une solennité particulière ni le porter en procession selon le rite et la coutume louable et universelle de la sainte Église ; ou qu’il ne doit pas être proposé publiquement à l’adoration du peuple, et que ceux qui l’adorent sont des idolâtres, qu’il soit anathème. » (Note: Trente. Canons sur le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie, dans Dumeige n°s 748 et 750. )

« Si quelqu’un dit qu’à la Messe on n’offre pas à Dieu un sacrifice véritable et authentique, ou que cette offrande est uniquement dans le fait que le Christ nous est donné en nourriture, qu’il soit anathème. – Si quelqu’un dit que, par ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc XXII, 19 ; – la Cor. XI, 24), le Christ n’a pas établi les Apôtres prêtres, ou qu’il n’a pas ordonné qu’eux et les autres prêtres offrissent son corps et son sang, qu’il soit anathème. – Si quelqu’un dit que le sacrifice de la Messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces, ou une simple commémoration du sacrifice accompli à la Croix, mais non un sacrifice propitiatoire ; ou qu’il n’est profitable qu’à ceux qui reçoivent le Christ et qu’on ne doit l’offrir ni pour les vivants ni pour les morts, ni pour les péchés, les peines, les satisfactions et autres nécessités, qu’il soit anathème. » (Note : Trente. Canons sur le Très Saint Sacrifice de la Messe, dans Dumeige N°s 776, 777, 778. )
« Si quelqu’un dit que l’ordre ou l’ordination sacrée n’est pas vraiment et à proprement parler un sacrement institué par le Christ Notre-Seigneur ; ou qu’il est une invention humaine, imaginée par des hommes qui n’entendent rien aux choses ecclésiastiques ; ou seulement un rite par lequel on choisit les mi¬nistres de la parole de Dieu et des sacrements, qu’il soit anathème. » (Note : Trente. Canons sur le Sacrement de l’Ordre, dans Dumeige n° 901. )

Après cela, il n’est que d’ouvrir Vatican II pour constater que les Pères ont décidément rompu avec cette Tradition de langage net et sans équivoque. Je n’ignore pas les quelque textes vigoureusement formels comme la nota praevia qui remet en ordre certains développements mous et dangereux de Lumen Gentium sur le pouvoir des évêques. Il n’en reste pas moins d’abord que, même l’admirable nota praevia ne se donne pas comme une définition de foi et ne porte aucun anathème, en suite et surtout que, habituellement, la façon de s’exprimer propre à Vatican II est imprécise, bavarde et même fuyante. Quelle est par exemple la doctrine politique et sociale de l’Église catholique ? Autant le Syllabus, les encycliques de Léon XIII à Pie XII nous l’exposent clairement, autant Gaudiun et Spes et Dignitatis Humanae nous laissent dans le vague et l’incertain.
Comment du reste nous en étonner ? On sait depuis longtemps que ce sont des textes de compromis. On sait encore qu’une fraction modernisante voulait imposer une doctrine hérétique. Empêchée d’aboutir, elle est quand même parvenue à faire adopter des textes non formels ; ces textes présentent le double avantage pour le modernisme de ne pouvoir être taxés de propositions carrément hérétiques, mais cependant de pouvoir être tirés dans un sens opposé à la foi. Nous attarderons-nous à les combattre directement ? Un moment nous y avions pensé. La difficulté c’est qu’ils ne donnent pas prise à l’argumentation ; ils sont trop mous. Lorsque vous essayez de presser une formule qui vous paraît inquiétante voici que, dans la même page, vous en trouvez une autre entièrement irréprochable Lorsque vous cherchez à étayer votre prédication ou votre enseignement sur un texte solide, impossible à tourner, propre à transmettre à votre auditoire le contenu traditionnel de la foi et de la morale, vous vous apercevez bientôt que le texte que vous avez choisi au sujet par exemple de la liturgie, de l’épiscopat, du devoir des sociétés à l’égard de la vraie Religion ce texte dis-je est insidieusement affaibli par un second texte qui, en réalité, exténue le premier alors qu’il avait l’air de le compléter.
Les décrets succèdent aux constitutions et les messages aux déclarations sans donner à l’esprit, sauf exception rarissime, une prise suffisante. Dans l’ensemble vous avez l’impression d’être écrasé sous des piles d’édredons. Mais on ne réfute pas des édredons. Et si l’on veut vous étouffer sous leur entassement, vous tirez votre couteau, vous donnez quelques bons coups en long et en travers et vous faites voler les plumes au vent. En l’occurrence le couteau représente les définitions des Conciles antérieurs à Vatican II.

