Qui frappe à la porte ?
Le consubstantiel !
Il n’est pas mort. Depuis qu’il a été jeté dehors, le consubstantiel n’a jamais cessé de frapper à la porte, une porte qui reste fermée, et personne ne lui répondait depuis bientôt un demi-siècle. Une voix, discrète sans doute, et brève, rompt le silence. Mais pour lui dire que son bannissement ne sera jamais levé. Et pour lui en dire enfin la raison.
Le Credo, celui que l’on chante à la grand'messe, est le Credo de Nicée-Constantinople (les deux premiers conciles œcuméniques). Ce Credo dit – en latin – que le Fils de Dieu est « consubstantiel au Père ». Depuis une cinquantaine d’années, les traductions françaises ont supprimé cette affirmation dogmatique pour la remplacer par : « de même nature que le Père », ce qui n’énonce plus rien, un « fils » étant évidemment de même nature que son « père ».
A l’époque de cette suppression, quelques ecclésiastiques en ont discuté entre eux. Quelques laïcs, comme Etienne Gilson et Louis Salleron, ont publiquement protesté. Mais à l’ensemble des fidèles, au niveau du grand public, aucune explication officielle n’a été donnée. Eh bien la voici, certes brève et discrète, ai-je dit, mais c’est tout récent.
Pour le XXIIe dimanche après la Pentecôte, au beau milieu d’un article de deux pages de journal, pourtant intitulé, d’une manière rassurante, « Le dogme, une vérité à croire », on trouve inopinément :
« Le terme “consubstantiel” : c’est pour décrire [sic] la relation unique du Père et du Fils que ce terme a été introduit dans le Credo par le concile de Nicée en 325, ce qui n’empêche pas qu’il doive [sic] être “traduit” aujourd’hui, le sens du terme “substance” n’étant plus le même. »
Pas d’autre explication, mais c’est très net : on doit rejeter le consubstantiel pour la raison impérieuse que le sens du mot « substance » a changé.
Cette condamnation radicale, écrite noir sur blanc par Anne-Bénédicte Hoffner, manifeste une volonté arbitraire plutôt qu’une justification rationnelle.
Elle énonce une contre-vérité sémantique.
Ni dans le Littré, ni dans le Grand Larousse, ni dans le Grand ou le Petit Robert, on n’aperçoit ce prétendu changement de sens. On y discerne surtout un approfondissement du sens courant par le sens philosophique, mais justement : dans le même sens.
D’ailleurs Anne-Bénédicte Hoffner, si elle veut bien en discuter, n’a qu’à nous préciser quels sont à ses yeux :
— le sens supposé ancien ;
— et d’autre part le sens différent ou contraire qui serait le sens actuel ; et depuis quand ce changement de sens ?
Depuis cinquante ans une fausse version du Credo s’est incrustée tranquillement jusque dans les éditions françaises des nouveaux catéchismes, malgré leurs bonnes intentions et leur effort de réorientation vers Dieu. Ce fut le cas du CEC, puis du Compendium, le dernier en date étant le Youcat. Et naturellement, c’est le cas aussi, depuis le début, du Missel des dimanches annuel de l’épiscopat.
Il nous reste à dire comment cet aveugle acharnement à maintenir une contre-vérité sémantique procède d’un contresens philosophique.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7477 de PRESENT daté du Vendredi 18 novembre 2011