Pour apporter au débat les propos du Cal R. Sarah

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Diafoirus -  2021-05-05 19:38:13

Pour apporter au débat les propos du Cal R. Sarah

LE SOIR APPROCHE ET DÉJÀ LE JOUR BAISSE

Il y a une racine commune à la crise du mariage et à celle des vocations. Les deux vont de pair.
Comment s'engager pour toute la vie si l'on soupçonne l'autre a priori de ne pas vouloir notre bien ? Le soupçon jeté sur la bienveillance er l'amour du Dieu Créateur s'est répandu dans toute la société humaine comme un lent poison paralysant. Toute relation est désormais source de crainte. L'engagement par amour apparaît comme une folie dangereuse. La solitude froide gagne chaque jour du terrain. Elle est devenue la caractéristique de notre société. Pourtant, « la nature relationnelle des créatures implique également un deuxième type de relation : nous sommes en relation avec Dieu, mais ensemble, comme famille humaine, nous sommes également en relation l'un avec l'autre. En d'autres termes, la liberté humaine signifie, d'une part, être dans la joie et dans le vaste espace de l'amour de Dieu, mais elle implique également être un avec l'autre et pour l'autre. Il n'existe pasde liberté contre l'autre. Si je me rends absolu, je deviens l'ennemi de l'autre, nous ne pouvons plus coexister et toute la vie se fait cruauté, devient un échec. Seule une liberté partagée est une liberté humaine ; c'est en étant ensemble que nous pouvons entrer dans la symphonie de la liberté. Et cela est un point d'une grande importance : ce n'est qu'en acceptant l'autre, en acceptant également la limitation apparente de ma liberté qui découle du respect pour celle de l'autre, ce n'est qu'en m'inscrivant dans ce réseau de dépendance qui fait de nous, en fin de compte, une unique famille, que je me mets en chemin vers la libération commune », poursuivait Benoît XVI le 20 février 2009.
Il apparaît alors un autre élément de la haine de tous contre tous. Si nos libertés, pour s'épanouir, doivent collaborer ; il est nécessaire qu'elles partagent une mesure, un ordre commun

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juste et objectif qui les précède. En effet, si la seule mesure de notre action est une loi positive imposée par la volonté d'une majorité, nous serons sans cesse obligés de nous courber devant ce qui nous est extrinsèque et imposé de l'extérieur. Ainsi, toute soumission à une loi, à un ordre apparaît comme un esclavage auquel on est contraint de consentir au nom de la nécessité de vivre ensemble. Or une telle disposition intérieure ne saurait nous rendre heureux. Elle ne saurait fonder une société paisible et juste. Dans de telles circonstances, la révolte latente et le ressentiment profond finissent par s'installer au cœur de l'homme. Ils sont les moteurs secrets d'une volonté de transgression permanente des limites. Puisque nous sommes contraints de nous soumettre à la loi civile par le pouvoir politique, alors nous poussons la réalité de notre liberté en expérimentant toutes les transgressions morales, en repoussant toutes les limites de notre nature.
Ce ressentiment contre la loi imposée, contre la nature reçue a engendré ce que nous nommons les « évolutions sociétales ». Plus la société marchande mondialisée devient dure et répressive en imposant les lois du marché, plus les hommes tentent de se prouver qu'ils demeurent libres en transgressant l'héritage de la loi naturelle et en refusant toute notion de nature reçue.
Mais une telle logique est une impasse qui conduit à la haine de soi et à l'autodestruction de notre nature dont l'idéologie du gender et le transhumanisme sont les derniers avatars.
Il est ici capital de redécouvrir la notion de nature comme condition de l'épanouissement de notre liberté. En effet, de quoi parlons-nous quand nous évoquons la notion de loi naturelle ? Nos contemporains la comprennent comme un esclavage imposé par un Dieu qu'ils imaginent concurrent de notre liberté. C'est un malentendu tragique ! La loi naturelle n'est rien d'autre que l'expression de ce que nous sommes