*

On nous objecte que, pour la pastorale et pour ramener au bercail les égarés, la méthode qui définit et condamne n’est pas la bonne. Fort bien. En existe-t-il une autre de loyale ? Faute de définitions vous n’amènerez les âmes errantes qu’à du vague et de l’à-peu-près. Je vois mal comment vous pourrez ainsi prétendre faire de la pastorale, chercher le bien des âmes, – la vérité pour l’esprit, la conversion pour le cœur. – Certes, chaque fois que j’aurai affaire à un « frère séparé » j’expliquerai du mieux possible le contenu de la foi ; je veillerai à découvrir le meilleur chemin d’approche de façon à le rencontrer au point exact où ses difficultés surgissent. Mais l’explication sera commandée et mesurée par la définition. Pour expliquer le donné révélé je ne me servirai pas forcément du style impersonnel et abstrait qui est celui des définitions ; j’essaierai de m’adapter à la subjectivité de mon interlocuteur ; mais aussi je prendrai garde à ce que l’adaptation ne reflue pas sur la définition pour lui enlever, si peu que ce soit, de son tranchant. Sous prétexte d’adaptation pastorale, faire fléchir tant soit peu la formule dogmatique que l’on tâche d’expliquer, c’est détourner de cela même vers quoi l’on essaie de conduire.

Je suppose que vous ayez un entretien avec un protestant qui cherche la lumière sur le mystère du prêtre. Vous commencerez par marquer la position catholique en rappelant les énoncés du Concile de Trente ; ensuite vous passerez sans doute à l’examen des textes de l’Écriture relatifs au sacerdoce ; vous pourrez poursuivre en disant à votre interlocuteur que vous êtes d’accord avec lui sur l’existence d’un sacerdoce commun à tous les baptisés : les hommes, les femmes et jusqu’à ces pauvres êtres privés de l’usage de la raison mais renés dans le Christ ; vous conviendrez encore, probablement, de malfaçons regrettables dans certaines célébrations de la Messe qui négligent tranquillement l’assemblée et semblent méconnaître le sacerdoce commun des chrétiens ; vous plaiderez quand même les circonstances atténuantes, faisant observer qu’il n’est pas d’exemple que des rites, même ordonnés avec beaucoup de sagesse et en tenant compte de tout et de tous, se soient perpétués pendant deux millénaires en se préservant de toute bavure ou négligence ; mais enfin au terme de toute sorte de recherches, confrontations, explications et exégèses, vous serez bien obligés, à moins de tromper votre protestant, d’en revenir au point de départ, à la fameuse définition au sujet de laquelle vous étiez aux prises et qu’il n’y a pas moyen de déplacer ni de faire fléchir : « Si quelqu’un dit qu’il n’y a pas dans le Nouveau Testament, un sacerdoce visible et extérieur, ou qu’il n’y a pas un pouvoir de consacrer, d’offrir le vrai corps et le vrai sang du Seigneur et de remettre ou de retenir les péchés, mais seulement une fonction et un simple ministère de la prédication de l’Évangile ; ou que ceux qui ne prêchent pas ne sont plus prêtres, qu’il soit anathème. – Si quelqu’un dit que l’ordre ou l’ordination sacrée n’est pas vraiment et à proprement parler un sacrement institué par le Christ Notre-Seigneur ; ou qu’il est une invention humaine, imaginée par des hommes qui n’entendent rien aux choses ecclésiastiques ; ou seulement un rite par lequel on choisit les ministres de la parole de Dieu et des sacrements, qu’il soit anathème. – Si quelqu’un dit que le Saint-Esprit n’est pas donné par l’ordination sacrée et que c’est en vain que l’évêque dit : « Reçois le Saint-Esprit » ; ou que l’ordination n’imprime pas un caractère ; ou que celui qui a été une fois ordonné prêtre peut redevenir laïque, qu’il soit anathème (Note : Concile de Trente. Canons sur le Sacrement de l’Ordre, dans Dumeige N° 899, 901, 902. ). »

