objectivité dans la mesure du possible

Le Forum Catholique

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Luc Perrin -  2011-04-03 17:36:06

objectivité dans la mesure du possible

sachant que l'interprétation est forcément teintée de subjectivité.

Vos deux arguments "massue" me semble très peu convaincants.
- la chute du Mur de Berlin ? C'est une scie qu'on entend certes mais démontrée par rien. On ne voit d'ailleurs pas comment la RDA athée et protestante, où le catholicisme était faible et plutôt tiède comme en Hongrie, aurait pu être influencée directement par Jean-Paul II.

A l'Est, l'influence du pape vaut pour la Pologne, cela oui. Les spécialistes pensent que l'URSS a surtout implosé et qu'au moins Reagan et sa course avec les Soviétiques dans la Guerre des étoiles a eu une part importante. Faire du pape polonais le moteur de la fin du communisme en Europe est une billevesée. Il y a eu sa modeste part.

- la lutte contre l'avortement - au-delà le combat pour la vie - n'est pas une spécificité de Jean-Paul II. Paul VI a fait de même auparavant. Ce qui a frappé les esprits, c'est l'énergie déployée par le pape sur ce sujet alors que les épiscopats d'Europe de l'Ouest (et dans une moindre mesure des USA) étaient à cette époque très en retrait, à la recherche d'un discours ménageant le libéralisme.
Quel est le bilan ? C'est là qu'il faut poursuivre l'analyse pour mesure l'efficacité du pontificat : en Amérique du Nord, oui Jean-Paul II a changé la donne largement là où il a pu changer l'épiscopat. En revanche, on l'a vu encore récemment, dans les congrégations religieuses où il n'est pas intervenu vraiment, les compromissions des années de plomb demeurent.
En Europe de l'Ouest, on est toujours très en retrait : les polémiques autour du cas brésilien de 2009 l'ont démontré.

Sur presque tous les domaines, c'est le même bilan mitigé qui s'impose. Des progrès ici, des reculs là, une impuissance à obtenir de vrais changements dans de très nombreux dossiers.
Quelques exemples de cette impuissance de Jean-Paul II :
- relance des nouveaux mouvements oui mais gros écueil de la direction des Légionnaires du Christ, incapacité à réussir la rénovation des congrégations et ordres anciens, l'échec jésuite étant le plus flagrant
- incapacité à enrayer, en dépit d'une pléthore de textes, l'anarchie néo-liturgique. Même là où il y a eu le plus d'efforts - révision des traductions anglaises - le combat romain commence dans la décennie 1990 et, en 2005, rien n'était encore obtenu. Ce n'est que cette année que la nouvelle traduction doit, en principe, être appliquée.
- la rénovation de la catéchèse et de l'enseignement supérieur catholique fut un axe majeur de ce pontificat. Beaucoup a été fait (le Catéchisme de l'Église catholique 1992, Ex Corde Ecclesia 1990) pourtant dans les faits, a-t-on substantiellement progressé ? Ces deux questions restent sur la table en 2011.

La liste serait longue, chaque fois en demie teinte : un ou deux pas en avant ici, un ou deux pas en arrière là ou un statu quo à peine entamé sous l'écorce. S'il a activement lutté contre l'infiltration de la pensée marxiste, avec succès dans l'ensemble, il a en revanche laissé s'étendre la gangrène du syncrétisme interreligieux (cf. le bilan des rencontres d'Assise), tout en essayant de rectifier le tir avec Dominus Iesus (2000) mais, comme Benoît XVI d'ailleurs, sans chercher vraiment à obtenir une réception en profondeur de ce texte majeur, le plus souvent entièrement méconnu du clergé, de l'épiscopat et des fidèles.

On a accolé l'étiquette dans les années 1980 de pape de la "restauration" à Jean-Paul II : l'image n'est que partielle. S'il a incontestablement donné des impulsions fortes et positives, le suivi en actes n'a pas toujours été à la hauteur, certains gestes ont généré de la confusion, la crise liée à la néo-liturgie a été plutôt sous-estimée, le choix des hommes à la Curie est à l'image de cela mi figue mi raisin. Il est aisé de prendre la mesure des insuffisances de la "restauration" wojtylienne, si le catholicisme était en bonne santé aujourd'hui, cela se saurait.
Maintenant, c'est sans doute ce qui est en cause dans la béatification, l'exemple de chrétien donné par l'homme Karol Wojtyla est lui difficilement critiquable et digne d'éloge et d'admiration.
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