"Des difficultés de l’ultramontanisme conciliaire" par Jean-Pierre Maugendre

Le Forum Catholique

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Michel Jacques -  2011-11-19 16:29:19

"Des difficultés de l’ultramontanisme conciliaire" par Jean-Pierre Maugendre

«Roma locuta est. Causa finita est», Rome a parlé, la cause est entendue. Bien malheureusement, la fameuse sentence augustinienne est aujourd’hui devenue d’un usage plus délicat. C’est ainsi que le 24 octobre dernier, la commission pontificale Justice et paix rendait public un document sur la crise financière actuelle en appelant, entre autres considérations, à une «autorité publique à compétence universelle». La novation était de taille, en particulier par rapport à l’enseignement de l’encyclique Caritas in veritate. Cependant, incontestablement, ce document venait de Rome.

La tradition journalistique ultramontaine qui fut celle de l’Univers de Louis Veuillot ou de La pensée Catholique de l’abbé Luc Lefèvre étant aujourd’hui essentiellement représentée en France par le mensuel La Nef et le bi-mensuel l’Homme Nouveau, l’éditorial de Philippe Maxence sur le sujet (Homme Nouveau n° 1504) était pour le moins circonspect : «Etrangement, constatant l’échec des superstructures mondiales, Justice et Paix appelle à encore plus de mondialisation, certes tempérée par la subsidiarité». En revanche La Nef ne tarit pas d’éloges sous la plume de Christophe Geffroy : «Voilà un bien beau programme dont les «réalistes» de tout poil ne manqueront pas de moquer le caractère «utopique» comme souvent face à l’audace du vrai christianisme» et sous celle de Jacques de Guillebon : «Rome parle. Et quand Rome parle, c’est la voix de l’univers que l’on entend, une voix dans la tessiture de laquelle les pauvres forment le chœur dominant. (…) texte révolutionnaire (…). Christophe Geffroy dans son éditorial revient avec précision, minutie et intelligence sur l’essentiel du propos… Pour nous, en tant qu’il combat ces deux erreurs de la modernité (le libéralisme et l’Etat fort), ce texte nous convient parfaitement.» Voilà qui vous a le panache d’un zouave pontifical à la bataille de Castelfidardo.

Patatras ! Le 4 novembre, le cardinal secrétaire d’Etat Bertone convoquait au Vatican une réunion désavouant le document et ordonnant que désormais tous les textes publiés par la curie romaine lui soient soumis avant publication. Le même jour, dans l’Osservatore Romano, son éditorialiste économique Ettore Gotti Tedeschi taillait en pièces le document du conseil pontifical Justice et Paix.

À trop vouloir concilier les contraires on finit généralement par se prendre les pieds dans le tapis. Dur, dur d’être le dernier grognard du Concile et de vouloir appliquer la grille de lecture de l’herméneutique de la continuité aux moindres écrits et rescrits romains. C’est le même zèle qui conduit le père Basile, toujours dans La Nef, à justifier Assise I au moment où Benoît XVI éprouve justement le besoin de le corriger. «Au niveau prudentiel, on peut estimer qu’il y a eu des bavures sous Jean-Paul II, et on peut aussi se demander si le public a été suffisamment informé et averti du sens exact et de la justification morale d’une telle coopération à la prière des frères en humanité engagés dans des religions mêlées de beaucoup d’erreurs» écrit le moine bénédictin du Barroux. L’exposition de la statue de Bouddha sur l’autel de l’église Saint-Pierre d’où avait au préalable été retiré le Saint-Sacrement devient ainsi une simple «bavure». Notre Seigneur Jésus-Christ est chassé d’une église qui a été construite pour célébrer Son culte et est remplacé par une idole et cela dans l’indifférence générale. On croit rêver ! Quant au «public insuffisamment informé et averti», l’argument commence à être éculé sous la plume des mêmes qui nous expliquent que, cinquante ans après le concile, ce dernier n’a toujours pas été compris ni appliqué. S’il faut cinquante années pour comprendre un texte, au XXe siècle, c’est qu’il y a clairement une difficulté majeure dans l’énoncé même de ce texte. Il n’a pas fallu cinquante années au concile de Trente pour produire ses bons fruits.

L’ultramontanisme est une variante contemporaine de la légitime romanité de toute intelligence catholique : il n’interdit pas l’exercice de l’esprit critique dans la fidélité à la Tradition de l’Eglise.

Jean-Pierre Maugendre, le 17 novembre 2011
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