Retour et réponses à propos de la polémique entre nous autour de la pièce de Castullecci.

Le Forum Catholique

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Abbé PH -  2011-11-01 23:34:21

Retour et réponses à propos de la polémique entre nous autour de la pièce de Castullecci.

Depuis mon premier post de samedi soir, j’ai reçu des centaines de messages d’insulte pour certains, de remerciement ou d’encouragement pour d’autres. J’ai été très touché de certains messages, de jeunes en particulier, FSSPX ou Ecclesia Dei, me disant : « Je ne suis pas d’accord avec vous, j’ai manifesté contre la pièce, mais je veux comprendre, rencontrons-nous, parlons-en ».

J’ai répondu à beaucoup, j’ai rencontré certains, j’ai échangé longuement avec d’autres.
A la suite de ces discussions, je voudrais revenir sur certains points :

1) Je demande avant tout pardon à ceux qui auraient pu être blessés dans un premier temps par ma prise de parole. Dieu sait que mon intention a toujours été de chercher à servir la vérité, persuadé que tout combat légitime doit se fonder sur elle, quoiqu’il en coûte. Je comprends pourtant que ceux qui se sont engagés avec leur foi, leur sincérité et leur courage dans cette mobilisation puissent être déçus, ou heurtés qu’un prêtre remette en cause, en apparence, leur engagement. Ceux qui me connaissent, ou qui m’ont rencontré depuis, savent combien j’admire, comme je l’ai écrit, la générosité de ces jeunes. C’est parce qu’ils sont précieux qu’on se doit de réfléchir à ce qu’on leur demande et propose de faire, sans craindre de se remettre en cause. Il serait aussi absurde de penser que je puisse avoir une quelconque sympathie complice pour ceux qui les présentent comme des talibans dans les médias, ou pour la sévérité de la répression qui a pu s’exercer contre certains.

2) Je retire le terme « manipulés » ou « instrumentalisés » que j’ai utilisé en parlant de ces jeunes. Ce n’était pas rigoureux intellectuellement de ma part d’émettre à chaud un tel jugement, qui laisse planer un doute sur l’honnêteté intellectuelle de ceux qui ont mené cette mobilisation, sans que je les connaisse personnellement, et alors que Dieu seul connaît les intentions réelles de chacun.

Mais de même, je revendique qu’on ne mette pas en cause ma propre honnêteté, comme certains l’ont fait de façon odieuse. Je peux me tromper, on peut l’affirmer si on le pense, mais cela ne veut pas dire que j’ai agi « malicieusement ». Je pense que j’avais plus à perdre qu’à gagner d’oser prendre la parole à contre-courant sur ce sujet. Bref, nous avons tous à apprendre, moi le premier, à débattre entre nous, sans nous soupçonner.

3) J’ai vu la pièce telle qu’elle a été présentée le samedi 29 octobre. J’ai jugé sur ces faits. Je ne suis pas le seul à dire que l’intention blasphématoire de l’auteur n’est pas évidente dans ce que j’ai vu ce soir là. Et qu’on pouvait même en faire une lecture chrétienne. On m’a dit que c’était justement cette ambiguïté qui était mauvaise. Tant sur scène que dans les propos de l’auteur. Soit. Mais c’est reconnaître que les choses ne semblent pas aussi immédiates et simples que pour Golgotha Picnic, par exemple ( son auteur revendiquant pour le coup explicitement son anti-christianisme ). Et donc qu’il peut y avoir discussion.

On m'a expliqué, que des passages ont été enlevés, pour des raisons que seul le metteur en scène pourrait donner. On me dit que c’est sans doute grâce à la mobilisation. Si cela est vérifié, je ne peux que m’en réjouir. Il me semble nécessaire d’être rigoureux sur ce qui est joué, ce qui est réellement montré, et ce qui ne l’est plus. Il me paraît aussi urgent, même si je ne suis pas bien compétent pour cela, d’entreprendre avec l’aide de théologiens, de philosophes et d’artistes une réflexion sur l’art et son rapport à la foi, sur le blasphème, sur la représentation de Dieu, dans un monde qui n’est plus ou ne se veut plus chrétien.

4) Je ne canonise pas Castellucci et ne nie pas la responsabilité des artistes en règle générale. Tout ne doit pas être possible, sous prétexte de liberté d’expression, dans une société qui a besoin de retrouver la notion de respect pour que nous puissions vivre ensemble tout simplement. Il y a là aussi une réflexion à engager, dans un dialogue que je crois possible avec le monde de la culture, des médias et de la politique.

5) La violence de certains propos, ou de certaines réactions, peut s’expliquer par la colère ou l’incompréhension. Mais celles-ci ne peuvent cependant justifier certains propos ou accusations qu’ont subi ceux qui se démarquaient, plus ou moins adroitement, du discours majoritaire dans le milieu « catholique traditionnel ». On ne peut défendre « l’honneur de Jésus Christ » et traiter de « salope » une mère de famille, ou de « collabo » un prêtre, avec lesquels on n'est pas d’accord, oubliant qu’on partage à priori avec eux la même foi, même si on diverge sur les moyens de la vivre ou de la défendre. Cette violence pose quand même réellement question, et risque fort de se retourner contre « la cause » défendue. Elle en a choqué profondément beaucoup, y compris de ceux qui n’étaient pas d’accord avec moi. Encore une fois, être persuadé de participer au bon combat ne légitime pas tout.

6) Il faut maintenant avancer. La remise en cause que j’ai pu susciter, avec d’autres, même s'il ne faut pas en exagérer la portée, servira plus qu’elle ne risque de desservir les combats futurs. En effet, les réactions de chacun nous stimulent à approfondir notre réflexion sur la façon d’être chrétiens dans ce monde, tel qu’il est et non tel que nous pourrions le rêver.
Ces échanges nous amènent à mûrir les moyens qu’il nous semble opportuns, justes … et tout simplement chrétiens, d’exprimer notre exigence de respect pour Celui qui n’est pas simplement « un concept » à nos yeux, mais bien notre Dieu, notre raison de vivre. Il nous faudra ensemble continuer ce discernement, pour parvenir à offrir un témoignage juste et unifié, qui ne puisse être caricaturé.

Abbé Pierre-Hervé Grosjean +
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=613734