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profondément. Elle est en quelque sorte le mode d'emploi de notre être, la notice de notre bonheur. Quand l'Église condamne les comportements homosexuels ou le divorce, beaucoup pensent qu'elle cherche à imposer sa domination sur les consciences dans une logique de puissance et de répression. Au contraire, l'Église se fait humblement la gardienne de I'homme, de son être profond, des conditions de sa liberté et de son bonheur.
Dieu et l'homme ne s'affrontent pas en un duel de puissance pour la domination du monde ! Dieu Créateur veut aider l'homme à se gouverner lui-même. Pour cela, il a confié à l'Église le mandat de rappeler à tous ce que chacun peut découvrir en sa conscience : les lois qui régissent profondément notre être. La loi naturelle est en quelque sorte Ia grammaire de notre nature. Il suffit de la scruter avec bienveillance et reconnaissance pour l'y découvrir.
Permettez-moi de vous faire une confidence. Je suis persuadé que la civilisation occidentale vit une crise mortelle. Elle a atteint les limites de la haine autodestructrice. Comme à l'époque de la chute de l'Empire romain, alors que tout est en voie de destruction, les élites ne se soucient que d'augmenter le luxe de leur vie quotidienne et les peuples sont anesthésiés par des divertissements de plus en plus vulgaires. Aujourd'hui encore, l'Église préserve ce qu'il y a de plus humain dans l'homme. Elle est gardienne de la civilisation. Aux premiers siècles de notre ère, ce sont les évêques et les saints qui ont sauvé les cités menacées par les Barbares. Ce sont les moines qui ont préservé et transmis les trésors de la littérature et de la philosophie antiques.
Plus profondément, l'Église se fait gardienne de la nature humaine. L'immense malentendu qui règne sur ce sujet avec le monde moderne est effrayant. Quand l'Église défend la vie

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des enfants en luttant contre l'avortement, quand elle défend le mariage en montrant la nocivité profonde du divorce, quand elle préserve la relation conjugale en mettant en garde contre l’impasse que constituent les relations homosexuelles, quand elle veut protéger la dignité des mourants contre la tentation de l'euthanasie, quand elle avertit des dangers des idéologies du gender et du transhumanisme, elle se fait en réalité servante de l'humanité et protectrice de Ia civilisation. Elle cherche à protéger les petits et les faibles contre les errements inconscients d'apprentis sorciers qui, par peur et par haine de leur propre humanité, risquent de conduire tant d'hommes et de femmes vers la solitude, la tristesse et la mort. L'Église veut dresser le rempart de l'humanité face à la néobarbarie des posthumains.
Les Barbares ne sont plus aux portes des cités et sous les remparts, ils sont aux postes de gouvernement et d'influence. Ils font les lois et l'opinion, animés souvent d'un véritable mépris pour les faibles et les pauvres. Alors l'Église se lève pour les défendre, convaincue de la vérité de la parole de Jésus : « Ce que vous aurez fait au plus petit, c'est à moi que vous l'aurez fait, (Mt 25, 40).
Les évêques ne cherchent pas à prendre le pouvoir sur les consciences. Ils prennent au sérieux leur mission de defensor civitatis, défenseurs des cités et de la civilisation ! Croyez-moi, je sais par expérience que l'évêque est parfois le dernier recours contre l'oppression. Précisément parce que nous n'avons aucun intérêt politique, Parce que, Par notre consécration, nous avons renoncé à la recherche du pouvoir séculier et de l'argent, nous sommes libres. Il faut avoir tout donné pour n'avoir plus rien à perdre et atteindre une vraie liberté de parole et d'action. En Guinée, j'ai dû prendre la défense de mon peuple contre [a dictature de Sékou Touré. J'ai protesté contre la répression violente des ennemis de Ia liberté. Je ne ne fais pas autre chose aujourd’hui en luttant contre les ennemis de l’homme.


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