Les douze degrès du silence...

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Diafoirus -  2017-08-25 09:33:48

Les douze degrès du silence...


LES DOUZE DEGRÉS DU SILENCE par sœur Marie-Aimée de Jésus (1839-1874)

La vie intérieure pourrait consister dans ce seul mot : silence !

C’est le silence qui prépare les saints, c’est lui qui les commence, qui les continue, qui les achève. Dieu, qui est éternel, ne dit qu’une seule parole, c’est le Verbe. De même, il serait à désirer que toutes nos paroles expriment Jésus directement ou indirectement. Ce mot : silence, qu’il est beau !

1°) Parler peu aux créatures et beaucoup à Dieu. - Tel est le premier pas, mais indispensable dans les voies solitaires du silence. C’est à cette école que s’enseignent les éléments qui disposent à l’union divine. C’est ici que l’âme étudie et approfondit cette vertu, dans l’esprit de l’Evangile, dans l’esprit de la Règle qu’elle a embrassée, respectant les lieux consacrés, les personnes, et surtout cette langue, où se repose si souvent le Verbe ou la Parole du Père, le Verbe fait chair ! Silence au monde, silence aux nouvelles, silence avec les âmes les plus justes : la voix d’un Ange a troublé Marie...
2°) Silence dans le travail, dans les mouvements. - Silence dans la démarche ; silence des yeux, des oreilles, de la voix ; silence de tout l’être extérieur, préparant l’âme à passer en Dieu. L’âme mérite, autant qu’il est en elle, par ces premiers efforts d’entendre la voix du Seigneur. Que ce premier pas est bien récompensé ! Il l’appelle au désert, et voilà pourquoi, dans ce second état, elle écarte tout ce qui pourrait la distraire ; elle s’éloigne du bruit, elle fuit seule vers celui qui est seul. Là, elle va goûter les prémices de l’union divine et savourer la jalousie de son Dieu. C’est le silence du recueillement, ou le recueillement dans le silence.

3°) Silence de l’imagination. Cette faculté est la première qui va frapper à la porte fermée du jardin de l’Époux ; avec elle, les émotions étrangères, les vagues impressions, les tristesses. Mais dans ce lieu retiré, l’âme va donner au Bien-Aimé des preuves de son amour. Elle présentera à cette puissance qui ne peut être anéantie, les beautés du ciel, les charmes de son Seigneur, les scènes du Calvaire, les perfections de son Dieu. Alors, elle aussi restera dans le silence, elle sera la servante silencieuse de l’Amour divin.

4°) Silence de la mémoire. - Silence au passé... oubli. Il faut saturer cette faculté du souvenir des misèricordes de Dieu... C’est la reconnaissance dans le silence, c’est le silence de l’action de grâces.

5°) Silence aux créatures. – Oh ! misère de notre condition présente ! Souvent l’âme attentive sur elle-même se surprendra conversant intérieurement avec les créatures, répondant en leur nom. Oh ! humiliation qui a fait gémir les saints ! Alors cette âme doit se retirer doucement dans les plus intimes profondeurs de ce lieu caché, où repose la Majesté inaccessible du Saint des saints, et où Jésus, son consolateur et son Dieu, se découvrira à elle, lui révélera ses secrets, et lui fera essayer de la béatitude future. Alors il lui donnera un amer dégoût pour tout ce qui n’est pas lui, et tout ce qui est de la terre cessera peu à peu de la distraire.

