Pia interpretatio?

Le Forum Catholique

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PEB -  2016-08-19 14:17:19

Pia interpretatio?

AL est un texte pastoral mais non dogmatique. C'est un guide pour "hôpital de campagne."

1) AL 83 : « L’Église « rejette fermement la peine de mort » [Relation finale, 64] »

-> La peine de mort n'est pas un haut fait exaltant mais est l'aboutissement d'un échec. Cette mesure extrême n'est, d'un point de vue chrétien, infligée qu'avec répugnance. Si on peut s'en passer, tant mieux...
De plus, François a bien vu sous la dictature argentine comment cette peine a pu faire de dégâts, même si les exécutions étaient principalement extra-judiciaires.

2) AL 156 : « Il est important d’être clair sur le rejet de toute forme de soumission sexuelle. »

-> La soumission qu'il s'agit n'est pas la joyeuse obéissance où chaque époux s'offre à l'autre dans une oblation d'allégresse. Chaque corps doit être respecté. Le mari doit prendre soin de sa femme et réciproquement. En dehors des liens du mariage, personne n'a à se soumettre à quelqu'esclavage, notamment sexuel.

3) AL 159 : « Saint Paul recommandait la virginité parce qu’il espérait un rapide retour de Jésus-Christ, et il voulait que tous se consacrent seulement à l’évangélisation : « le temps se fait court » (1 Co 7, 29). […] Au lieu de parler de la supériorité de la virginité sous tous ses aspects, il serait plutôt opportun de montrer que les différents états de vie se complètent, de telle manière que l’un peut être plus parfait en un sens, et que l’autre peut l’être d’un autre point de vue. »

-> Il ne s'agit pas de revenir sur la hiérarchie des consécrations virginales et matrimoniales. Cependant, chacun a une vocation qui diffère selon les grâces que la Providence a bien voulu accorder à chacun. C'est ainsi que la vocation excellente des saints époux Louis & Zélie Martin que Dieu avaient préparés l'un pour l'autre a permis l'épanouissement de non moins excellentes vocations religieuses - et non des moindres ! Bref, vu subjectivement, tout le monde n'est pas fait pour le célibat consacré. Et il faut de saintes familles pour que ces dons que Dieu fait à l'Eglise puissent s'épanouir.
Comme dit saint Paul à propos de la diversité des charismes et des organes du corps mystiques... &c.

4) AL 295 : « Saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la ‘‘loi de gradualité’’, conscient que l’être humain « connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance ».[Familiaris consortio, 34] Ce n’est pas une ‘‘gradualité de la loi’’, mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. »

AL 301 : «Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les « valeurs comprises dans la norme » [Familiaris consortio, 33] ou peut se trouver dans des conditions concrètes qui ne lui permettent pas d’agir différemment et de prendre d’autres décisions sans une nouvelle faute. »

-> La vie, c'est compliqué. Au cœur des villas de Buenos Aires ou des favelas de Rio de Janeiro, dans nos quartiers aussi, la famille est parfois tellement déstructurée qu'il faut commencer par le commencement pour en recoller les morceaux. Regardez le film C'est quoi cette famille? (2016) où une vache n'y retrouverait pas son veau.
Ces articles s'adressent en fait aux confesseurs et accompagnateurs spirituels. Le chemin de pénitence et de réconciliation n'est pas toujours évident. Il faut arriver à trouver la centième brebis, à la laisser se faire approcher sans crainte avant que le Seigneur puisse la prendre sur ses épaules.

5) AL 297 : « Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! »

-> Cette admonestation ne concerne que les vivants. Le sort ultime des défunts n'est plus entre nos mains. En revanche, les vivants sont appelés à la conversion et il ne faut pas leur fermer les porte du salut.

