Chers amis,

L’internet est un phénomène de société passionnant. A vous lire depuis des mois, j’ai fini par céder à la … proposition d’exprimer un avis de l’intérieur. Il est difficile de vous communiquer ce que six années de séminaire peuvent apporter de connaissance sur les habitudes ecclésiastiques. Veuillez peut-être lire plus attentivement les réflexions d’un prêtre puisque la boîte de Pandore, l’armoire aux secrets ecclésiastiques ont eu le malheur d’être ouvertes.
Puisque dans ce forum le ton est assez franc et que le fait d’être prêtre n’empêche pas l’attaque poussée et peu amène, je suppose qu’un jour je recevrai cette remarque bien envoyée : « Qu’est-ce qu’un prêtre vient faire ici ? Il a bien d’autres choses à faire que de s’amuser sur un forum. » A cela je répondrai que c’est pour essayer de faire mieux comprendre une crise qui prend ses racines dans le combat difficile de la vérité et de l’erreur, au milieu des excès de toute sorte.

Je sais bien que mon intervention sera limitée car, finalement, encore peu de personnes ont internet. Ce genre de forum est un microcosme un peu artificiel où des personnes assez jeunes et surinformées passent beaucoup de temps.
Toutefois, on ne peut nier que la société suit ceux qui ont le plus d’initiative. Le monde moderne est fondé sur une information surabondante qui monopolise l’attention de tous, et finalement, ce sont les professionnels de la communication qui vont orienter l’opinion publique, qui vont décider, diriger. Vous qui avez un ordinateur, sans doute avec l’ADSL, vous faites partie de ces personnes qui sont tellement curieuses de nature qu’elles sont l’objet d’une grande attention de la part de nos dirigeants. Le net peut finalement permettre à certains d’échapper à la pensée unique du monde tel que Notre-Seigneur l’a condamné, il pourra être un certain relais pour ce qui pensent encore et veulent débattre.

De fait, malgré les idées reçues, l’Eglise a toujours accepté le débat contradictoire. Le fidéisme a été condamné. Cette doctrine refuse la joute théologique, la raison servante active de la foi, pour rendre compte de notre espérance. Le fidéisme est la mort de l’intelligence.
Les modernistes ont profité du débat théologique, mais armés de moyens financiers pour diffuser leur pensée et ayant atteint des postes de commandement, ils ont interdit finalement le débat et ont utilisé l’ostracisme. Les sanctions ecclésiastiques qui, habituellement n’intervenaient qu’après une charitable patience (Luther a été condamné après trois ans de discussion), ont été une arme redoutable pour jeter le discrédit sur les catholiques perplexes.
Sur des forum comme le vôtre, il y a un peu (beaucoup) de cette liberté moderne : liberté de s’exprimer, liberté de ton, liberté de … . Aussi, ceux qui s’insurgent contre ce qui peut être divulgué ici sont de bien mauvais joueurs. Qu’ils changent alors de cours de récréation. Qu’ils ne pratiquent pas l’insulte. En effet ils parasitent alors une occasion d’utiliser cette liberté de ton pour pousser chacun et chacune dans les retranchements de sa sincérité. Le pseudonyme lui-même, bien que ludique et toujours un peu lâche (que les grands censeurs du Forum donnent leur nom de famille s’ils ne sont pas d’accord, ou qu’ils soient plus respectueux et crachent moins dans la soupe), le pseudonyme lui-même donc est une occasion supplémentaire d’obtenir cette sincérité complète.

MAIS AU FAIT !!!