6°) Silence du cœur. - Si la langue est muette, si les sens sont dans le calme, si l’imagination, la mémoire, les créatures se taisent et font la solitude, sinon autour, du moins dans l’intime de cette âme d’épouse, le cœur ne fera que peu de bruit. Silence des affections, des antipathies, silence des désirs dans ce qu’ils ont de trop ardent, silence du zèle dans ce qu'il a d’indiscret ; silence de la ferveur dans ce qu’elle a d’exagéré ; silence jusque dans les soupirs ! ... Silence de l’amour dans ce qu’il a d’exalté, non de cette sainte exaltation dont Dieu est l’auteur, mais de celle, où se mêle la nature ! Le silence de l’amour, c'est l’amour dans le silence... C’est le silence devant Dieu, la beauté, la bonté, la perfection !... Silence qui n’a rien de gêné, de forcé ; ce silence ne nuit pas plus à la tendresse, à la vigueur de cet amour, que l’aveu des fautes ne nuit au silence de l’humilité, que le battement des ailes des anges, dont parle le prophète, ne nuit au silence de leur obéissance, que le fiat ne nuisit au silence de Gethsémani, que le Sanctus éternel ne nuit au silence des séraphins !...
Un cœur dans le silence, c’est un cœur de vierge, c’est une mélodie pour le cœur de Dieu ! La lampe se consume sans bruit devant le tabernacle, et l’encens monte en silence jusqu’au trône du Sauveur : tel est le silence de l’amour ! Dans les degrés précédents, le silence était encore la plainte de la terre, dans celui-ci l’âme, à cause de sa pureté, commence à apprendre la première note de ce sacré cantique qui est le chant des cieux.

7°) Silence de la nature, de l’amour-propre. - Silence à la vue de sa corruption, de son incapacité. Silence de l’âme qui se complaît en sa bassesse. Silence aux louanges, à l’estime. Silence devant les mépris, les préférences, les murmures ; c’est le silence de la douceur et de l’humilité. Silence de la nature devant les joies ou les plaisirs. La fleur s’épanouit en silence et son parfum loue en silence 1e créateur – l’âme intérieure doit faire de même. Silence de la nature dans la peine ou la contradiction. Silence dans les jeûnes, les veilles, les fatigues, le froid et le chaud. Silence dans la santé, la maladie, la privation de toutes choses : c’est le silence éloquent de la vraie pauvreté et de la pénitence ; c’est le silence tout aimable de la mort à tout le créé et l’humain. C’est le silence du moi humain dans le vouloir divin. Les frémissements de la nature ne sauraient troubler ce silence, parce qu’il est au-dessus de la nature.

8°) Silence de l’esprit. - Faire taire les pensées inutiles, les pensées agréables, naturelles ; ce sont celles-là seulement qui nuisent au silence de l’esprit, et non la pensée en elle-même qui ne peut pas cesser d’exister. Notre esprit veut la vérité, et nous lui donnons le mensonge ! Or, la vérité essentielle, c’est Dieu ! Dieu suffit à son intelligence divine, et il ne suffit pas à la pauvre intelligence humaine ! Pour ce qui est d’une contemplation de Dieu, soutenue, immédiate cela n’est pas possible dans l’infirmité de la chair, à moins d’un pur don de sa bonté ; mais le silence dans les exercices propres de l’esprit, c’est, par rapport à la foi, se contenter de sa lumière obscure. Silence aux raisonnements subtils qui affaiblissent la volonté et dessèchent l’amour. Silence dans l’intention : pureté, simplicité ; silence aux recherches personnelles ; dans la méditation, silence à la curiosité ; dans l’oraison, silence à ses propres opérations, elles ne font qu’entraver l’œuvre de Dieu. Silence à l’orgueil qui se recherche en tout, partout et toujours ; qui veut du beau, du bien, du sublime ; c’est le silence de la sainte simplicité, du dépouillement total, de la droiture. Un esprit qui combat contre de tels ennemis est semblable à ces anges qui voient sans cesse la Face de Dieu. C’est cette intelligence toujours dans le silence, que le Seigneur élève jusqu’à lui.

