Pourtant si...

Le Forum Catholique

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Marchenoir -  2018-09-30 19:39:31

Pourtant si...

Le géocentrisme n’était qu’une partie, une composante, du paradigme structuré autour de l’aristotélisme. Sa force était double : d’une part, il était très naturel, il avait une fausse simplicité et, comme vous le faites remarquer, il permettait de rendre compte des phénomènes si l’on s’en tenait à des observations grossières. D’autre part, il était catho-compatible. La théorie des quatre éléments, de leur lieux naturels (la terre – la chair – est attirée vers le centre de la terre, le feu – l’esprit – est attiré vers le ciel), la distinction entre le monde sublunaire, corruptible, et le monde céleste, domaine de la perfection, s’articulaient facilement avec la vision théologique de cette époque. C’est cet ensemble qui prenait l’eau, lentement, mais surement. D’autres liseurs ont évoqué avec raison Nicolas de Cues, on pourrait citer Nicole Oresme ou Regiomontanus. Ce changement était délicat mais il commençait à se faire, en douceur. Nicolas de Cues était cardinal, tout se passait bien. Copernic lui-même n’avait pas pour intention de détruire l’aristotélisme. Il se bornait à constater des contradictions, il n’avait aucune physique à proposer pour replacer celle d’Aristote et il n’était pas loin de penser que son système n’était que provisoire et que d’autres y verraient plus clair. Même certains savants jésuites étaient séduits par le système proposé par Copernic malgré la recommandation de leur constitution qui préconisait la suprématie d’Aristote en philosophie naturelle.

Avec ses lunettes, Galilée mettait à la portée de tous la constatation de contradictions dans la philosophie d’Aristote et il ne fut pas long à comprendre que l’héliocentrisme de Copernic s’accordait mieux avec ses observations, et il avait raison. Le problème est qu’il ne put s’empêcher d’utiliser ses observations pour ridiculiser ses adversaires universitaires et qu’il voulut à lui seul imposer l’héliocentrisme, pour la simple raison que c’était lui qui le disait et que donc les autres étaient de purs imbéciles. Il se constitua ainsi toute une armée d’ennemis prêts à tout pour lui faire mordre la poussière. Dès qu’ils comprirent qu’en l’entraînant dans le domaine de l’interprétation de la bible, ils pourraient le pousser aussi loin qu’ils voulaient, ils ne se firent pas prier.

Encore une fois, le paradoxe est que Galilée avait raison et sa fameuse lettre à Christine de Lorraine n’énonce que des principes d’exégèse justes. Il n’avait juste pas assez de billes. Il aurait dû avoir la sagesse et l’humilité d’attendre que les faits s’accumulent en faveur de l’héliocentrisme, et d’admettre que d’autres que lui auraient définitivement fait basculer la science d’un paradigme à l’autre. Mais non, il voulut la gloire à lui seul et ne supporta pas qu’on oppose le moindre argument.

Je suis donc bien d’accord avec vous, c’est son orgueil qui est à la base de cette histoire. Mais on ne peut passer sous silence l’attitude de plusieurs membres de l’Église qui, en liant inconsidérément la doctrine catholique avec un système physique, crurent l’Église attaquée et menacée lorsque le système subissait des attaques. On peut dire le contraire dans la bonne vieille apologétique à papa, et faire porter le chapeau à Galilée et Galilée seul – et sa responsabilité est grande, certes – mais l’Église a bel et bien freiné l’essor de la science à cette époque. Si Galilée avait tort de vouloir imposer ses arguments sans preuve, l’Église n’avait pas moins tort en condamnant l’héliocentrisme. Elle le fit à cause de Galilée, mais elle le fit tout de même.



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