Seul le sacerdoce du prêtre détient un pouvoir qui, pour être confondant, n’en est pas moins réel et extrêmement précis offrir le Saint Sacrifice par la transsubstantiation séparée du pain et du vin. Le sacerdoce des simples baptisés n’approche de ce pouvoir ni de près ni de loin. Il est autre et se tient dans une autre zone. Cela vient en définitive de ce que l’Église, étant hiérarchique par institution divine, certains de ses membres, mais non tous ses membres indistinctement, jouissent de certains pouvoirs. De plus, et toujours en vertu de l’institution divine, ces pouvoirs sont conférés à titre personnel et non délégués à un collège, par la majorité des suffrages, sur consultation démocratique du peuple de Dieu…

Bienveillance, patience, compréhension, agilité d’esprit pour écouter et pour s’expliquer, mais en même temps et d’abord rigueur inflexible pour proposer les définitions de la foi : telle fut en tout temps et depuis l’origine la double loi de la pastorale catholique. Nous n’avons aucune envie d’y toucher, même si le dernier Concile a prétendu faire mieux. Notre pastorale continuera donc de s’arc-bouter aux Conciles précédents qui, ayant délibérément choisi de définir, de départager le vrai du faux, ont pris le seul moyen de conduire les brebis vers les pâturages salubres, accomplissant par là une œuvre pastorale digne de ce nom. Nous désirons certes, le retour des protestants à l’intégrité et l’unité catholique. Mais que ce retour s’accomplisse dans l’honneur, qu’il ne se fonde pas sur des équivoques. Que les protestants soient donc avertis d’emblée, entre bien d’autres choses, que l’Église tient leur cène pour une corruption de l’institution évangélique et, par suite, leur demande d’y renoncer. De même, et toujours par souci, par besoin d’honnêteté, nous dirons aux musulmans que l’Église de Jésus-Christ tient comme le seul vrai Dieu non pas le leur, mais le sien et le nôtre ; non pas le Dieu qui exclut de son mystère la Trinité des personnes et l’Incarnation du Fils, non pas le Dieu de Caïphe et de l’énigmatique fondateur de l’Islam ( Note :Voir les travaux du Père Théry o.p. (Hanna Zacharias) sur L’Islam Entreprise Juive, surtout le tome IV ; (Jean d’Halluin éd. 1, rue Lobineau, Paris VIe). ), mais le Dieu d’Abraham et de Jésus-Christ ; car Abraham, sans connaître encore la Trinité des personnes, avait adoré leur unité avec tant de soumission et d’amour qu’il était prêt à recevoir la Révélation plénière au sujet de Yavhé c’est-à-dire à croire explicitement dans la Sainte Trinité. Souvenons-nous en effet de la grande parole de Jésus, le Verbe Incarné : « Abraham, votre père, a tressailli de joie à la pensée de voir mon jour l’a vu et il s’en est réjoui. » Jn VIII, 56.)

