Ce que révèle le cas du « consubstantiel » (Jean Madiran)

Le Forum Catholique

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XA -  2011-11-24 14:23:43

Ce que révèle le cas du « consubstantiel » (Jean Madiran)

Ce que révèle le cas du « consubstantiel »

(si vous avez manqué le début, c'est à lire ici)

L’insupportable bannissement du « consubstantiel » sous le prétexte (inexact), que le mot substance aurait « changé de sens » s’étend jusqu’à frapper aussi la « transsubstantiation ». Anne-Bénédicte Hoffner, dans son article de La Croix du 13 novembre, aussitôt après avoir réglé son compte au consubstantiel, ajoute impitoyablement :

« C’est le cas aussi de la “transsubstantiation”, terme forgé au XIIIe siècle et inspiré de la philosophie d’Aristote pour décrire [sic] le changement du pain et du vin au corps et au sang du Christ. “L’énoncé reste vrai, il reste encore à le rendre compréhensible, vivant pour aujourd’hui”, résume Jean-François Chiron. » [A ne pas confondre avec l’historien Yves Chiron.]

Ah ! Cette « philosophie d’Aristote » et sa funeste « inspiration » !

On reconnait bien là l’esprit du directoire de l’épiscopat français, décrétant en 1966, et pour toujours, que « l’acception des mots nature et personne est aujourd’hui différente, pour un esprit philosophique, de ce qu’elle était au cinquième siècle ou dans le thomisme ». Pour un « esprit philosophique », tous les mots ont légitimement changé de sens (cf. L’hérésie du XXe siècle, p. 40-74).

Pour un esprit philosophique ! C’est la clef. Anne-Bénédicte Hoffner nous avait caché cela, ou l’avait oublié, ou ne l’avait jamais su. C’est seulement pour un esprit philosophique d’aujourd’hui que le sens du terme « substance » n’est plus le même qu’aux IVe, Ve, XIIIe siècles. Pour la quasi totalité des fidèles, et d’ailleurs aussi des incroyants, pour plus de 99,9 % de la population, la substance et les accidents, la forme et la matière, et autres concepts abstraits de la réalité naturelle, ont toujours approximativement le même sens que pour Aristote. Mais il y a ce 0,001 % de la population qui anime l’« esprit philosophique d’aujourd’hui » et le snobisme intellectuel dans les universités catholiques de langue française. « Tous modernistes », « tous kantiens », disait Emile Poulat en 2008 (cf. Chroniques sous Benoît XVI, p. 291-292 et 332-333).

Parenthèse. Anne-Bénédicte Hoffner nous assène avec assurance sa citation de ce Jean-François Chiron si malin, il espère rendre parfaitement « compréhensible » la réalité de la transsubstantiation. En vérité elle ne sera jamais ni plus ni moins compréhensible pour les fidèles du XXIe siècle que pour les contemporains du concile de Trente. Mais cela ne paraît pas leur être venu à l’esprit (philosophique). Fin de la parenthèse.

« Tous kantiens », ah oui, « tous modernistes », hélas, souvent sans le savoir, les Importants, les Installés de la sociologique élite pensante du catholicisme se sont appliqués à déconsidérer comme obsolète et obscurantiste, comme « intégriste », toute trace d’une philosophie chrétienne. Ils ne croient plus, ils le montrent assez, que l’Eglise catholique est la seule à confesser le vrai Dieu : la Sainte Trinité. Ils croient encore moins à l’existence d’une philosophie chrétienne qui est la seule vraie philosophie. Ils se veulent bien visibles dans les rangs de ce qu’ils considèrent comme le camp du progrès et de la modernité, et pourtant c’est un homme de gauche qui les avait avertis au lendemain de Vatican II, ils ne l’ont pas écouté, c’était Maritain qui discernait leur « apostasie immanente » et qui leur expliquait pourquoi depuis Descartes les philosophies modernes ne sont pas de vraies philosophies mais des idéologies s’effondrant finalement, on le voit mieux aujourd’hui, dans l’anarchie et le nihilisme.

Avant Maritain, Charles De Koninck l’avait démontré : « La philosophie moderne s’est développée en dehors de la vérité naturelle, c’est-à-dire en dehors de la philosophie. »

Et avant Charles De Koninck, Chesterton l’avait clairement annoncé : « Le plus dangereux de tous les criminels, aujourd’hui, c’est le philosophe moderne, affranchi de toutes les lois. »

L’artificielle allergie au « consubstantiel » du Credo manifeste, du haut en bas de l’establishment intellectuel du catholicisme, une déficience philosophique qui nuit gravement, cela se voit, aux quatre Cardinales et même aux trois Théologales.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7478 de Présent du Samedi 19 novembre 2011
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=616756