Les chrétiens sont la lumière du monde, ils croient ce que Dieu a révélé de par le don gratuit de la foi. L’âme peut être préparée de manière plus ou moins prochaine à cette grâce, mais elle reste gratuite et non méritée en justice. Elle peut être méritée indirectement par nos bonnes œuvres, par les mérites d’autrui, mais essentiellement, c’est un don de Dieu. Il avait été donné à nos premiers parents, puis perdu. Il fallait un Rédempteur pour que nous puissions à nouveau avoir accès à cette grâce. Et encore, le mérite devait être infini comme la gravité de la faute : il a fallu le sang d’un Dieu.
L’Evangile, c’est la Bonne Nouvelle du Pardon de Dieu, du Ciel qui nous est ouvert si nous suivons le Divin Crucifié : c’est Noël, la Passion, la Mort, la Résurrection.
Faut-il être à ce point exigeant et pinailleur pour refuser de se réjouir d’un film comme celui de la Passion ? Ce film est une prédication très rude mais si profonde. L’homme se trouve face à son Dieu qui s’est incarné et meurt pour lui. L’agnostique est troublé par cette folie, le protestant est invité à ne plus dire que la foi suffit sans les œuvres en voyant la cruauté du péché et la victime innocente. La Vierge Marie est l’Immaculée qui nous montre le chemin de la Croix. La Sainte Messe rend présent ce Sacrifice et Notre-Seigneur répand son sang généreux sur nos misères. Le baptême, la confession nous plongent dans cette mort qui a vaincu la mort du péché, et nous ressuscitons.
C’est la Sainte Eglise Romaine qui détient ce trésor. Qu’ils sont beaux les pieds du prêtre qui annonce cette Bonne Nouvelle.


QUEL RAPPORT AVEC LA CRISE ?

D’abord avec la grande Crise. Il ne fallait pas heurter nos frères séparés, nos contemporains qui se noient dans leur individualisme et qui ne prient que pour éviter des malheurs comme aux temps païens. Les hommes d’Eglise ont eu peur de prêcher la vérité. Pour attirer les cœurs, ils ont caché le Sacrifice, ils ont caché la confession. Ils ont insisté sur l’ouverture au monde et perdu le réalisme catholique. Le plus grand mensonge de bonne foi (pour la plupart) pour ne pas faire de peine, fut : le bonheur tout de suite, et de toute façon le paradis pour tous. Et le péché originel dans tout cela ? Et la malice diabolique ? Et la malice humaine ? N’ont-ils pas eux-mêmes des haines gratuites parfois, des disputes, des jalousies ? Cet enthousiasme délirant n’a finalement pas trompé grand monde : les séminaires et les églises se sont vidés.

OH ! QUEL RAPPORT AVEC LA CRISE ?

Eh bien justement, les traditionalistes sont tout simplement des catholiques qui veulent répandre la charité du Christ autant qu’un « conciliaire » ou qu’un « charismatique » (mais qui s’y prend parfois mal en allant chercher du trop sensible, un huitième sacrement avec l’imposition des mains du baptême dans l’esprit). Au nom de cette charité, certains sont trop faibles et vont admettre le divorce car l’indissolubilité du mariage est trop dur. Des prêtres conciliaires bénissent de plus en plus ouvertement ce qu’on est obligé d’appeler des adultères de divorcés remariés. Ils oublient que Jésus nous a montré la profonde charité en ne permettant plus le divorce autorisé dans l’Ancien testament à cause de la dureté des cœurs. Les ravages que font les divorces devraient ouvrir les yeux à ces personnes trop faibles et à terme dures avec les âmes qui souffriront de ces divorces.

Les charismatiques ne doivent pas avoir le monopole du cœur. Nous sommes des catholiques. Voyez comme ils s’aiment ! Hum … Mais vous savez bien que la charité est difficile. Ne nous jetez pas la pierre. Nous sommes sur la défensive car nous avons lutté contre un injuste ostracisme. Dans les bagarres canoniques, les uns sont Ecclesia Dei, les autres refusent l’indult et le registre théorique des fidèles autorisés. Mais nous avons le même souci : LA GLOIRE DE DIEU ET LE SALUT DES ÂMES.

