L’enseignement des clercs irlandais avait fait, à cette époque [IXe siècle], des progrès étonnants. Cependant, nous avons vu que ce n’était pas là une évolution nouvelle. Bède reconnaît franchement que l’amour des Irlandais pour l’érudition n’était pas une chose nouvelle en son temps. Au surplus on a bien mal compris, même maintenant, combien cette évolution intellectuelle était indépendante de l’art d’écrire. Car l’écriture apparaît plutôt comme un accident dans la longue histoire de l’érudition irlandaise et celtique. En effet, l’histoire littéraire que nous a conservée l’Irlande païenne, avec des textes écrits de date relativement basse ne permet en aucun cas de douter que la littérature hagiographique et l’érudition latine des Irlandais aient été l’épanouissement final de siècles de haute culture à tradition orale, en Gaule tout d’abord, puis dans les pays celtiques occidentaux. Une telle culture était rendue possible par la situation élevée et honorable des filid, lesquels formaient la classe des intellectuels chargés de la formuler et de la transmettre fidèlement.