Quelques considérations statistiques

Le Forum Catholique

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Polydamas -  2021-11-16 18:50:11

Quelques considérations statistiques

Ce chiffre se trouve dans le rapport de l'INSERM, institut public d'analyse de données de santé. A la base, il s'agit d'un sondage établi sur plus de 28 000 personnes, soit un chiffre extrêmement important, ce travail de questionnaire est sérieux. J'ai pu lire que par Internet, on diminuait le nombre de réponses positives, mais globalement, c'est un travail de collecte de données de qualité. Sur ces 28 000 personnes, 2400 ont été abusés hors de l'Eglise, et 118 expliquent avoir subi un abus par quelqu'un y appartenant, soit 0,42% des sondés. C'est à la page 389 du rapport indiqué plus haut. Puis, page 395, les taux de réponse sont appliqués tels quels à la population générale, on obtient ainsi 216 000 victimes de prêtres, et 120 000 victimes de laïcs dans l'Eglise.

Il faut noter quelque chose de très important : la majorité des actes ne sont pas des viols. Les viols représentent 32% du total déclaré des abus, les attouchements, plus de 62%. Cela est évidemment pervers, mais cela n'a pas la même dimension de choc qu'un viol, ce qui pourrait expliquer,au moins en partie, la sous déclaration en nombre de plaintes déposées. Je passe sur le détail des crimes, vous vous y reporterez, c'est page 389.

Pour ma part, le premier point qui frappe est qu'il n'y a pas de redressement. Dans un sondage, un redressement est une question dont on connait numériquement le résultat dans la réalité, ce qui permet d'établir la différence, l'écart entre le sondage et la réalité. Par exemple, en politique (c'est d'actualité), en plus de demander aux gens ce qu'ils vont voter, on leur demande, à titre de redressement, ce qu'ils ont voté par le passé, afin de vérifier la cohérence des résultats et les recalibrer. Si votre panel dit voter à 51% pour Macron au second tour de la prochaine présidentielle, et que ce même panel affirme avoir voté à 60% pour Macron en 2017, on sait qu'il existe un écart de 6%, car Macron a gagné le second tour en 2017 avec un score de 66%. Donc, en partant du principe que les gens sont cohérents, le chiffre réel des votes sera plutôt vers 57% (51% + 6%) plutôt que 51%.

Ici, dans le cas du rapport Sauvé, ce qui peut servir de redressement est le nombre de dépôts de plainte (demandés dans le sondage) et qu'on peut retrouver dans la réalité. Ce travail n'est pas fait, mais il est indiqué, p. 390 du rapport de l'INSERM, que 21% des victimes ont porté plainte. Or, on connaît 5000 victimes, 5000 affaires traitées. Si on considère que cet ordre de grandeur de victimes à peu près équivalent au dépôt de plaintes (ce qui est une approximation, évidemment), cela signifierait que le nombre de victimes réel est de 5000 * 1/21% = 23 800 victimes, et non 330 000, soit 14 fois moins. Si on considère que le nombre de dépôts de plainte est deux fois supérieur au nombre de victimes connues, alors le nombre de victimes est estimé à environ 44 000. Ainsi une vérification du nombre de dépôts de plainte, indépendamment de leur issue (procès, classée sans suite, etc) permettrait de croiser les proportions du sondage avec d'autres éléments

Deuxième énorme difficulté, les ordres de grandeur entre pervers et victimes. Le père Preynat est considéré comme l'un des plus grands prédateurs dans l'Eglise de France, 15 personnes ont porté plainte contre lui, on estime son nombre de victimes à 80 (source orale), mais cela paraît là-aussi excessif. On sait qu'il est difficile de porter plainte, que les victimes ne souhaitent pas en parler, dévoiler cet aspect de leur vie, mais il est difficile de croire qu'une extraordinaire de majorité de victimes se taisent en population générale (98,5% = (330 000 - 5 000)/ 330 000 ). Le nombre de pédocriminels connus est de 3 000. Admettons que le chiffre réel soit du double, cela fait 6 000, ce qui représente 330 000 / 6 000 = 50 victimes par pédocriminel. Or, d'après le rapport lui même, sur les 20 dernières années, le nombre de victimes est estimé à 28 000. S'il y a 5 victimes par pédocriminel, alors cela signifie qu'il y a 5600 prédateurs, soit un peu moins qu'un prêtre sur trois en France (ils ont été à peu près 20 000 sur les 20 dernières années), cela n'a pas de sens. A l'opposé, il est impossible de considérer qu'il puisse y avoir encore dans l'Eglise de France des prédateurs à plus de 30 victimes impunis ou inconnus (une victime sur le lot aurait forcément parlé). D'ailleurs, dans un camembert que je n'arrive pas à retrouver, les prédateurs à plus de 20 victimes représentent moins de 1% du lot, la grande majorité ayant agressé une ou deux victimes distinctes. Donc, ces estimations sont à prendre avec des pincettes car s'il y a peu d'actes commis par criminel, alors le nombre de criminels est important, ce qui est faux, si le nombre d'actes commis par criminel est important, alors le silence est impossible, au vu du grand nombre de victimes concernées. Enfin, en balançant de tels chiffres, même en disant que la majorité a eu lieu il y a 70 ans, tout le monde pense que le problème est encore systémiquement présent, ce qui est complètement faux.
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