« Oh ! Quel mauvais prêtre traditionaliste ! Il pactise. Les ralliés sont nos pires ennemis car ils font admettre le début de la fin : l’indult, la réserve d’indiens. Ils nous feront admettre, sous couvert de la liturgie tridentine, l’œcuménisme et la liberté de conscience contre la vérité connue ».
NON. Je suis contre l’œcuménisme qui est un manque de charité vis à vis de ceux qui ne suivent pas la vérité du Christ et de son humble Vicaire. Je suis contre cette nouvelle messe qui malheureusement a jeté un voile sur le Sacrifice. L’indult n’est pas acceptable, il humilie injustement un joyau de la liturgie et de la foi catholique.

MAIS au moins arrêtons de nous insulter. Les prêtres et fidèles Ecclesia Dei le font de moins en moins (« schismatiques, désobéissants, etc … »). Alors ne prenons pas le relais par pitié.

C’EST LÀ LE CENTRE DE LA CRISE : l’insulte et le mépris alors que nous sommes catholiques, que nous voulons évangéliser le monde entier, convertir nos voisins par notre vie et nos exemples (pas en faisant du porte à porte tout de même).
Nous en sommes arrivés même à retirer de l’ORDO des sœurs du Trévoux l’Eglise Saint-Eloi où deux prêtres catholiques exercent leur ministère selon la plus simple tradition catholique. C’est délirant. L’abbé de Tanouärn a le tord de vouloir convertir des membres de la néopaïenne Nouvelle Droite. « C’est un gnostique franc-maçon. » N’en jetez plus !
Au nom de la sainte obéissance, de la susceptibilité de l’autorité, on a pris en otage les braves fidèles de la Tradition pour qu’ils se déchirent devant tout le monde.

Qui a commencé le premier ? Rappelons que ce fameux rapport sur les séminaires n’est toujours pas public car d’ailleurs il touche à la vie privée (malheur à celui qui le rendra public). Il est resté entre prêtres. Alors pourquoi scandaliser les fidèles qui ont déjà fort à faire pour défendre leur foi catholique dans un monde apostat ? Par manque de bon sens, par manque de charité.

Nos fidèles ont besoin d’entendre parler de l’Evangile (l’avez- vous lu cette année ?). Les âmes ont besoin d’entendre parler de Jésus et de sa Mère. Ils se moquent de savoir si Renaissance Catholique n’a pas que des aumôniers de la Fraternité. C’est lamentable.
Ils se moquent de savoir si la Gnose universelle est transhistorique ou non.

LA CRISE ACTUELLE, c’est l’agressivité, c’est la méfiance et le jugement. Ce sont des prêtres des séminaires qui sombrent dans le pessimisme devant le manque d’éducation des candidats et qui appliquent le principe de précaution, sans patience, sans conseil, sans paternité.

LA CRISE ACTUELLE, elle est résumée dans ces phrases qui viennent de celui qui nous avait habitué à ce genre de sermons :

« C'est en voulant être spirituel qu'on oublie d'être humain. Mgr Lefebvre a toujours été humain. Mais il est bien plus facile d'imiter l'extérieur pour se dire spirituel, que d'imiter cette fusion de la spiritualité avec l'humanité …
Alors, mes chers amis, quand on pense à la faiblesse de nous autres, êtres humains, ayons de la compassion pour ceux qui souffrent de cette confusion. Ayons de la compassion, de la Charité, de la vraie Charité, les uns pour les autres. Et surtout, comme dit St Paul, pour ceux qui appartiennent à la maison de la Foi. Et nous autres, nous sommes tous, par la grâce de Dieu, au moins pour le moment, des membres de la Maison de la Tradition. Si vous voulez, c'est la maison de la Vérité. Et si nous exerçons, pratiquons, prêchons cette Vérité de manière à assommer nos semblables, nous risquons de perdre la Vérité. Nous l'avons, sous un certain angle, déjà perdue. Beaucoup de Charité et, mes chers amis, plus la confusion va augmenter demain, plus la Charité va être nécessaire. »
Homélie de Mgr Richard WILLIAMSON - Dimanche 17 octobre 2004 - Saint Nicolas du Chardonnet (que vous pouvez trouver intégralement sur : Les infos)