Révolution française et traditionalisme (X) : La plaie des petites chapelles par Peregrinus 2017-08-06 18:52:50 |
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Revenant au début du XIXe siècle sur la décennie révolutionnaire, l’abbé Baston, ancien chanoine de Rouen et l’un des plus savants adversaires de la Constitution civile du clergé dans ce diocèse, n’hésite pas à désigner la « plaie des petites chapelles » comme la « plus grande que la Révolution eût faite à l’Eglise (1) ». Ainsi, aux yeux d’un ecclésiastique peu suspect de sympathie pour les entreprises révolutionnaires, les divisions qui fragmentent à partir de 1792 le clergé fidèle en « petites chapelles » sont un mal pire encore que les atteintes aux droits de la vraie religion, la persécution et l’exil qu’il a dû lui-même souffrir.
En effet, l’attitude à tenir face aux serments et promesses imposés par les autorités à partir d’août 1792 fait rapidement l’objet de débats très vigoureux au sein du clergé réfractaire. On a vu dans la partie précédente que des figures éminentes du clergé insermenté, notamment à Paris, n’ont vu aucun obstacle à la prestation de serments politiques susceptibles d’une interprétation catholique, mais ont même parfois jugé de leur devoir de faire ces serments.
D’autres ecclésiastiques rejettent au contraire ces actes comme illicites. Le rejet de ces serments connaît cependant toutes sortes de degrés. Ainsi le canoniste laïc Maultrot juge-t-il les serments purement civiques téméraires, mais non impies (2) ; les évêques et prêtres qui les ont acceptés ne cessent donc pas pour autant d’être des pasteurs légitimes. A Angoulême, l’abbé Jean Vigneron, grand-vicaire de l’évêque en exil, prête le serment de Liberté-Egalité et incite le clergé à l’imiter ; sous le Directoire, il désapprouve le serment de haine de la royauté, mais refuse de suspendre les prêtres qui l’ont prêté (3). Quant à l’abbé Henri de Lafaux de Chabrignac, doyen du chapitre cathédral, lui aussi grand-vicaire, il s’abstient de tout serment et encourage les prêtres à rétracter leurs serments, mais refuse de s’opposer publiquement à son confrère l’abbé Vigneron (4). La compréhensible opposition aux serments « politiques », qui peut être fondée sur des arguments tout à fait valable, ne signifie donc pas nécessairement le rejet des prêtres qui les ont prêtés, la réciproque étant presque toujours vraie.
Il existe néanmoins un refus plus radical de ces serments. Certains prêtres réfractaires les assimilent en effet tout uniment au serment constitutionnel du 27 novembre 1790, condamné par l’Eglise comme schismatique. Dès lors, à leurs yeux, les prêtres qui ont fait ces serments sont comparables aux jureurs et doivent donc être traités en schismatiques. Ainsi, dans le diocèse de Rouen, à la veille du Concordat, les prêtres « antifidélistes », c’est-à-dire hostiles à la promesse de fidélité à la Constitution de l’an VIII, pour la plupart extérieurs au diocèse, forts des pouvoirs accordés par l’Eglise en temps de persécution, s’opposent violemment aux vicaires généraux capitulaires et au clergé « fidéliste » (5).
Dans leur mandement du 2 janvier 1801, les vicaires généraux se demandent ainsi de quelle autorité les plus ardents antifidélistes censurent les pasteurs qui au moyen d’une promesse qu’ils croient licite et qui n’est pas condamnée
venaient reprendre le soin des âmes, évangéliser les pauvres, rompre à tous le pain de la parole : devoir rigoureux, obligation indispensable, qui ne doit céder qu’aux raisons les plus fortes, jamais au simple doute, toujours à la certitude reconnue du péché (6).
regardent comme hérétiques, apostats et complices de tous les crimes et horreurs de la Révolution les ministres qui les ont souscrits, leur prodiguent ces qualifications dans le tribunal de la pénitence dans leurs discours et les écrits dont ils ont inondé ce malheureux diocèse, défendent sous peine d’excommunication de communiquer avec eux, d’entendre leur messe, de s’y confesser (7).
Ils se permettent de dispenser de la messe, de la confession annuelle, de la communion pascale, les fidèles qui a raison de leur éloignement ne peuvent s’adresser à eux que difficilement, ou sans les compromettre, quoiqu’ils aient à leur portée des ministres autorisés des deux puissances [spirituelle et temporelle] : une infinité de personnes du monde ont adopté cette morale comme la plus commode ; de là, combien, dans tout le diocèse, de devoirs de religion omis, combien de personnes mortes sans sacrements, ainsi accoutumées peu à peu à se passer de la messe et des autres secours de l’Eglise (8) ?
[un prêtre rigoriste] a autorisé une jeune personne à désobéir à sa mère qui voulait la mener, avec ses autres enfants, à cette église [Saint-André d’Angoulême, réconciliée par les prêtres réfractaires soumissionnaires] y remplir ses devoirs de religion, refus qui a occasionné du trouble et de la froideur dans une famille honnête où régnaient la paix et l’union (9).
élèvent autel contre autel, séparent les brebis de leurs pasteurs et les pasteurs du troupeau, portent le trouble dans les consciences et la division dans les esprits (11).
Laissez à chacun la liberté des opinions permises, évitez toute question contentieuse, tout jugement précipité, et gardez-vous bien de semer schisme sur schisme, jaloux de conserver l’heureuse unité de l’esprit dans le lien désiré de la paix.
les esprits ardents, les hommes inquiets qui pourraient leur insinuer le dangereux langage de la désobéissance, et les entraîner dans les routes séduisantes de l’indiscipline et de la nouveauté (12).
Il n’est jamais permis à aucun particulier, soit moine, soit laïque, soit prêtre, de rompre les liens de la communion ecclésiastique avec ceux que l’église n’a point rejetés de son sein : il faut les tolérer comme cette bonne mère, & ne s’en point faire un prétexte pour sortir de l’église (14).
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