Celui-là ?

Le Forum Catholique

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Meneau -  2012-10-25 23:00:46

Celui-là ?

Dans l'après-midi du mercredi 7 septembre, Sa Sainteté Pie XII, a reçu en audience, dans la Salle des Bénédictions, les 1.500 personnes présentes au Congrès international des sciences historiques et leur a adressé le discours suivant :


Vous avez voulu, Messieurs, venir en grand nombre Nous rendre visite à l'occasion du dixième Congrès international des sciences historiques ; c'est avec joie que Nous vous accueillons et avec la conviction que cet événement revêt une haute signification : jamais peut-être un groupe aussi distingué de savants historiens ne s'est réuni à Rome, au centre de l'Eglise et dans la demeure du Pape. D'ailleurs, Nous n'avons nullement l'impression de rencontrer des inconnus ou des étrangers. Plusieurs d'entre vous, en effet, se seront trouvés parmi les milliers d'historiens qui ont travaillé à la Bibliothèque ou aux Archives Vaticanes, ouvertes depuis 75 ans exactement. Mais en outre, votre activité de chercheurs ou de professeurs aura donné l'occasion à la plupart d'entre vous, sinon à tous, d'entrer en contact, en quelque manière avec l'Eglise catholique et la Papauté.

Les méthodes modernes ont fait de l'histoire, une véritable science.

Bien que l'histoire soit une science ancienne, il fallut attendre les derniers siècles et le développement de la critique historique pour qu'elle atteignît la perfection où elle se situe maintenant. Grâce à l'exigence rigoureuse de sa méthode et au zèle infatigable de ses spécialistes, vous pouvez vous réjouir de connaître le passé avec plus de détails, de le juger avec plus d'exactitude que n'importe lequel de vos devanciers. Ce fait souligne encore l'importance que Nous attribuons à votre présence en ce lieu.

Relations de l'Eglise catholique avec l'histoire.

L'histoire se range parmi les sciences qui ont avec l'Eglise catholique d'étroites relations. A tel point que Nous n'avons pu vous adresser tantôt Notre salut de bienvenue sans mentionner presque involontairement ce fait. L'Eglise catholique est elle-même un fait historique ; comme une puissante chaîne de montagnes, elle traverse l'histoire des deux derniers millénaires ; quelle que soit l'attitude adoptée à son égard, il est donc impossible de l'éviter. Les jugements que l'on porte sur elle sont très variés ; ils vont de l'acceptation totale au rejet le plus décisif. Mais quel que soit le verdict final de l'historien, dont c'est la tâche de voir et d'exposer — tels qu'ils se sont passés, autant que possible — les faits, les événements et les circonstances, l'Eglise croit pouvoir attendre de lui qu'il s'informe en tous cas de la conscience historique qu'elle a d'elle-même, c'est-à-dire de la manière dont elle se considère comme un fait historique et dont elle considère sa relation à l'histoire humaine.

Ne pas confondre histoire avec historicisme.

Cette conscience, que l'Eglise a d'elle-même, Nous voudrions vous en dire un mot en citant des faits, des circonstances et des conceptions qui Nous paraissent revêtir une signification plus fondamentale.

Pour commencer, Nous voudrions réfuter une objection qui se présente, pour ainsi dire, d'emblée. Le christianisme, disait-on et dit-on encore, prend nécessairement vis-à-vis de l'histoire une position hostile, parce qu'il aperçoit en elle une manifestation du mal et du péché ; catholicisme et historicisme sont des concepts antithétiques. Remarquons d'abord que l'objection ainsi formulée, considère histoire et historicisme comme des concepts équivalents. En cela, elle a tort. Le terme « historicisme » désigne un système philosophique, celui qui n'aperçoit dans toute réalité spirituelle, dans la connaissance du vrai, dans la religion, la moralité et le droit, que changement et évolution, et rejette par conséquent tout ce qui est permanent, éternellement valable etabsolu. Un tel système est assurément inconciliable avec la conception catholique du monde et, en général, avec toute religion qui reconnaît un Dieu personnel.

L'Eglise catholique sait que tous les événements se déroulent selon la volonté ou la permission de la divine Providence et que Dieu atteint dans l'histoire ses objectifs. Comme le grand saint Augustin l'a dit avec une concision toute classique : ce que Dieu se propose, hoc fit, hoc agitur ; etsi paulatim peragiiur, indesi-nenter agitur 2. Dieu est vraiment le Seigneur de l'histoire.

Il n'y a pas d!opposition entre christianisme et histoire.

