“Une œuvre de justice qui économisa du sang”

Le Forum Catholique

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Vianney -  2015-12-30 00:11:15

“Une œuvre de justice qui économisa du sang”

 
C’est par ces mots qu’en réponse aux critiques d’un conférencier anticlérical, l’abbé Jean Desgranges résumait le rôle de l’Inquisition :
Il me reste, Monsieur, à examiner votre dernier trait. La justice inquisitoriale punissait, non pas des actes, mais des opinions, des opinions appelées à devenir, avez-vous ajouté, les idées libératrices de demain.

– Le conférencier. Vous résumez ainsi mon principal grief.

– Écartons les erreurs judiciaires.

– Le conférencier. Aucune juridiction n’en est exempte.

– Je vous concéderai qu’on en a commis de nombreuses en ces temps troublés. Des penseurs clairvoyants se sont heurtés parfois à des inquisiteurs bornés.

– Le conférencier. J’aime à vous l’entendre dire.

– Il me sera agréable, à mon tour, de vous entendre proclamer la vérité de cette appréciation d’ensemble sur la doctrine des Albigeois et des Cathares par un adversaire implacable de l’Église romaine, M. Henri-Charles Léa : “Si leur croyance avait recruté une majorité de fidèles, elle aurait eu pour effet de ramener l’Europe à la sauvagerie des temps primitifs.”

– Le conférencier. La doctrine cathare aboutissait en effet logiquement à la destruction de la famille et au suicide.

– Cette doctrine, nous l’avons poursuivie, non seulement dans les actes criminels qu’elle déclenchait, mais en elle-même. Et c’est sur ce point essentiel que réside notre désaccord. Vous refusez de punir le crime de pensée, vous ne vous attaquez qu’aux actes.

– Le conférencier. Parfaitement.

– Vous partagez la conception moderne de la justice. Il se peut qu’elle convienne mieux à l’état de division des esprits. Je trouve, pour ma part, qu’elle manque d’envergure et de hardiesse.

Elle ne s’attaque plus au cerveau qui commande : elle s’abat sur la main qui exécute.

Que dis-je ! Elle place au Panthéon la dépouille de l’homme dont les écrits ont le plus gravement diffamé nos états-majors, elle traîne au poteau le petit soldat coupable d’avoir insulté son caporal.

Elle décore celui qui, dans ses ouvrages, a sapé le droit de propriété, et elle emprisonne une mère qui a volé un pain pour nourrir son enfant.

Elle comble d’honneurs l’intellectuel révolutionnaire qui est devenu ministre en fomentant des grèves, et elle tire sur le gréviste qui dresse une barricade ou manifeste simplement dans la rue. (Vifs applaudissements).

Vous êtes fier, Monsieur, de cette sorte de justice ? Moi pas ! La justice du Moyen Age était autrement courageuse et noble. Elle frappait à la tête. Elle était moins indulgente aux grands, mais moins dure aux petits. (Applaudissements répétés).

Source : Abbé Jean Desgranges, Vingt ans de conférences contradictoires, tome II, 1923, p. 70-86.
 

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