9°) Silence du jugement. - Silence quant aux personnes, silence quant aux choses. Ne pas juger, ne pas laisser voir son opinion. N’en pas avoir parfois, c’est-à-dire céder en simplicité, si rien ne s’y oppose par prudence ou charité. C’est le silence de la bienheureuse et sainte enfance, c’est le silence des parfaits, c’est le silence des anges et des archanges, alors qu’ils suivent les ordres de Dieu. C’est le silence du Verbe incarné !
10°) Silence de la volonté. - Le silence aux commandements, le silence aux saintes lois de la règle, ce n’est encore pour ainsi dire que le silence extérieur de la propre volonté. Le Seigneur a quelque chose de plus profond et de plus difficile à nous apprendre : le silence de l’esclave sous les coups de son maître. Mais heureux esclave, car le Maître, c’est Dieu ! Ce silence est celui de la victime sur l’autel, c’est le silence de l’agneau que l’on dépouille de sa toison, c’est le silence dans les ténèbres, silence qui empêche de demander la lumière, au moins celle qui réjouit. C’est le silence dans les angoisses du cœur, dans les douleurs de l’âme ; le silence d’une âme qui s’est vue favorisée par son Dieu, et qui, se sentant repoussée, ne prononce pas même ces mots : Pourquoi ? Jusques à quand ? C’est le silence dans l’abandon, le silence sous la sévérité du regard de Dieu, sous la pesanteur de sa main divine ; le silence sans autre plainte que celle de l’amour. C’est le silence du crucifiement, c’est plus que le silence des martyrs, c’est le silence de l’agonie de Jésus-Christ. Oui, ce silence est son divin silence, et rien n’est comparable à sa voix, rien ne résiste à sa prière, rien n’est plus digne de Dieu que cette sorte de louange dans la douleur, que ce fiat sous le pressoir, que ce silence dans le travail de la mort ! Pendant que cette volonté humble et libre, véritable holocauste d’amour, se brise et se détruit pour la gloire du nom de Dieu, il la transforme en sa volonté divine. Alors, que manque-t-il à sa perfection ? Que faut-il encore pour l’union ? Que faut-il pour l’achèvement du Christ en cette âme ? Deux choses : la première est le dernier soupir de l’être humain ; la deuxième n’est qu’une douce attention au Bien-Aimé dont le baiser divin est l’ineffable récompense.

11°) Silence avec soi-même. - Ne pas se parler intérieurement, ne pas s’écouter, ne pas se plaindre, ni se consoler. En un mot, se taire avec soi-même, s’oublier soi-même, se laisser seule, toute seule avec Dieu ; se fuir, se séparer de soi-même. Voilà le silence le plus difficile, et néanmoins essentiel pour s’unir à Dieu aussi parfaitement que le peut une pauvre créature, qui, avec la grâce, parvient souvent jusque-là, mais s’arrête à ce degré, ne le comprenant pas, et le pratiquant moins encore. C’est le silence du néant. Il est plus héroïque que le silence de la mort.

12°) Silence avec Dieu. - Au commencement, Dieu disait à l’âme : « Parle peu aux créatures et beaucoup avec moi. » Ici, il lui dit : « Ne me parle plus ». Silence avec Dieu, c’est adhérer à Dieu, se présenter, s’exposer devant Dieu, s’offrir à lui, s’anéantir devant lui, l’adorer, l’aimer, l’écouter, l’entendre, se reposer en lui. C’est le silence de l’éternité, c’est l’union de l’âme avec Dieu.

http://www.arfuyen.fr/les-douze-degres-du-silence-2.html

Sœur Marie-Aimée de Jésus (Dorothée Quoniam)

En 1859, le monastère parisien de l’avenue de Saxe accueillait une pauvre orpheline, comblée par Dieu de grâces insignes dès son enfance, Dorothée Quoniam, à qui fut donné le nom de Sœur Marie-Aimée de Jésus. La parution de la Vie de Jésus de Renan éveilla en elle une douleur intense. La jeune moniale se sentit inspirée à écrire pour réfuter ce livre. Son œuvre, Notre Seigneur Jésus-Christ étudié dans le Saint Évangile, connut un succès assez considérable. Elle contient une doctrine sûre et des pensées profondes.
Renaissance du Carmel en France (site du Carmel)


La vie monastique correspondait à ses attraits les plus profonds, en particulier les sept offices journaliers au chœur, la solitude et le silence. Une sœur la vit une fois pendant le temps du silence de midi se tenant debout dans sa cellule, la porte ouverte, et semblant écouter avec attention. Elle lui demanda plus tard ce qu’elle faisait ainsi. Dorothée répondit qu’elle avait écouté le silence. Elle mit par écrit pour cette sœur ce que le silence lui avait révélé. C’est ainsi qu’un petit écrit d’une admirable profondeur sur les Douze degrés du silence vit le jour.
Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein)

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