Identité essentielle/distinction accidentelle

Le Forum Catholique

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N.M. -  2013-04-03 15:09:40

Identité essentielle/distinction accidentelle

Mon cher Ion,

Il n'est nullement dans mon propos de "séparer" le Sacrifice de la Croix et le sacrifice de la messe, mais bien de rappeler que, s'il est essentiellement identique au Sacrifice de la Croix, le sacrifice de la messe en est également accidentellement distinct. A défaut, la double consécration ne serait pas un signe sacramentel.


"Le Concile de Trente fait ressortir nettement deux points au sujet du sacrifice de la messe : d’abord son identité essentielle avec le sacrifice de la Croix, puis sa distinction accidentelle avec ce sacrifice. De ces deux points il résulte que le sacrifice de la messe est un sacrifice relatif et non un sacrifice absolu, indépendant, bien qu’il soit un sacrifice vrai et proprement dit, comme le Concile le définit expressément."

Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, t. II, p. 380 (6e éd., 1947).



Voici le canon tridentin auquel Bartmann fait référence :


"Si quelqu’un dit qu’à la Messe on n’offre pas à Dieu un sacrifice véritable et authentique, ou que cette offrande est uniquement dans le fait que le Christ nous est donné en nourriture, qu’il soit anathème."

Concile de Trente, session XXII, canon 1.



Mais continuons plus avant notre lecture (je terminerai de vous répondre dans un autre message) :


"Différence entre le sacrifice de la messe et le sacrifice de la croix

"Elle ne peut être, d’après ce que nous avons dit, qu’accidentelle et non essentielle. C’est ce qu’enseigne le Concile de Trente, quand il dit qu’il n’y a de différence que dans la « manière d’offrir » et explique avec plus de précision : « Le Christ s’offre par le ministère des prêtres » (sacerdotale ministerium), tandis qu’ « il s’est offert alors par lui-même ». En outre, la première oblation est appelée « oblation sanglante » (oblatio cruenta) ; la seconde, c’est une « oblation non sanglante » (oblatio incruenta : s 22, c 2 et 1).

"Une oblation a donc lieu dans les deux cas ; si elle faisait défaut à la messe, la messe ne serait pas un sacrifice, mais un simple mémorial symbolique. Il lui manquerait l’identité essentielle avec le sacrifice de la croix. Il nous faudra donc démontrer plus loin que, dans la messe, il y a, de quelque manière, un acte sacrifical du Christ. Mais le mode d’oblation est différent.

"[1] Cette différence consiste d’abord en ce que le Christ sur la croix s’offrit seul, sans l’intermédiaire d’un prêtre tenant sa place. [...] Il en est autrement dans le sacrifice de la messe. Il a besoin ici, à cause de son existence sacramentelle, du ministère sacerdotal : seul il [le Christ] ne peut pas du tout se mettre dans l’état de victime. Et alors même que cela serait possible à sa divinité en vertu d’un miracle perpétuel, il veut cependant le ministère d’un prêtre parce que le sacrifice de la messe doit être le sacrifice visible de son épouse l’Église, comme le dit le Concile de Trente. Le Christ s’offre donc à la messe, mais non pas strictement seul comme sur le Croix. Les prêtres de l’Église doivent sacrifier avec lui au nom de toute l’Église. Le sacrifice du Christ est donc aussi le sacrifice de l’Église : « Faites ceci en mémoire de moi ». [...]

