L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-Lagrange

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ami de la Miséricorde -  2020-11-20 08:19:51

L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-Lagrange

A LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MÈRE DE DIEU
patronne de la bonne mort en signe de profonde gratitude et d'humble obéissance.

CHAPITRE VI
LE PURGATOIRE AVANT LA MORT ET LE FOND DE L'AME :LA NUIT DE L'ESPRIT


La purification du fond de l'âme a été souvent traitée par Tauler, par Louis de Blois, par saint Jean de la Croix. Louis de Blois (Intstitutio spriritualis, ch. XII. Voir aussi les Sermons de Tauler. trad. Hugueny. Paris, 1927, ch. I, pp. 74-82, 105-120), en expliquant ce que Tauler appelle le fond de l'âme, nous dit : c'est l'origine ou la racine des facultés supérieures « virium illarum est origo ». La substance même de l'âme ne peut opérer, sentir, concevoir, juger, aimer, vouloir, que par ses facultés.

C'est pour cela qu'elle les a reçues. Elle diffère ainsi de la substance divine, qui, seule, en tant qu'Acte pur, est immédiatement opérative par elle-même sans avoir besoin de facultés ( SAINT THOMAS Ia, q. 54, a. I; q. 77, a. I, 2.). Dieu n'a pas une faculté intellectuelle qui passerait de la puissance à l'acte, il est la Pensée même ; il n'a pas une volonté qui serait progressivement actua­lisée, il est l'Amour même. Dieu est comme un éclair de génie et d'amour éternellement subsistant.

Au contraire l'âme humaine et l'ange sont doués de facultés et ils ne peuvent connaître intellectuellement que par l'intelligence, vouloir que par la volonté. On ne saurait donc admettre, comme le montre saint Thomas ( Ibid ), que l'essence même de l'âme ait des actes latents de connaissance et d'amour, qui ne procéderaient pas de nos facultés supérieures.

Mais nos actes les plus profonds, suscités par Dieu, sont tellement différents des jugements superficiels souvent faux, de ceux par exemple qui sont répandus dans un milieu peu éclairé et matérialisé, qu'ils paraissent être dans la substance même de l'âme. En réalité ils sont dans le fond de nos facultés supérieures, là où elles s'enracinent dans la substance même de l'âme.

En ce sens, d'excellents auteurs comme saint Jean de la Croix ont parlé de « touches substan­tielles du Saint-Esprit dans le fond de l'âme », touches qui suscitent une connaissance mystique fort élevée et des actes d'amour infus ( Montée du Carmel, I. II, c. 30. Saint jean de la Croix comme Tauler, parle le langage descriptif et concret de la psychologie expérimentale, et non pas le langage ontologique et abstrait de la psychologie rationnelle.).

Dieu plus intime à l'âme qu'elle-même, en tant qu'il lui conserve l'existence, peut toucher et mou­voir ab intus, du dedans, le fond même de nos facultés par un contact non pas spatial, mais spirituel et dynamique (contactas virtutis, non quantativus), qui se manifeste à la conscience comme divin. Ainsi Dieu meut intimement l'âme aux actes les plus profonds, auxquels elle ne pourrait se porter elle-­même.

On a justement comparé notre conscience super­ficielle à la coquille ou enveloppe calcaire d'un grand nombre de mollusques. L'homme a sa coquille lui aussi, celle de ses habitudes routinières de penser, de vouloir, d'agir, qui sont le résultat de son égoïsme, de ses illusions, de ses erreurs. Rien de tout cela n'est en harmonie avec Dieu caché au fond de notre âme et des autres âmes, qui le cherchent sincèrement.

Et alors il faut que cette coquille ou conscience superfi­cielle se brise pour qu'on connaisse ce qui est au fond de l'âme et des autres âmes de bonne volonté. Ce qui brise cette coquille ce sont les épreuves, surtout le purgatoire avant la mort. Par exemple lorsqu'une pauvre femme, mère de plusieurs enfants, perd subitement son mari qui faisait vivre toute la famille.

Alors le fond de l'âme de cette pauvre femme se révèle et parfois on constate que c'est une grande chrétienne. - D'autrefois c'est un père de famille fait prisonnier de guerre pendant plusieurs années ; s'il est fidèle, Dieu se penche vers lui et lui révèle la gran­deur de la famille chrétienne pour laquelle il souffre.

C'est parfois un roi découronné, comme Louis XVI, roi de France, condamné à mort et exécuté pendant la Terreur ; ayant perdu son propre royaume, il dut voir, plus que jamais avant de mourir, la grandeur du royaume de Dieu.

L'Europe entière passe en ce moment par l'épreuve purificatrice, plaise à Dieu que beaucoup le com­prennent : la douleur qui est la chose la plus inutili­sable en apparence, peut devenir féconde par la grâce du Christ. Lui-même a rendu par son amour les souffrances du Calvaire infiniment fructueuses.

Le Saint Père le rappelait ces derniers jours aux médecins catholiques et leur citait ces vers d'un poète français : L'homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît, tant qu'il n'a pas souffert.

Source : Livres-mystiques.com

Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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