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Un peu de recyclage
par Abbé Néri 2014-11-11 22:12:44
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Le monde contemporain est traversé par les mécanismes de la réutilisation, qui entendent faire avec de l’ancien du neuf, en retravaillant et recombinant des matériaux anciens. Au point qu’on a pu parler de « culture recyclée »(1) métaphore servant à transposer la logique du recyclage matériel, celui de nos ordures, au recyclage intellectuel, celui de nos pensées et de nos créations.

Le recyclage au sens littéral est en effet un procédé de traitement des déchets (déchet industriel ou ordures ménagères) qui permet de réintroduire, dans le cycle de production d'un produit, des matériaux qui composaient un produit similaire arrivé en fin de vie, ou des résidus de fabrication.

La politique étant aussi une réalité culturelle connaît aussi ce genre d’emploi. Ainsi par exemple un éditorialiste du Monde(2) parlait de « recyclage des idées »dans le projet socialiste :

« Le PS subirait-il un déficit d'inventivité ? Dans les textes des conventions, il y a peu d'idées vraiment nouvelles. Beaucoup de propositions relèvent du recyclage d'idées avancées depuis 2002. Aux yeux du PS, elles ont conservé leur pertinence, puisque aucune n'a pu être appliquée par un parti resté depuis neuf ans dans l'opposition. »

Mais les hommes politiques n’ont pas le monopole dans le déficit d’inventivité, il y a un parallèle étonnant dans le domaine ecclésiastique où les discussions entendues autour du dernier synode font réapparaître des idées que se manifestaient sur les mêmes sujets à la suite du bouleversement conciliaire.

Les hommes d’église qui n’échappant pas à l’esprit du temps avaient par exemple dans les bureaux de l’archevêché de Paris pondu un document intitulée : « De quel Dieu les sacrements sont-ils signes ? »(3) et dans sa couverture figurait l’indication : « Recyclage 1974 »
Qu’y a-t-il donc dans ce recyclage ?

Il est écrit : « L’Eglise ne peut être universellement signe de salut qu’à la condition de mourir à elle-même pour que l’Esprit vive en elle » (p.14)

Et la suite nous renseigne sur cette mort nécessaire de l’Eglise :

« Pour l’Eglise, qu’est-ce que mourir à elle-même ? C’est relativiser les moyens qu’elle met en œuvre pour annoncer le salut, c’est accepter de disparaître comme on voit disparaître le grain de blé en terre…, c’est accepter de voir des institutions qui ont fait leurs preuves devenir caduques…, c’est accepter de voir une formulation doctrinale remaniée afin d’être mieux comprise par des générations qui changent de langage. Et cela sans pour autant s’imaginer que l’on attaque le dogme…, c’est renoncer à des valeurs positives qui, en soi, représentent une grande richesse, mais qui, dans la conjoncture actuelle, ne sont peut-être pas prioritaires, eu égard à ce que l’Esprit veut vivre en notre temps. »

Que veut-on mettre exactement sous les termes, laissés sans précision, de « moyens », d’ « institutions », de « valeurs positives », qui doivent disparaître ? Que vise, à la vérité, cette reformulation doctrinale prétendue nécessaire ? Où peut conduire tout ce vaste programme de mise à mort ? On voudrait bien le savoir avec précision. Le libellé renseigne, du moins, pour une part.

Il y est écrit d’emblée :

« L’essentiel n’est pas que chaque génération vive tout en même, mais que l’Eglise de générations en générations vive globalement tout le mystère de la foi »(P.15)

De quoi veut-on dispenser la génération actuelle ?

Lorsqu’il y a conflit entre les personnes et la foi, c’est la foi qui doit plier :

« On n’a jamais à choisir entre la vérité des personnes et la vérité des sacrements, car si le corps de doctrine de l’Eglise n’est pas conciliable avec le corps vivant qu’elle-même forme avec tous ses membres, c’est qu’il y a une anomalie de la foi » (p.18)

Et un peu plus loin on perçoit où ils veulent en venir :

« Les sacrements semblent faits pour de gens pieux, inoffensifs, qui n’ont pas grand-chose à faire … La vie sacramentaire paraît réservée aux idéalistes » (p.26)

Dans ce sens, un paragraphe est consacré à « l’élitisme des sacrements » :

« On fait grief à la pastorale actuelle de présenter des exigences incompatibles avec un christianisme qu’on voudrait populaire » (p.29)
Est-ce le nivellement par le bas que l’on veut introduire ?

Un autre paragraphe intitulé : « le moralisme des sacrements » grogne :

« On continue de les utiliser comme des labels de moralité. L’obligation de se confesser en cas de péché mortel pour pouvoir communier – qui a pesé si fortement sur les consciences chrétiennes pendant si longtemps – n’est-il pas le signe de cette conception moralisante des sacrements ? De même, le refus de donner le sacrement de la Réconciliation à de gens en situation irrégulière renforce cette image contraignante des sacrements » (p.29)

Et sans s’arrêter là, on peut lire plus loin :

« Les sacrements n’ont pas été institués pour pénaliser ceux qui sont en situation morale irrégulière, mais, au contraire, pour révéler que l’amour de Dieu n’est pas enfermé dans une morale traditionnelle. C’est pourquoi… tant qu’un homme et une femme divorcés-remariés, qui demandent le signe de la Réconciliation, ne pourront pas recevoir selon la miséricorde du Christ, dans le sacrement de pénitence, de l’Eucharistie… tant qu’il y aura des exclus dans l’Eglise…, il paraît difficile de percevoir la morale chrétienne autrement que comme la sacralisation d’une morale sociologique : si elle n’est pas plus capable que la morale dite « naturelle » de faire prévaloir la miséricorde, en quoi est-elle évangélique ? Parce que les sacrements sont le signe de cette miséricorde invincible, ils nous rappellent que dans l’Eglise, il ne saurait y avoir d’autre morale que celle de l’amour. Tant qu’il y aura une morale qui échappera à cette morale des sacrements, il sera bien difficile de croire que le Christ est à l’aise dans l’Eglise… Si l’Eglise, selon l’image de Paul, est l’épouse du Christ, on peut se demander parfois s’il n’aurait pas envie de divorcer. »

Et voilà !

« A la vérité ce « Recyclage 1974 » travaille à la mise au rencart de la doctrine catholique sur les sacrements. Une autre doctrine nous est proposée, sans consistance, soi-disant de nature plus populaire et plus évangélique, et qui évacue, pratiquement, la notion du péché et le rôle de l’autorité hiérarchique. »(4)

40 ans après le recyclage continue…

(1) Philippe St-Germain, La culture recyclée en dix chapitres réutilisables – Montréal, Éditions Liber, 2012,
(2) « Le projet socialiste entre recyclage des idées et quête d'inventivité » - Michel Noblecourt - LE MONDE | 14.01.2011)
(3) Brochure éditée par le centre Jean-Bart qu’était le centre de Pastorale des Sacrements
(4) D.P. Auvray o.p. – Face à la subversion dans l’Eglise - Paris 1975 – p.34
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