Un nouveau clergé : des prêtres de "juste milieu" et des traditionnels

Le Forum Catholique

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Roubine -  2020-07-28 10:52:44

Un nouveau clergé : des prêtres de "juste milieu" et des traditionnels

Dans la dernière Lettre de Paix liturgique : "En France un nouveau clergé arrive : la preuve par les ordinations"

Sur les prêtres de "juste milieu"

"Dans le retour de balancier que nous évoquions, le phénomène que représente la Communauté Saint-Martin est particulièrement significatif en raison de sa croissance numérique, d’une part, mais aussi, d’autre part, du fait de sa très relative amplitude de contestation de l’« esprit du Concile » :

- Quant à la croissance, la Communauté a vu l’ordination de 8 prêtres en 2016, 3 en 2017, 8 en 2018, 9 en 2019, et 11 en 2020. Pour l’année 2021, 26 diacres seront ordonnés prêtres. À la jonction des mondes cléricaux « ordinaire » et « extraordinaire », la Communauté Saint-Martin recrute dans les deux aires. Longtemps, par exemple, le séminaire de Paris a orienté ceux de ses séminaristes qui avaient un profil trop conservateur, au jugement des supérieurs parisiens, vers la Communauté Saint-Martin. Par ailleurs, il apparaît que bien des familles desquelles sont issus les séminaristes d’Evron fréquentent les églises où est célébrée la messe traditionnelle et donnent aussi des séminaristes aux instituts traditionnels. Le caractère plus « intégré » dans le tissu diocésain de la Communauté Saint-Martin par rapport aux communautés traditionnelles, toujours considérées comme un peu marginales, est plus rassurant pour un certain nombre de familles et de candidats au sacerdoce, le champ d’apostolat paroissial leur paraissant aussi plus vaste.

- Mais quant à la contestation de la crise, on se trouve une nouvelle fois, en présence de cette introuvable « troisième voie » destinée à apporter une solution à l’effondrement des vocations et de la pastorale. Beaucoup croyaient l’avoir trouvée, à l’époque de la « génération Jean-Paul II », avec des séminaires classiques comme ceux de Paray-le-Monial, Aix-en-Provence, Ars, où refleurissait, dès le diaconat, comme un signe, le strict habit de clergyman. Ces séminaires identitaires qui sont aujourd’hui désertés et bien oubliés. Moins lié directement aux autorités diocésaines, le « juste milieu » de la Communauté Saint-Martin a plus d’assise que n’en avaient les expériences précédentes. Du clergyman à la soutane. Sans doute une nouvelle étape avant un « retour » franc et massif…

Sur les prêtres traditionnels"

Si les ordinations de la Communauté Saint-Martin représentent cette année 10% des ordinations diocésaines ou quasi diocésaines françaises, les ordinations pour le rite traditionnel représentent 14,5%. A coup sûr, l’apostolat des prêtres traditionnels est bridé par le fait que les évêques et les autorités diocésaines ne leur permettent pas d’intégrer pleinement leur ministère « extraordinaire » à la vie des paroisses ordinaires. Or, les sondages de Paix liturgique ont prouvé de manière continue que la demande par les fidèles des paroisses de la liturgie traditionnelle était très loin d’être satisfaite. Dans une Eglise où l’autorité, généralement, ne fait pas son travail, les fidèles qui veulent résister aux nouveautés doctrinales et cultuelles se déterminent par eux-mêmes, en fonction du sensus fidelium. Du coup se développe dans le domaine religieux un phénomène que l’on retrouve dans le domaine politique : l’offre de l’« établissement » ne correspond pas à la demande de la base. Il est clair que, lorsque les prêtres célébrant la liturgie traditionnelle arriveront à occuper l’espace pastoral qui correspond à ce besoin, leur croissance, déjà notable, sera plus importante encore.
[...]
Et cependant la présence de cette liturgie ancienne, désormais très vivante, très jeune finalement, inquiète. Pierre Vignon, dans Golias Hebdo, revue catholique de gauche extrême, du 16 juillet 2020, un article extrêmement polémique contre la liturgie traditionnelle : « Peut-on passer outre à "Summorum Pontificum" ? Un dérapage pontifical incontrôlé ». L’article se fait l’écho de la véritable campagne que mène en Italie le professeur Andrea Grillo, professeur laïc à l’Université Pontificale Saint-Anselme, et dont nous parlions dans notre Lettre 744 du 4 mai 2020. Son but et celui de ses amis est de faire que la liturgie traditionnelle cesse d’avoir un statut d’exception et qu’elle soit pleinement soumise aux évêques diocésains, d’une part, et la Congrégation pour le Culte divin, d’autre part. En clair, ils demandent une fois de plus qu’elle soit asservie aux évêques, puis anéantie.

L’article de Golias reprend les arguments de fond d’Andrea Grillo : « Les deux formes du rite ne reposent pas sur les mêmes bases théologiques, et la plus ancienne a été remplacée par la nouvelle […]. L’incompatibilité des deux rites est patente : l’une était faite pour un monde qui n’est plus et l’autre a été préparée par des décennies de travaux théologiques et liturgiques pour exister dans un monde nouveau. » Il s’agit, ni plus ni moins, d’exclure (ah ! la bonne vieille excommunication !) ceux qui tiennent au rite ancien. En quoi André Vignon prêche dans le désert, car les hommes d’Eglise, en tout cas ceux de France, n’en n’ont plus la capacité. Mais en quoi aussi il touche au vrai problème : la célébration de la messe traditionnelle se fonde sur le constat doctrinal de la faiblesse intrinsèque du nouveau rite en matière d’expression du sacrifice eucharistique, d’adoration de la présence réelle, de claire manifestation du sacerdoce hiérarchique, entre autres.
[...]
La démarche de Pierre Vignon prouve la grande détresse de la gauche catholique, qui en vient à se recentrer liturgiquement en direction du « juste milieu ». Sauf que c’est en vain qu’on saupoudre la nouvelle liturgie de latin, qu’on l’assaisonne de « dignité » et qu’on l’enveloppe de splendides vêtements de soie. La déficience de fond n’en apparaît que plus cruellement et cette évolution vers une plus belle liturgie habillant magnifiquement le missel de Bugnini fait penser, qu’on nous pardonne ce trait polémique, à l’impeccable liturgie de la Haute Eglise anglicane qui recouvre l’indigent Livre de la prière commune de Cranmer.
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