"[2] Le Concile de Trente trouve une seconde différence dans ce fait que l’oblation a été la première fois sanglante et qu’à la messe elle est non sanglante. L’oblation sanglante est claire en soi. Il n’en est pas de même de l’oblation non sanglante. On l’appelle non sanglante parce qu’elle ne comporte pas de destruction de vie, pas de douleur. Et cependant c’est une oblation sacrificale. Or, une mise à mort du Seigneur n’est plus possible (Rom., VI, 9). Et même si elle était possible, sa réalisation serait un acte criminel imité des Juifs, bien loin d’être un acte de culte agréable à Dieu. Cependant le Christ a permis à son Église de posséder un vrai sacrifice sans qu’elle ait à commettre un crime envers lui. Il lui a ordonné une oblation non sanglante. L’oblation sanglante n’appartient donc pas à l’essence du sacrifice du Christ : autrement l’oblation ne pourrait pas être différente, comme le dit le Concile de Trente [cad la même oblation quant à l’essence, et une autre oblation quant au mode]. Rien ne doit être changé à l’essence, si la chose doit rester la même en soi.

"À ces deux différences accidentelles que signale le Concile on peut en ajouter quelques autres qu’il mentionne occasionnellement.

"[3] Le sacrifice de la Croix est seul notre sacrifice de Rédemption. Il a été tellement suffisant et efficace qu’il n’a pas besoin d’être complété par un second sacrifice. (cf. t. Ier [Bartmann], p. 436 sq.) Le sacrifice de la messe n’a pas pour but de compléter le sacrifice de la Croix, mais seulement d’en appliquer les fruits aux fidèles. C’est pourquoi le sacrifice de la Croix ne fut offert qu’une fois. (Hébr., VII, 27 ; IX, 12, 28 ; X, 10, 12) « Par une unique oblation (μιἆ γάρ προσϕορἆ) il a procuré pour toujours la perfection à ceux qui sont sanctifiés. » (Hébr., X, 14) Par contre, la messe a été instituée par le Seigneur comme un sacrifice qui doit se perpétuer jusqu’à son retour.

"[4] En outre, le sacrifice de la Croix est uniquement le sacrifice du Christ ; par contre, le sacrifice de la messe est en même temps le sacrifice de l’Église. [...]

"Ainsi on aura indiqué les différences entre le sacrifice de la messe et le sacrifice de la Croix et prouvé en même temps que ce ne sont que des différences accidentelles qui ne peuvent détruire l’identité du sacrifice.

"Néanmoins il résulte du fait de cette distinction qu’on peut, d’une certaine manière, parler de deux sacrifices et les comparer ensemble. Si l’on agit ainsi et que l’on donne à la messe, malgré son identité avec le sacrifice de la Croix, une certaine indépendance, il est tout de suite clair que la messe occupe, par rapport au sacrifice de la Croix, une situation secondaire, car elle en est dépendante. Les théologiens disent que le sacrifice de la Croix est un sacrifice absolu et le sacrifice de la messe un sacrifice relatif. Le sacrifice de la Croix a, à tous égards, son fondement en lui-même ; d’aucun point de vue il ne dépend d’un autre sacrifice, ni dans son être ni dans son opération ; ce qu’il est et doit opérer, il l’est et l’opère de la manière la plus parfaite par lui-même. Par contre, le sacrifice de la messe a son fondement, à tous égards également, dans le sacrifice de la Croix, en tant qu’il reçoit de ce sacrifice la victime et le prêtre sacrificateur, en tant qu’il représente ce sacrifice et en est le mémorial et en tant qu’il en reçoit et en communique les effets.

"Faut-il étendre plus loin encore cette relativité ? C’est là l’objet d’une controverse sur laquelle nous aurons à revenir. Remarquons seulement ici que c’est précisément à cause de sa relativité que le sacrifice de la messe peut être réitéré et que, par contre, le sacrifice de la Croix, à cause de son caractère absolu, ne peut pas être réitéré. À cause de l’identité du sacrifice de la messe et du sacrifice de la Croix, on parle au singulier du sacrifice de la messe et on ne dit pas : les sacrifices de la messe. Il n’y a qu’un sacrifice de la messe. Mais comme les oblations sont distinctes selon les prêtres particuliers, on parle aussi au pluriel des sacrifices de la messe ou mieux des messes. (Cf. aussi Catéch. Rom., p. II, c. 4, q. 74 et 78)."

Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, t. II, pp. 382-384.









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