Que restait-il, les années de sa formation, dans ce fin-de-siècle catholique, dans cet âge de la nouvelle pentecôte, celle de l’esprit du monde, que restait-il de cette grande culture humaniste et classique, de ce thomisme bien poussé, qui avaient caractérisé les jésuites et leur enseignement depuis longtemps, aussi en Amérique latine ? On peut se poser la question. On voudrait comprendre.
Mon père, qui travaillait à la Maison Saint-Ignace de Bruxelles depuis le début des années 50, y a été témoin, dès ces années-là, de l’engouement incroyable des Pères pour le tristement célèbre Teilhard de Chardin. Dans les mêmes locaux, le centre
Lumen Vitae entreprenait le lavage du cerveau des jeunes jésuites espagnols, portugais et latino-américains qui lui étaient confiés, les transformant en agitateurs du style du
Père Comblin.
Si l’on en croit le récit du Père mexicain Saenz y Arriaga, c’est à partir de l’élection en 1946 du Père Janssens comme général de la Compagnie que tout aurait sérieusement basculé, les postes-clés étant confiés un peu partout à des progressistes tandis que les Pères formés “à l’ancienne” étaient considérés comme des attardés, et parfois même
internés dans des asiles psychiatriques. C’est ce qui arriva au P. Saenz lui-même en 1948, et il n’en fut extrait que grâce à l’intervention de l’archevêque Mgr Martinez, alerté par l’une de ses sœurs et un cousin médecin. Il assista ensuite impuissant, à l’Université de Puebla où il avait été nommé, à l’infiltration de professeurs marxistes avec la complicité de la direction jésuite. Ce qui acheva de l’édifier, ce fut la réponse au rapport qu’il envoya au Supérieur Général à Rome à propos des faits dont il était témoin…
Mais il faut souligner que cette subversion n’était pas le privilège de la seule Compagnie de Jésus : il suffit de se rappeler que, dès les dernières années du pontificat de Pie XII, les supérieurs dominicains du Père Calmel lui avaient interdit toute collaboration à la revue
Itinéraires de J. Madiran !
V.