Cette affirmation répond déjà par elle seule à l'objection mentionnée. Entre le christianisme et l'histoire, on ne découvre aucune opposition au sens où l'histoire ne serait qu'une émanation ou une manifestation du mal. L'Eglise catholique n'a jamais enseigné une telle doctrine. Depuis l'antiquité chrétienne, depuis l'époque patristique, mais tout particulièrement lors du conflit spirituel avec le protestantisme et le jansénisme, elle a pris nettement position pour la nature ; de celle-ci, elle affirme que le péché ne l'a pas corrompue, qu'elle est restée intérieurement intacte, même chez l'homme tombé, que l'homme avant le christianisme et celui qui n'est pas chrétien pouvaient et peuvent poser des actions bonnes et honnêtes, même en faisant abstraction du fait que toute l'humanité, y compris celle d'avant le christianisme, est sous l'influence de la grâce du Christ.

L'Eglise reconnaît volontiers les réalités bonnes et grandes, même si elles existaient avant elle, même hors de son domaine. 5. Augustin sur lequel les opposants s'appuient volontiers en interprétant mal son De Civitate Dei, et qui ne dissimule pas son pessimisme, est lui aussi absolument net. Au tribun et notaire impérial Flavius Marcellinus, à qui il dédia cette grande oeuvre, il écrit en effet : Deus.enim sic ostendit in opulentissimo et prseclaro imperio Romanorum, quantum volèrent civiles etiam sine vera religione virtutes, ut intelligeretur, hac addita, fieri homines cives alterius civitatis, cuius rex ventas, cuius lex caritas, cuius modus seternitas3. Augustin a traduit en ces mots l'opinion constante de l'Eglise.

Les origines, le développement, la mission de l'Eglise sont des faits historiques.

Parlons à présent de l'Eglise elle-même comme fait historique. En même temps qu'elle affirme pleinement son origine divine et son caractère surnaturel, l'Eglise a conscience d'être entrée dans l'humanité comme un fait historique. Son divin fondateur Jésus-Christ est une personnalité historique. Sa vie, sa mort et sa résurrection sont des faits historiques. Il arrive parfois que ceux-là mêmes, qui nient la divinité du Christ, admettent sa résurrection, parce qu'elle est, à leur sens, trop bien attestée historiquement ; qui voudrait la nier, devrait effacer toute l'histoire antique, car aucun de ses faits n'est mieux prouvé que la résurrection du Christ. La mission et le développement de l'Eglise sont des faits historiques. Ici à Rome, il convient de citer saint Pierre et saint Paul : Paul appartient, même d'un point de vue purement historique, aux figures les plus remarquables de l'humanité. En ce qui concerne l'apôtre Pierre et sa position dans l'Eglise du Christ, bien que la preuve monumentale du séjour et de la mort de Pierre à Rome n'ait pas pour la foi catholique une importance essentielle, Nous avons cependant fait exécuter sous la basilique les fouilles bien connues. Leur méthode est approuvée par la critique ; le résultat — la découverte de la tombe de Pierre sous la coupole, juste en-dessous de l'autel papal actuel — fut admis par la grande majorité des critiques, et même les sceptiques les plus sévères furent impressionnés par ce que les fouilles ont mis à jour. D'ailleurs, Nous avons des motifs à croire que les recherches et les études ultérieures permettront d'acquérir encore de nouvelles et précieuses connaissances.

Les origines du christianisme et de l'Eglise catholique sont des faits historiques, prouvés et déterminés dans le temps et dans l'espace. De cela l'Eglise est bien consciente.

Elle sait aussi que sa mission, bien qu'appartenant par sa nature et ses buts propres au domaine religieux et moral, situé dans l'au-delà et l'éternité, pénètre toutefois en plein coeur de l'histoire humaine. Toujours et partout, en s'adaptant sans cesse aux circonstances de lieu et de temps, elle veut modeler, d'après la loi du Christ, les personnes, l'individu et, autant que possible, tous les individus, atteignant aussi par là les fondements moraux de la vie en société. Le but de l'Eglise c'est l'homme, naturellement bon, pénétré, ennobli et fortifié par la vérité et la grâce du Christ.

Sa mission est de faire des hommes, de véritables images de Dieu.

