Le Forum Catholique

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images/icones/bible.gif  ( 823859 )Numérotation des psaumes et Bible Crampon par Regnum Galliae (2017-03-09 10:34:18) 

En parcourant les archives, Yves Daoudal revient souvent sur la différence entre les deux numérotations des psaumes : celle du texte massorétique (chiffre le plus élevé car le psaume IX a été coupé en deux à tort), reprise par les Protestants, et celle correspondant à la Septante et à la Vulgate, traditionnellement retenue par l'Eglise catholique y compris de nos jours.

Or je constate que la Bible Crampon, pourtant très répandue dans les milieux "tradis" et écrite à une époque où il n'était pas encore question d'oecuménisme et de dialogue interreligieux, la Bible Crampon donc utilise la numérotation rabbino-protestante. Comment expliquer ce choix du chanoine Crampon ? Du coup, une autre question me vient aux lèvres : les choix méthodologiques du chanoine remettent-ils en question la fiabilité de sa traduction ? Merci pour vos lumières.
images/icones/neutre.gif  ( 823871 )[réponse] par Yves Daoudal (2017-03-09 13:16:53) 
[en réponse à 823859]

C'est très simple, et la réponse se trouve dans votre question: Crampon traduit le texte massorétique, donc il traduit les psaumes avec les numéros de la Bible massorétique.
images/icones/fleche2.gif  ( 823874 )Merci pour votre réponse. par Regnum Galliae (2017-03-09 14:04:56) 
[en réponse à 823871]

Un détail : je n'ai pas écrit que Crampon suivait les textes massorétiques. Je l'ignorais puisque mon édition parle des "textes originaux". Ils ne le sont donc pas tant que cela. C'est effectivement une explication.

J'en ai profité pour consulter la préface de l'édition 1896 de sa traduction. C'est très intéressant.

Crampon reconnaît en effet suivre l'édition des massorètes (note en bas de la page xviii), mais retient que ceux-ci n'ont fait qu'ajouter des voyelles afin de figer ce qu'ils considéraient comme étant leur traduction.

Dans un de vos posts passés, vous écrivez, sauf erreur de ma part, que les massorètes avaient modifié des passages qui annonçaient un peu trop clairement le Christ. Or Crampon ne le mentionne pas et fait même le reproche inverse à la Vulgate. Ainsi, p. xxiv, il se réfère à un certain P. Cornely et affirme que saint Jérôme a "traduit intentionnellement plusieurs passages des Prophètes de manière à ce qu'ils pussent recevoir un sens messianique tout en avouant dans son commentaire que l'autre version est plus commune"

D'où une autre question : le texte massorétique est-il vraiment mauvais ? Qu'est-ce qui permet de l'affirmer ? Iriez-vous jusqu'à déconseiller la Bible Crampon ?
images/icones/neutre.gif  ( 823876 )correctif par Regnum Galliae (2017-03-09 14:11:17) 
[en réponse à 823874]

à propos des massorètes, lire "leur tradition" et non pas "leur traduction". Lapsus révélateur ?
images/icones/neutre.gif  ( 823883 )Vaste question... par Yves Daoudal (2017-03-09 14:58:46) 
[en réponse à 823874]

Je ne peux que vous renvoyer à mon blog, où vous trouverez une bonne vingtaine de textes sur le sujet...

Dont un de Paul Claudel, de 1947, et qui concerne précisément Crampon:


La traduction française de la Bible d’après les textes originaux, la seule qui soit actuellement d’une manière courante à la disposition du public, est celle de M. l’abbé Crampon, chanoine d’Amiens.

Pour l’Ancien Testament, le texte original, nous l’avons vu, est celui du Codex massorétique dont l’édition date du Xe siècle après Jésus-Christ.

Il en résulte que la majorité des lecteurs de notre pays n’a accès aujourd’hui aux sources antiques où s’alimente notre foi que d’après un texte dont les Pères, pas plus que la théologie et la liturgie catholiques n’ont jamais fait usage.

