...si l’on en croit le récit de Frère Michel de la Trinité (Toute la vérité sur Fatima, t. 3, p. 299-301), faisant lui-même écho au témoignage du colonel Arnould :

En 1954, tandis que Pie XII était durement éprouvé par la maladie et affaibli par la vieillesse, au Vatican quelqu’un osa, à son insu, répondre aux avances de Moscou.

Le colonel Arnould, qui avait servi durant la guerre dans l’“Intelligence service”, faisait à cette époque fonction d’agent secret directement au service de Pie XII. Le Pape lui confiait des tâches de renseignements que les nonces ne pouvaient accomplir. Il se trouva ainsi chargé officieusement de missions concernant les pays de l’Est : aide aux membres du clergé détenus, acheminement de bibles en Urss, etc. Il entra à cette occasion en relations suivies avec l’évêque luthérien d’Uppsala qui avait une grande admiration pour Pie XII et ne craignait pas de lui rendre de précieux services en ce domaine de l’aide aux chrétiens persécutés.

Au cours d’un entretien [sans doute vers le début de l’été 1954], l’archevêque d’Uppsala déclara soudain au colonel Arnould : « Les dirigeants suédois savent très bien que le Vatican entretient des relations avec les Soviets. » Le colonel répondit que cela lui paraissait surprenant, mais qu’il ne connaissait pas tous les secrets du Vatican ; qu’il se permettrait néanmoins de poser la question au pape Pie XII, la prochaine fois qu’il le rencontrerait. Le colonel était reçu environ une fois par mois par le Pape, dans ses appartements privés. De retour à Rome, il interrogea donc le Saint-Père, en précisant qu’il serait facheux de trahir la confiance de l’archevêque d’Uppsala, qui était si compréhensif et si efficace. Le Pape, très étonné, demanda au colonel de certifier, de sa part, à Mgr Brilioth, que le Vatican n’entretenait pas de relations avec les Soviétiques.

Lorsque le colonel Arnould se rendit de nouveau en Suède, l’archevêque d’Uppsala lui réaffirma que, selon ses renseignements, le Vatican entretenait des relations avec Moscou. Le colonel lui certifia le contraire, de la part du Pape. « Il y eut alors un grand silence, racontait le colonel. Puis l’archevêque me pria de repasser le voir quand j’aurais achevé ma mission en Suède, avant de repartir pour Rome. C’est ce que je fis. Mgr Brilioth me remit alors une enveloppe cachetée destinée au pape Pie XII, en me priant de la remettre en main propre, sans la faire passer par aucun des services du Vatican. Et il me dit seulement : “Cette enveloppe contient les preuves des relations que le Vatican entretient avec les Soviets”. »

À Rome, ou plutôt sans doute encore à Castelgandolfo, — mais malheureusement nous ne pouvons préciser la date avec certitude —, le colonel remit l’enveloppe au Pape. Celui-ci l’ouvrit en sa présence. Il la lut et son visage s’assombrit. Mais il ne dit rien.

Cependant, le dernier texte officiel signé du pro-secrétaire d’État est daté du 23 septembre. Le 1er novembre 1954, Mgr Montini sera déchargé de ses fonctions à Rome et nommé au siège archiépiscopal de Milan, devenu vacant depuis le 30 août, date de la mort du cardinal Schuster. “Promoveatur ut amoveatur”.

Lorsque le colonel Arnould retourna au Vatican, Mgr Montini avait déjà quitté la secrétairerie d’Etat. Surpris de cette mutation, le colonel interrogea le Père Leiber, secrétaire privé de Pie XII, sur les raisons de ce changement inattendu. Le Père Leiber lui répondit : « La cause en est la lettre que vous avez apportée de Suède. » Et il ajouta que cette lettre avait provoqué la colère du Pape ; que Mgr Montini avait été envoyé à Milan en disgrâce ; et que le Pape avait affirmé que jamais, de son vivant, Mgr Montini ne serait nommé cardinal.

Tels sont les faits, consternants, tragiques, que tous les historiens sont peu à peu contraints d’admettre.

Dans l’ouvrage Pie XII devant l’Histoire de Mgr Roche et Philippe Saint-Germain, on peut trouver plusieurs indices allant dans le même sens mais, comme l’écrit plaisamment Alexis Curvers (Du nouveau sur Pie XII, Itinéraires n° 162) “enveloppés de ces nuages d’encens où le style ecclésiastique se plaît et excelle à balancer la prudence de l’esquive par la hardiesse de la contradiction quand le sujet devient brûlant”...

V.

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