L'Eglise veut faire des hommes « établis dans leur intégrité inviolable comme des images de Dieu ; des hommes fiers de leur dignité personnelle et de leur saine liberté ; des hommes justement jaloux de l'égalité avec leurs semblables en tout ce qui touche le fond le plus intime de la dignité humaine ; des hommes solidement attachés à leur terre et à leur tradition » — voilà quelle est l'intention de l'Eglise telle que Nous l'avons formulée dans Notre allocution du 20 février 1946, à l'occasion de l'imposition de la barrette aux nouveaux Cardinaux 4. Nous ajoutons : au siècle présent comme au siècle passé, où les problèmes de la famille, de la société, de l'Etat, de l'ordre social ont acquis une importance toujours croissante et même capitale, l'Eglise a tout mis en oeuvre pour contribuer à la solution de ces questions et, croyons-Nous, avec quelque succès. L'Eglise se persuade cependant qu'elle ne peut y travailler plus efficacement qu'en continuant à former les hommes de la manière que Nous avons décrite.

Pour atteindre ces buts, l'Eglise n'agit pas seulement comme un système idéologique. Sans doute, la définit-on aussi comme telle, quand on utilise l'expression « catholicisme », qui ne lui est ni habituelle ni pleinement adéquate. Elle est bien plus qu'un simple système idéologique ; elle est une réalité comme la nature visible, comme le peuple ou l'Etat. Elle est un organisme bien vivant avec sa finalité, son principe de vie propres. Immuable dans la constitution et la structure que son divin fondateur lui-même lui a données, elle a accepté et accepte les éléments dont elle a besoin ou qu'elle juge utiles à son développement et à son action : hommes et institutions humaines, inspirations philosophiques et culturelles, forces politiques et idées ou institutions sociales, principes et activités. Aussi l'Eglise, en s'étendant dans le monde entier a-t-elle subi au cours des siècles divers changements, mais, dans son essence, elle est toujours restée identique à elle-même, parce que la multitude d'éléments qu'elle a reçus, fut dès le début constamment assujettie à la même foi fondamentale. L'Eglise pouvait être très vaste, elle pouvait aussi se montrer inflexiblement sévère. Si l'on considère l'ensemble de son histoire, on voit qu'elle fut l'une et l'autre, avec un instinct sûr de ce qui convenait aux différents peuples et à toute l'humanité. Aussi a-t-elle rejeté tous les mouvements trop naturalistes, contaminés en quelque façon par l'esprit de licence morale, mais aussi les tendances gnostiques, faussement spiritualistes et puritaines. L'histoire du droit canon, jusqu'au Code actuellement en vigueur, en fournit bon nombre de preuves significatives. Prenez, par exemple, la législation ecolésiastique du mariage et les récentes déclarations pontificales sur les questions de la société conjugale et de la famille dans tous leurs aspects. Vous y trouverez un exemple, parmi beaucoup d'autres, de la manière dont l'Eglise pense et travaille.

Egh'se a le droit d'intervenir dans la vie publique.

En vertu d'un principe analogue, elle est intervenue régulièrement dans le domaine de la vie publique, pour garantir le juste équilibre entre devoir et obligation d'un côté, droit et liberté de l'autre. L'autorité politique n'a jamais disposé d'un avoué plus digne de confiance que l'Eglise catholique ; car l'Eglise fonde l'autorité de l'Etat sur la volonté du Créateur, sur le commandement de Dieu. Assurément, parce qu'elle attribue à l'autorité publique une valeur religieuse, l'Eglise s'est opposée à l'arbitraire de l'Etat, à la tyrannie sous toutes ses formes. Notre prédécesseur Léon XIII dans son encyclique Immortale Dei du 1er novembre 1885 a écrit : Rêvera quse res in civitate plurium ad com-munem salutem possunt : quee sunt contra licentiam principum populo maie consulentium utiliter instituts : quse summam rem-publicam vêtant in municipalem, vel domesticam rem importu-nius invadere : qum valent ad decus, ad personam hominis, ad sequabilitatem iuris in singulis civibus conservandam, oerum re-rum omnium Ecclesiam catholicam vel inventricem, vel auspicem, vel custodem semper fuisse, superiorum setatum monumenta testantur 5. Lorsque Léon XIII écrivait ces paroles, il y a septante ans, le regard tourné vers le passé, il ne pouvait pas deviner à quelle épreuve l'avenir immédiat allait les mettre. Aujourd'hui Nous croyons pouvoir dire que l'Eglise pendant ces septante années s'est montrée fidèle à son passé, et même que les affirmations de Léon XIII ont été depuis lors largement dépassées.




La suite là. A un moment il semble y avoir un trou dans la retranscription.

Cordialement
Meneau
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