Les pendules à l’heure

Le Forum Catholique

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Yves Daoudal -  2017-10-24 12:15:57

Les pendules à l’heure

Jean XXII a prononcé à la Toussaint 1331 un sermon où il affirmait que les âmes des défunts ne bénéficiaient pas de la vision béatifique parce qu’il fallait attendre la résurrection pour cela.

Constatant l’émotion soulevée par cette affirmation contredisant toute la tradition, il réunit une masse de preuves, d’« Autorités », à l’appui de ses dires. Et dans son sermon du troisième dimanche de l’Avent, il commence à asséner ses « autorités » tirées de l’Ecriture et des Pères, en 77 paragraphes.

La polémique ne cesse d’enfler, et Jean XXII s’obstine. Il revient sur le sujet dans son sermon de la vigile de l’Epiphanie de 1332, puis à la Chandeleur, puis à l’Annonciation (1332 ou 1333), puis à l’Ascension 1334.

Le 3 janvier 1333, dimanche dans l’octave de Noël, le maître en théologie d’Oxford Thomas Waleys prononce un sermon, à Avignon, où il dénonce l’erreur de Jean XXII. Il envoie le texte au pape avec une note où il souligne que déjà toute l’Eglise est scandalisée par la prédication de cette hérésie et qu’il est prêt à subir toute peine qu’un juge lui imposera. De fait le pape va le mettre en prison, et il n’en sortira que le 14 août 1334 (en liberté conditionnelle) sur pression du roi de France.

En 1333, l’ancien inquisiteur Jacques Fournier, devenu cardinal et proche du pape, et futur Benoît XII, écrit un traité où il reprend le texte des sermons de Jean XXII pour les réfuter point par point.

D’autres traités sont envoyés au pape par divers théologiens, et la polémique est énorme parce que, bien entendu, le pape trouve lui aussi des théologiens courtisans pour conforter son erreur.

En octobre 1333, le roi Philippe VI menace de l’inquisition les prédicateurs de Paris qui ne voudraient pas tenir la vision béatifique pour immédiate. Le pape n’est pas content, mais le roi réunit des maîtres en théologie qui sont unanimes (ils sont 29) à dire, le 2 janvier 1334, que le pape a tort. De son côté, Robert d’Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile, envoie au pape un traité pour lui expliquer qu’il déraille, et son neveu Jean d’Aragon, « patriarche d’Alexandrie », envoie au pape une longue lettre qui commence ainsi : « Que les âmes des saints jouissent dès à présent de la vision bienheureuse, cela se prouve aisément par l’Ecriture – il suffit de la bien lire – et les grands docteurs Grégoire, Augustin et Jérôme, ou autres. »

On lit dans la continuation des chroniques des papes et des empereurs de Bernard Gui : « L’an 1334, le 4e jour de décembre, le pape Jean trépassa en la 19e année de son pontificat, et l’erreur de la vision béatifique, qu’il avait longuement soutenue, il la retira sur son lit de mort, ainsi qu’on l’a dit. »

La bulle de « rétractation » (?), que le pape lit sur son lit de mort, vient de la commission qui examinait la question suite au consistoire réuni par Jean XXII le 28 décembre 1333 et les jours suivants. Le texte ne sera rendu public par Benoît XII que le 17 mars 1335, discrètement, un vendredi de carême. Le « pieux mensonge » qu’il contient permettra aux papolâtres de tous les temps de prétendre que Jean XXII n’a jamais erré.

Il va de soi que les théologiens qui argumentaient contre l’opinion de Jean XXII parlaient d’hérésie, et les plus remontés l’appelaient « l’hérétique de Cahors ». A partir du XVIe siècle on commencera à dire que ce n’était pas une hérésie parce que ce n’était pas encore défini. C’est évidemment jouer avec les mots. Ce n’était pas une hérésie de nier la présence réelle eucharistique avant qu’elle soit définie ?
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