6) AL 299 : « J’accueille les considérations de beaucoup de Pères synodaux, qui sont voulu signaler que « les baptisés divorcés et remariés civilement doivent être davantage intégrés dans les communautés chrétiennes selon les diverses façons possibles, en évitant toute occasion de scandale. La logique de l’intégration est la clef de leur accompagnement pastoral, afin que non seulement ils sachent qu’ils appartiennent au Corps du Christ qu’est l’Église, mais qu’ils puissent en avoir une joyeuse et féconde expérience. Ce sont des baptisés, ce sont des frères et des sœurs, l’Esprit Saint déverse en eux des dons et des charismes pour le bien de tous. […] Non seulement ils ne doivent pas se sentir excommuniés, mais ils peuvent vivre et mûrir comme membres vivants de l’Église, la sentant comme une mère qui les accueille toujours, qui s’occupe d’eux avec beaucoup d’affection et qui les encourage sur le chemin de la vie et de l’Évangile. »

-> Les baptisés divorcés et remariés civilement sont toujours membres de l'Eglise. Malgré leur état de péché public, on ne va pas les laisser sans secours. On attend donc des pasteurs un regard bienveillant sur les personnes qui n'exclut pas un (long) travail de vérité. Ce n'est donc pas une raison pour bannir les personnes des groupes de prières (rosaire &c.) ou de charité ainsi que des bancs de la messe dominicale. La bonté et la bienveillance sont nécessaires à l'initiation d'un chemin de pénitence et de miséricorde.

7-8) AL 301 : « il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les « valeurs comprises dans la norme » [Familiaris consortio, 33] ou peut se trouver dans des conditions concrètes qui ne lui permettent pas d’agir différemment et de prendre d’autres décisions sans une nouvelle faute. »

-> Malgré un état de vie irrégulier, la source de grâce sanctifiante ne se tarit pas tout à fait. En tous cas, il ne peut y avoir de conversion si l'Esprit ne coule pas déjà de manière sourde et souterraine avant sa manifestation objective. Et puis, la vie est parfois si tordue qu'il n'y pas de solution décidable en toute bonne foi et qu'il faut se laisser du temps pour débloquer certains obstacles a priori insurmontables.
En revanche, cela ne veut pas dire que le fidèle n'a pas à changer de vie comme le recommande Notre Seigneur. Mais le pasteur doit amener chaque brebis à avancer selon ses forces et à son rythme jusqu'au bercail. Il n'y a pas de bon pédagogue sans bienveillance sur les âmes. Il y a là aussi comme un long travail de sourcier pour retrouver les flots bienfaisants de l'Esprit.

9) AL 303 : « La conscience peut reconnaître non seulement qu’une situation ne répond pas objectivement aux exigences générales de l’Évangile. De même, elle peut reconnaître sincèrement et honnêtement que c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu, et découvrir avec une certaine assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif. »

-> C'est la bienveillance envers les âmes qui peut faire avancer un pas après l'autre le fidèle sous le regard de Dieu. Une personne peut être tellement enfermée dans une structure de péché qu'elle a bien du mal à percevoir la lumière du salut. On ne peut commencer à avancer qu'à partir de là où on est.

10) AL 304 : « Je demande avec insistance que nous nous souvenions toujours d’un enseignement de saint Thomas d’Aquin, et que nous apprenions à l’intégrer dans le discernement pastoral : « Bien que dans les principes généraux, il y ait quelque nécessité, plus on aborde les choses particulières, plus on rencontre de défaillances […]. Dans le domaine de l’action, au contraire, la vérité ou la rectitude pratique n’est pas la même pour tous dans les applications particulières, mais uniquement dans les principes généraux ; et chez ceux pour lesquels la rectitude est identique dans leurs actions propres, elle n’est pas également connue de tous […]. Plus on entre dans les détails, plus les exceptions se multiplient ». [Somme Théologique Ia-IIae, q. 94, a. 4] Certes, les normes générales présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières. »

-> Un pasteur n'est pas un policier ni un juge. Il lui appartient au contraire de redresser ce qui est tordu mais sans tout casser.

[Mon serviteur] ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité.

Is 42, 3
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