La pente de l’Évangile est toujours vers la plus grande netteté. Si l’Évangile est infiniment mystérieux, il ne demande pas moins que nous nous formions une idée précise de son mystère. Chaque verset est une invitation à nous ouvrir à la divine clarté, à prendre conscience le plus nettement possible de la Révélation ineffable : Sic Deus dilexit mundum… Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique (Jn. III, 16). Pour être entendu tel qu’il est l’Évangile ne peut se passer des déterminations conciliaires formelles, et ces déterminations à leur tour s’enracinent dans l’Évangile, fleurissent à partir de la lettre de l’Ecriture. Ces déterminations sans doute ne sont pas toujours le fruit de gloses exégétiques ; il reste que c’est bien la méditation assidue de l’ensemble des Écritures par l’Église contemplative et théologienne qui a fait naître les définitions dogmatiques ; et parce qu’elles sont destinées au salut de tous l’Église les a formulées dans les deux langues particulièrement aptes à transmettre l’universel, les langues par excellence du logos : le grec et le latin.


Si tant de paraphrases de l’Évangile, si de nos jours la plupart des homélies dominicales sont d’une pauvreté affligeante, si elles suintent de sentimentalité plus ou moins trouble ou s’égarent en divagations politiques, à la fois infantiles et révolutionnaires, cela provient en grande partie de ce que les prédicateurs ont oublié, en faisant réflexion sur le texte sacré, aussi bien les définitions dogmatiques que les simples réponses du catéchisme. Leur réflexion n’a pas été conduite dans la foi, ou elle l’a été trop faiblement, faute d’avoir pris le moyen convenable c’est-à-dire le recours aux définitions de la foi. Le remède à l’indigence si pénible de ces soi-disant prédications bibliques n’est pas d’abandonner le commentaire de l’Évangile pour celui du seul catéchisme ou des seules formules définies, mais plutôt d’avoir présentes à l’esprit les réponses du catéchisme et les grandes expositions conciliaires lorsque l’on fait une lecture commentée de l’Évangile.

Car nous avons trois livres dans l’Église catholique, trois livres essentiels encore qu’ils ne soient pas sur le même plan la Bible, le Missel ( Note : Le Missel jusqu’à Pie XII inclusivement, et même à la rigueur jusqu’à la mort de Jean XXIII. ) et le Catéchisme. Et non pas, et jamais, la seule Bible ; mais la Bible et en plus le Missel et le Catéchisme. A quoi chacun ajoutera, dans la mesure de ses possibilités, quelques auteurs spirituels, peut-être quelques extraits des Pères de l’Église, l’Enchiridion Symbolorum et Definitionum et la Somme Théologique (Note : Un certain nombre d’articles de la Somme de Saint Thomas, parfois une question entière, aussi bien dans la Prima Pars que dans la Secundo et surtout la Tertio Pars, sont accessibles aux chré¬tiens ayant reçu une bonne formation doctrinale. On souhaite qu’un fils de saint Dominique compose un recueil de ces articles et de ces questions, en les situant dans l’ensemble de la Somme et mettant en lumière l’argument central du Traité dont ils sont tirés. ).