L’Eglise catholique en effet n’a jamais accordé sa recommandation solennelle qu’à deux versions : celle des Septante et celle de la Vulgate, les seules dont elle se soit servie.

Aujourd’hui où, grâce à Dieu, le grand public prend goût de plus en plus à la lecture des Livres Saints, il se trouve donc n’avoir à sa disposition qu’un contenu notablement différent de notre monument canonique traditionnel, et où il ne retrouve plus dans la pureté et l’intégrité de leur rédaction autorisée les bases sur lesquelles s’appuient sa foi et l’espérance de son salut.

Le lecteur français s’habitue ainsi à l’idée que le texte hébreu massorétique est le seul authentique et indiscutable, et c’est d’un œil distrait, sinon méprisant, qu’il effleure les notes au bas de la page qui mentionnent les variantes des Septante et de la Vulgate, souvent de la plus haute importance.

Il ne s’agit pas uniquement de question de style, quoiqu’un écrivain puisse déplorer le parti pris apparent de platitude, de prosaïsme, de préférence donné au sens le plus misérablement trivial et terre à terre, par le document qui lui est remis entre les mains. Mais quel dommage à la dévotion ! Que de passages, où le cœur des Saints avait vibré, douloureusement défigurés ou complètement anéantis ! On se promène parmi des ruines. Que de questions essentielles, à lui adressées sous le voile de l’énigme, étouffées !

Ce qui est plus grave encore, beaucoup de passages auxquels l’Eglise a toujours attribué un sens messianique sont affaiblis, exténués, parfois jusqu’à une disparition presque totale.

Or l’autorité du texte hébreu actuel n’est aucunement supérieure, comme l’indique l’auteur protestant cité plus haut, à celle des Septante (et de la Vulgate). Bien au contraire ! En tenant uniquement compte du point de vue scientifique, cette dernière est beaucoup plus grande, puisque leur version, confirmée par l’usage de plusieurs siècles, remonte à deux siècles avant Jésus-Christ. Tandis que l’édition massorétique (avec la grave addition des accents et des voyelles) est du dixième siècle après Jésus-Christ.

On aurait grandement besoin actuellement d’une traduction française sérieuse basée sur les versions des Septante et de la Vulgate, dont elle serrerait le texte de plus près dans le langage d’aujourd’hui, et où les variantes hébraïques seraient simplement mentionnées en note.


Voici le texte de « l’auteur protestant » qu’évoque Claudel. Il s’agit d’un extrait de l’Encyclopaedia Britannica, par John Frederick Stenning, « lecteur d’araméen à l’Université d’Oxford, lecteur de théologie et d’Hébreu au Wadham College ».

Deux faits doivent être mis en évidence. Le premier est que le plus ancien manuscrit daté de l’A.T. hébreu, le Codex Babylonicus Petropolitanus, ne remonte qu’à l’an 916 après J.-C.... Le second est que tous nos manuscrits représentent un seul et même texte, le massorétique, établi par une équipe spéciale de savants qualifiés, dont le but était non seulement de préserver et de transmettre le texte purement consonantique qui leur avait été livré, mais encore d’en assurer la prononciation correcte. A cet effet, ils imaginèrent tout un système de points-voyelles et d’accents.

…Il est certain qu’avant le second siècle après Jésus-Christ les différents manuscrits de l’A.T. différaient très sensiblement l’un de l’autre ; preuve suffisante nous en est fournie par le Pentateuque Samaritain et les traductions, plus spécialement celle des Septante. Les indications ne manquent pas dans le texte hébreu lui-même que, dans les temps anciens, le texte fut traité avec une grande liberté.

