J'explique pour M. l'abbé de Tanouarn

Le Forum Catholique

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John L -  2012-05-11 12:37:22

J'explique pour M. l'abbé de Tanouarn

Sur son blog, M. l'abbé de Tanouarn nous livre ses réflexions sur la visite canonique de l'IBP, et pose quelques questions la-dessus. Je les reproduis avant d'essayer de répondre à ses questions:


“ Je crois que, en particulier depuis que mons. Pozzo (et le cardinal Levada) ont remplacé le cardinal Castrillon Hoyos à la tête de la Commission Ecclesia Dei, on assiste à une lente prise de conscience de l’importance du problème doctrinal qui existe tout de même entre Rome et la FSSPX (et dans une moindre mesure entre Rome et l’IBP).

Quel est ce problème ? La reconnaissance de la légitimité de l’Eglise issue du Concile, du rite qu’elle célèbre et du catéchisme qu’elle enseigne. Comment peut-on être effectivement membre de l’Eglise catholique si l’on refuse en principe comme étant non-catholique, la forme rénovée du rite romain qu’elle célèbre ? Ou bien comment peut-on maintenir qu’il n’est jamais possible d’y assister, alors même qu’il s’agit d’un rite catholique et qu’on le reconnaît comme tel ? Il y a là une double incohérence qui compromet gravement l’intégration des traditionalistes dans l’Eglise et les fruits que doit porter cette intégration.

Il ne s’agit donc pas un instant pour la Commission Ecclesia Dei d’empêcher que l’IBP ne possède « comme rite propre » le rite traditionnel. Il ne s’agit pas non plus de lui interdire toute critique du rite rénové ou du Concile. Il s’agit de faire en sorte que, selon la formule de Cajétan, l’Institut du Bon Pasteur puisse « agir comme une partie dans l’Eglise » et non cultiver un esprit qui, quelles que soient les intentions, serait de facto schismatique. Pour agir comme une partie dans l’Eglise, l’Institut, nous dit-on, doit former ses séminaristes avec le Catéchisme de l’Eglise Catholique et doit jouir de son rite propre sans lancer l’anathème sur la nouvelle forme du rite romain (qu'elle garde néanmoins le droit et le devoir de critiquer). Est-ce trop demander ? Il me semble que c’est le minimum…”




1. Comme remarque préalable, il faut souligner qu'il n'a pas d' 'Eglise issue du Concile'. L'Église a fait le concile Vatican II, comme tous les autres conciles, elle n'en est pas le produit. Sans doute M. l'abbé de Tanouarn me répondra que ce n'est pas là le sens qu'il donne à cette expression. Elle est néanmoins malheureuse, suggérant que le concile Vatican II est le règle suprême pour l' Église, au lieu d'être une composante secondaire (puisque non infaillible) de son enseignement et de sa tradition.



2. M. l'abbé de Tanouarn demande 'Comment peut-on être effectivement membre de l’Eglise catholique si l’on refuse en principe comme étant non-catholique, la forme rénovée du rite romain qu’elle célèbre?' En effet, un refus du rite romain n'est pas possible pour qui veut rester membre de l'Eglise catholique. Mais comme tout le monde le sait, ce sont les innovations de la messe de Paul VI qui sont rejettés par la FSSPX, non pas le rite romain en soi, ni les éléments de cette messe qui remontent à la tradition liturgique antérieure. Ces innovations furent introduites par un seul pape dans une seule acte, Missale Romanum de 1970. Il est bien permis pour un catholique de critiquer un tel acte; nous avons ici l'exemple du cardinal Ottaviani, comme le souligne M. l'abbé Carusi.

Des autorités importantes ont soutenu que ces innovations sont si profondes qu'on ne peut pas qualifier la messe de Paul VI comme étant une forme du rite romain. On peut citer Klaus Gamber, Joseph Gélineau, et Louis Bouyer à cet égard. Il est donc légitime de nier qu'il s'agit d'un rite catholique quand on offre une critique de la messe de Paul VI, et donc de nier qu'une critique et même un refus total de la messe de Paul VI porte atteinte au rite romain. La FSSPX cependant ne prend pas cette position, et elle accepte la validité et la licéité de la messe de Paul VI. Il n'y a donc strictement rien d'inacceptable, de téméraire, ou même d'excessive dans la position de la fraternité sur les questions liturgiques.


3. Est-ce que c'est trop de demander que l'IBP forme ses séminaristes sur le catéchisme de l'Eglise Catholique?
Avec cette demande, Mgr. Pozzo et la commission Ecclesia Dei font preuve d'une profonde manque de sérieux. Un catéchisme est un outil éducatif qui sert à instruire les fidèles dans les bases de la foi. Il n'a pas en soi une autorité théologique (ce qui fut reconnu par le cardinal Ratzinger au moment de la promulgation du catéchisme de l'Eglise Catholique), et il ne s'exprime pas dans la manière propre à la théologie (une manière qui frustrerait tout à fait son but éducatif). Il est donc peu utile pour la formation théologique, et on ne peut pas s'en servir comme base de cette formation. Les bases propres à une formation théologique sont bien décrites par le concile Vatican II dans le décret Optatam Totius:


“16. Les disciplines théologiques seront enseignées à la lumière de la foi, sous la conduite du Magistère de l’Église, de telle façon que les séminaristes puisent avec soin dans la Révélation divine la doctrine catholique, qu’ils la pénètrent à fond, qu’ils en fassent la nourriture de leur propre vie spirituelle et qu’ils puissent au cours de leur ministère sacerdotal l’annoncer, l’exposer et la défendre.
On mettra un soin particulier à enseigner aux séminaristes l’Écriture sainte, qui doit être comme l’âme de toute la théologie. Après une introduction convenable, on les initiera soigneusement à la méthode de l’exégèse, ils étudieront les grands thèmes de la Révélation divine et ils recevront stimulant et aliment de la lecture et de la méditation quotidiennes des Livres saints.
La théologie dogmatique sera exposée selon un plan qui propose en premier lieu les thèmes bibliques eux-mêmes. On montrera aussi aux séminaristes l’apport des Pères d’Orient et d’Occident pour une transmission et un approfondissement fidèles de chacune des vérités de la Révélation. On fera de même pour la suite de l’histoire du dogme, en tenant compte également de sa relation avec l’histoire générale de l’Église. Puis pour mettre en lumière, autant qu’il est possible, les mystères du salut, ils apprendront à les pénétrer plus à fond, et à en percevoir la cohérence, par un travail spéculatif, avec saint Thomas pour maître.”

Il est bien connu que Mgr. Lefebvre a suivi Optatam Totius en construisant la programme de formation de ses séminaristes. L'IBP ne pourrait pas faire mieux.

Suite à ces réponses, j'ai moi-même une question à poser; M. l'abbé de Tanouarn pourrait-il expliquer le problème doctrinal que soulève, selon lui, la position de M. l'abbé Carusi sur la critique de la messe de Paul VI par l'IBP, et sur le refus du catéchisme de l'Eglise catholique comme base de formation pour leurs séminaristes?
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