L’étude de la Bible, en particulier du Nouveau Testament, nous invite sans cesse, pour comprendre le texte dans sa profondeur, à nous reporter aux définitions dogmatiques ou, plus simplement, aux réponses du catéchisme. – Relisons par exemple dans saint Luc le récit de l’Annonciation. Nous voyons entrer l’archange Gabriel et nous l’entendons saluer Marie pleine de grâce. Nous sommes saisis par la grande question : Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme ? Plus encore nous sommes émerveillés par la réponse : L’Esprit Saint viendra sur vous et la force du Très-Haut vous couvrira de son ombre, c’est pourquoi l’Enfant qui naîtra de vous sera saint, il sera appelé le Fils de Dieu… Eh ! bien, quand nous aurons achevé de lire le chapitre et que nous serons tout pénétrés du charme de sa beauté céleste, il n’est pas probable que nous allions nous plonger aussitôt et sans reprendre haleine dans le recueil de Denzinger pour y chercher les anathématismes du Concile d’Éphèse. Chaque chose en son temps, et nous voulons dans un premier temps, sans hâte ni discours, nous laisser imprégner de la parole de Dieu dans sa simplicité, telle que l’Évangile la rapporte. Mais cela ne nous empêchera pas, dans un second temps, de nous reporter aux Conciles, – j’entends aux Conciles antérieurs à Vatican II – pour étudier selon nos forces les explications et précisions que nous fournit le magistère solennel, divinement assisté. De cette manière nous entrerons plus avant et en toute sécurité dans le texte des Écritures. Nous verrons en particulier que si les formules d’Éphèse sur Marie Theotokos passaient à côté de la question, alors c’est aussi le récit de saint Luc qui passerait à côté de la réalité. Il se réduirait finalement à une construction harmonieuse mais vide, un message séduisant mais irréel, alors qu’il est le récit historique et véridique de l’Incarnation du Verbe de Dieu, le message du Salut par Jésus-Christ qui est devenu homme grâce au Fiat de Marie toujours vierge.

Illusoire antinomie dont on nous rebat les oreilles, celle qui oppose le dogme défini et le pur Évangile. L’un appelle l’autre. Qu’il y ait donc un va-et-vient fréquent de la lettre des Écritures aux formules des Conciles et du Catéchisme.


Passons de la lettre de l’Ancien ou du Nouveau Testament aux définitions conciliaires ou pontificales pour mieux saisir le contenu exact, la portée véritable du texte sacré ; ensuite revenons des Conciles et du Catéchisme au simple texte de l’Écriture pour ne jamais perdre de vue le donné vivant, concret, surnaturellement inépuisable dont les formulations du magistère ecclésiastique expriment, avec toute la précision requise, la profondeur et le mystère.

Parce que nous croyons que le contenu de l’Évangile est tout ce qu’il y a de plus précis, parce que nous voulons l’annoncer dans toute sa vérité ainsi que doivent le faire des pasteurs dignes de ce nom, nous entendons ne pas séparer textes évangéliques et propositions définies, livres de l’Écriture et leçons du Catéchisme, méditations sur l’Évangile et réflexions sur les anathèmes.

*

Du signe sacramentel institué par le Christ aussi bien que de l’ordonnance du rite qui met le signe en lumière et qui l’entoure d’honneur, l’Église garde le dépôt. Elle est gardienne du signe sacramentel pour le maintenir intègre et immuable car il appartient en propre au Seigneur Jésus ; c’est lui-même qui l’a établi une fois pour toutes, aux jours de sa vie terrestre ; et c’est lui encore-qui, chaque jour, dans la gloire céleste, lui confère son efficacité. – L’Église d’autre part est gardienne de l’ordonnance rituelle pour la fixer avec l’assistance de l’Esprit-Saint et pour la défendre une fois établie. Les changements qu’il lui revient, d’introduire en certaines occasions, selon les époques et les provinces, les diocèses ou les ordres religieux, sont rigoureusement mesurés par la nécessité de garder valide le rite sacramentel et de le célébrer avec la plus grande dévotion. C’est dire que les changements possibles sont contenus dans des limites étroites.

Certains nous disent alors : mais on ne peut quand même pas imposer à la liturgie cette fixité qui est la loi des définitions dogmatiques ; car la liturgie relève de l’art, au moins dans une certaine mesure ; or les beaux-arts, comme la philosophie nous l’enseigne, sont soumis à une nécessité spéciale de renouvelle¬ment ( Note : Maritain, Art et Scolastique (chez Desclée de B. éditeur à Paris) chap. VI. ). Nous répondons : nécessité spéciale quand il s’agit des arts de la cité terrestre. Mais cette sorte d’art qui est la liturgie relève de la cité sainte, de la Jérusalem qui descend d’en haut.