…Les anciennes traductions, particulièrement celle des Septante, montrent fréquemment des variantes par rapport à l’hébreu qui non seulement sont intrinsèquement plus probables, mais souvent expliquent les difficultés présentées par le texte massorétique. Notre estime de la valeur de ces variantes est considérablement relevée si nous considérons que les manuscrits sur lesquels ces traductions sont basées sont plus vieux de plusieurs siècles que ceux d’où le texte massorétique a été tiré : le texte qu’elles présupposent a donc un titre non médiocre à se voir considérer comme un témoin important de l’hébreu original.
images/icones/heho.gif  ( 823885 )La Bible de Fillion par In cruce salus (2017-03-09 16:05:56) 
[en réponse à 823883]

... est traduite d'après la Vulgate et les textes originaux. Ce travail monumental serait-il, à votre avis, préférable ?
images/icones/neutre.gif  ( 823887 )[réponse] par Yves Daoudal (2017-03-09 16:52:46) 
[en réponse à 823885]

De Sacy à Fillion, toutes les Bibles traduites de la Vulgate sont préférables. Mais aucune d'entre elles n'est actuellement disponible en librairie. Et il faudrait une traduction plus actuelle.
images/icones/fleche2.gif  ( 823888 )Il y a celle de l'abbé Glaire par Regnum Galliae (2017-03-09 17:02:57) 
[en réponse à 823887]

qui est toujours en vente.

Celle du chanoine Osty est traduite sur la Vulgate il me semble, n'est-ce pas ?

Il est exact que rééditer la Bible Fillion en un seul volume, sans les commentaires (pourtant fort intéressants), serait une bonne bonne idée.
images/icones/neutre.gif  ( 823894 )[réponse] par Yves Daoudal (2017-03-09 18:05:18) 
[en réponse à 823888]

Celle de l'abbé Glaire a été rééditée mais n'est plus disponible depuis longtemps.

Osty traduit le texte massorétique et ne s'intéresse aux "versions" qu'en désespoir de cause.
images/icones/neutre.gif  ( 823897 )Bible de Lemaître de Sacy par Denis SUREAU (2017-03-09 18:44:56) 
[en réponse à 823887]

La Bible dans la traduction de Lemaître de Sacy est disponible dans la collection Bouquins de Robert Laffont.
images/icones/neutre.gif  ( 823900 )En effet par Yves Daoudal (2017-03-09 19:31:28) 
[en réponse à 823897]

elle a été longtemps épuisée, et elle est revenue, j'avais oublié de vérifier.
images/icones/hein.gif  ( 823916 )Est-ce une bonne traduction ? par Regnum Galliae (2017-03-10 09:21:43) 
[en réponse à 823900]

Si la source (la Vulgate) est bonne, la traduction est-elle fiable, compte tenu du penchant janséniste du traducteur ? Cette version avait-elle reçu l'imprimatur à l'époque ? Et aujourd'hui ?
images/icones/neutre.gif  ( 823944 )[réponse] par Yves Daoudal (2017-03-10 15:31:04) 
[en réponse à 823916]

A ma connaissance il n'y a rien de janséniste dans cette traduction, de même pour la traduction des hymnes du bréviaire par le même Sacy, alors qu'on trouve quelques pointes jansénistes dans celle de Racine.

Cette traduction n'a évidemment pas d'imprimatur puisqu'il était théoriquement interdit de lire la Bible en langue vulgaire.

L'intérêt de Sacy est que c'est la première traduction, tellement réussie qu'elle sera en fait la base des suivantes (quand elle ne sera pas carrément recopiée), et que c'est un chef-d'oeuvre de la langue française.

La seule chose qu'on peut lui reprocher est que, déjà, quand il y a une difficulté, il va lorgner sur le texte massorétique...

Mais aussi c'est du français du XVIIe siècle, et même s'il est presque intemporel il peut poser quelques difficultés à un lecteur qui n'a pas de formation classique.
images/icones/neutre.gif  ( 823917 )Merci par Regnum Galliae (2017-03-10 09:22:34) 
[en réponse à 823883]

et bravo pour votre excellent blogue, toujours très instructif !