Une réflexion sur la crise de l'Eglise

Le Forum Catholique

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Signo -  2019-07-26 18:48:10

Une réflexion sur la crise de l'Eglise

Vos interrogations m'inspirent une réflexion approfondie sur l'époque que nous sommes en train de vivre et l'actuel effondrement quasiment complet de l'Eglise.

Le décès du cardinal Ortega nous rappelle une fois de plus la triste réalité qui est celle de l'Eglise aujourd'hui, et qui a été révélée par les multiples scandales de mœurs (pédophilie, homosexualité endémique, abus divers et variés, corruption): si l'on se place à l'échelle de l'Eglise universelle, on est bien obligé de constater qu'une grande majorité de clercs vivent dans la dépravation sous toutes ses formes, et sont infidèles à la promesse de leur ordination. Partout dans l'Eglise, nous ne voyons que trahisons, bassesse, intrigues, décadence, hérésie, malhonnêteté, luxure. Et les fidèles laïcs ne sont pas en reste, hélas. Ce n'est plus l'Eglise de Pierre qui apparaît sous nos yeux, pas même celle du reniement, c'est le visage odieux de l'Eglise de Judas.

Parallèlement à cette situation, nous sommes confrontés à ces discours mielleux, tordus et faux, tenus par des personnalités "bien en vue" dans la hiérarchie ecclésiastique, onctueuses extérieurement, mais en réalité «remplis de toutes sortes d'impuretés», véritables «loups déguisés en brebis», qui dissimulent leurs intentions derrière le masque du libéralisme et du progressisme grimaçant. Ces gens nous disent: la loi morale est trop dure, il faut abaisser les exigences de l'Evangile. Mais ces gens ne semblent pas mesurer jusqu'où nous conduirait la politique qu'ils veulent voir l'Eglise adopter.

Chacun sait aujourd'hui que de nombreux Etats de par le monde sont gangrenés par la corruption de leurs dirigeants. Les premières victimes de cette corruption sont en général les pauvres, les petits, les sans-grade. Le discours libéral que l'on veut répandre aujourd'hui dans l'Eglise consisterait à dire dans ces pays: puisque la corruption est répandue et profondément ancrée, il ne sert à rien de lutter contre elle; il n'y a plus qu'à l'accepter officiellement, à la légaliser. Supprimons l'honnêteté et la probité de la liste des vertus!

Le monde catholique vit depuis plusieurs siècles dans deux illusions majeures.
La première, c'est d'imaginer l'Eglise comme "la communauté des purs", qui serait, du seul fait qu'elle se dit "catholique", moralement au dessus de la majorité païenne.
La deuxième, très répandue chez les fidèles, c'est de s'imaginer que la raison d'être du clergé est de vivre la sainteté à notre place, d'être chrétien à notre place.

Depuis le Moyen-Age et plus encore depuis le Concile de Trente, nous nous sommes enfermés dans cette illusion d'une Eglise triomphante et conquérante, qui allait conquérir le monde par la seule force de la vertu de ses membres. Nous avons cru que la sainteté de l'Eglise avait sa source de notre propre "vertu". L'optimisme béat qui accompagnait le Concile Vatican II, loin de rompre avec ce triomphalisme, n'a fait que prolonger l'illusion.
Les scandales multiples et massifs touchant le clergé qui ont été révélé ces dernières années sont douloureux, et même insoutenables. Ils révèlent une Eglise littéralement asphyxiée et atone sur le plan de la vie intérieure, en état de quasi-mort spirituelle.
Ils ont toutefois le mérite providentiel de nous purifier et de nous guérir de ces deux illusions. La réalité est que l'immense majorité des catholiques (clercs comme laïcs) mènent une vie qui n'est en rien meilleure que celle des païens. Les saints existent, mais ils sont l'exception, une infime minorité. Normalement, aux yeux de Dieu, nul ne pourrait être sauvé.

Des cieux, le Seigneur se penche vers les fils d'Adam
pour voir s'il en est un de sensé, un qui cherche Dieu.

Tous, ils sont dévoyés ; tous ensemble, pervertis :
pas un homme de bien, pas même un seul !


(Ps. 13)

Dans ce cas, comment comprendre la sainteté de l'Eglise? En quoi consiste cette sainteté?

En réalité, il suffit, pour répondre à cette question, de revenir à la doctrine enseignée depuis toujours: il n'y a pas de sainteté en dehors de la sainteté du Christ. C'est ce que l'Eglise enseigne depuis toujours, mais nous l'avions oublié. Ou plus exactement, nous le savions, mais nous avons vécût comme si nous ne le savions pas.

Benoit XVI avait lui-même comparé l'Eglise à la Lune:

La lune resplendit, pourtant sa lumière n'est pas la sienne, mais celle d'un autre. Elle est ténèbre et dans le même temps lumière; tout en étant en elle-même sombre, elle resplendit en vertu d'un autre dont elle reflète la lumière. Précisément pour cette raison, elle symbolise l'Église, laquelle resplendit également, même si, en elle-même, elle est sombre; elle n'est pas lumineuse en vertu de sa lumière propre, mais du vrai soleil, Jésus-Christ, de sorte que, tout en étant seulement terre (la lune n'est rien de plus qu'une autre terre), elle aussi est également en mesure d'éclairer la nuit de notre éloignement de Dieu.

N'est-ce pas une image exacte de l'Eglise? Quiconque l'explore et la creuse avec la sonde spatiale découvre seulement le désert, le sable et la terre, les faiblesses de l'homme, la poussière, les déserts et les hauteurs de l'histoire. Tout cela est sien, mais ne représente pas encore sa réalité spécifique.
Le fait décisif est qu'Elle [l'Eglise], bien qu'étant seulement sable et cailloux, est également lumière en vertu d'un autre, le Seigneur: ce qui n'est pas à elle, est vraiment à elle, et la qualifie plus que toute autre chose, et même sa caractéristique est précisément de ne pas valoir par elle-même, mais seulement pour ce qui, en elle, n'est pas à elle; d'exister dans quelque chose qui lui est extérieur; d'avoir une lumière, qui tout en étant la sienne, constitue toute son essence.

source

Le mystère de l'Eglise ne peut donc jamais être réduit à une communauté purement sociologique. Le mystère de l'Eglise est en réalité le mystère du Christ lui-même. Ce mystère, cette sainteté, se manifeste à travers la doctrine, à travers les sacrements, à travers la sainteté de l'Evangile proclamé, à travers le mystère de la sainte Liturgie.
La modernité est tout entière centrée sur l'individu, sur le «Moi». En témoignent ces néo-liturgies au cours duquel le prêtre "fait la vedette" et se répands en bavardages aussi interminables qu'inutiles. Au contraire, l'esprit de la Tradition, c'est l'individu qui s'efface derrière le Mystère. Et concrètement, derrière l'objectivité du rite qui exprime une réalité qui le dépasse, sur lequel il n'a aucun pouvoir. Les néo-liturgies modernes sous-entendent que le prêtre est nécessairement quelqu'un de sympathique, de génial, d'intéressant. Dans la liturgie traditionnelle, le prêtre sait qu'il est un pécheur, au même titre que tous les autres fidèles. Il n'y a pas de cléricalisme possible dans une Eglise authentiquement et véritablement traditionnelle.

La réalité est que la grâce est un don gratuit du Christ, dans laquelle nous n'avons aucun mérite. Les œuvres bonnes n'ont pour fonction que de laisser le Christ entrer dans notre vie, de prolonger dans la vie concrète la gratuité de ce don de la grâce.
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