Le but de cet art tout à fait particulier n’est point de traduire dans une matière proportionnée l’idée créatrice d’un poète lyrique ou dramatique, mais plutôt de donner le plus beau rayonnement au signe sacramentel voulu et choisi par le Verbe incarné ; ce qui exige de faire corps, en quelque manière, avec le signe divin. L’ordonnance rituelle trouvée par l’Église étant réglée sur l’immuable signe fixé par le Christ ne supportera qu’un jeu très limité dans ses variations. Les différences qui existent par exemple entre le rite dominicain de la Messe et le rite romain ne sont en rien comparables aux différences entre le théâtre du Moyen-âge et le théâtre classique. La mesure de ces œuvres dramatiques est une beauté qui est de la terre ; la mesure de l’ordonnance des rites est un mystère d’ordre surnaturel.

Pour situer les uns par rapport aux autres dogmes, sacrements et rites nous dirons ceci : à la Messe le Credo de Nicée n’a pas à varier selon les temps et les lieux, car il définit la foi catholique qui est identique pour tous et à toutes les époques. La formule conservatoire n’a pas à varier non plus, puisqu’elle est constitutive du sacrifice sacramentel, institué à jamais par le Seigneur. Le Canon lui-même tient de trop près à l’immuable consécration, il est garanti par une tradition trop vénérable, pour envisager sans une impiété horrible de le soumettre à des transformations. Même remarque pour l’offertoire qui, sans être définition dogmatique ou signe sacramentel, est cependant intimement lié à la consécration pour en rendre sensible la portée sacrificielle. Quant aux autres parties de la Messe, à supposer que quelques menus changements soient désirables, ils ne pourraient être que très exceptionnels, et le Pape ne serait fondé à les permettre que pour des raisons très graves, en tous points justes et saintes. Jamais, cela va sans dire, pour gagner la faveur des Protestants, encore moins pour forger, comme Paul VI a osé le faire, une Messe polyvalente qui leur serait assimilable.

Diviserunt sibi vestimenta mea (Jo. XIX, 24). Désormais ce sont les prêtres de Jésus-Christ, non les soldats de Pilate, qui se partagent les vêtements du Roi crucifié. En détruisant l’unité et la stabilité des rites reçus de la Tradition, en les manipulant au gré de leurs caprices et de leurs fantaisies, les prêtres du Seigneur mettent en péril l’institution sacramentelle indivisible et universelle, à moins que par leurs transformations sacrilèges ils ne l’aient déjà supprimée. Cependant la tunique de Jésus qui était d’un seul tenant depuis le haut ne fut point partagée ; elle fut tirée au sort mais demeura indivise et entière.

Cette tunique, dont quelques pieux auteurs nous rapportent qu’elle avait été tissée par les mains de Notre-Dame, est l’image fidèle de la robe somptueuse des rites sacrés que la Tradition de l’Église, depuis les origines, a tissés tout autour des signes sacramentels, particulièrement tout autour du Corps eucharistique de Jésus. Ce n’est pas sans une intercession spéciale de la Vierge Marie, Mère et Médiatrice, que l’Église a taillé et arrangé exactement ces vêtements de gloire. Et la même intercession de la Vierge Immaculée obtiendra à l’Église de les préserver dans leur intégrité et leur noblesse. De mauvais prélats pourront bien menacer et persécuter ceux qui maintiennent le rite afin de ne pas détruire le sacrement, ils n’empêcheront pas l’Église catholique de susciter jusqu’à la fin des laïcs, des prêtres, des évêques, des Papes pour préserver, en vertu de la foi aux sacrements, l’unité et la stabilité de l’ordonnance rituelle. C’est ainsi qu’ils garderont entière et indivise la robe sans couture.

(A suivre.)
R.-Th. Calmel, O. P.

     

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 Apologie pour l’Église de toujours par R.-Th. Calmel, O. P. Itinéraires n°1 [...] par Diafoirus  (2011-05-05 18:36:41)
      Merci encore par Pol  (2011-05-06 09:08:32)


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