Le Forum Catholique

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images/icones/ancre2.gif  ( 977113 )Libérer le mariage civil : et la laïcité ? Réponse à l'article du 1er mai de l'Abbé Barthe sur la loi naturelle par Joseph Dastros (2024-06-06 11:01:39) 

Je me permets de réagir ici à l’article de l’Abbé Barthe sur la dimension politique de la loi naturelle paru le 1er mai dernier, et notamment sur le sujet du mariage civil. Plutôt que d’en faire une tribune publique sur un site de réinformation en vue, je préfère à ce stade ouvrir le sujet sur ce forum.


Que les choses soient claires, je suis contre ce mariage républicain créé (d’abord en 1792 comme simple enregistrement civil, changé en 1804 en « célébration » civile) pour concurrencer le mariage chrétien, et que les articles organiques de 1802 ont imposé avant le mariage chrétien pour un motif de mauvaise théologie gallicane contraire au concile de Trente. Et je pense qu’un concordat est évidemment meilleur que la laïcité dans laquelle nous sommes coincés.


Néanmoins, de là à imaginer que les évêques puissent (ou eussent pu en 2013) aller négocier la libération du mariage religieux avec les pouvoirs en place, j’ai peur que cela manque fortement de réalisme. D’abord il faudrait que les évêques français aient collectivement un courage politique, c’est mal parti mais supposons cela. Ils auraient donc été voir le Président ou son ministre pour lui demander que les catholiques puissent se passer du mariage civil, et que le mariage catholique vaille mariage civil. Ce serait souhaitable (passons sur le fait que cela soit quand même revenu pour l’Eglise à demander à ce que le mariage chrétien vaille aux yeux de l’Etat la même chose qu’une union homosexuelle appelée mariage, mais c’est toujours mieux que, pour tous les mariés catholiques, de devoir y consentir de vive voix devant le maire ou son adjoint), mais que répondrait l’homme politique ?

- Soit « vous êtes gentils mais c’est non », les évêques diraient qu’ils sont pas d’accord mais ils n’ont aucun moyen de pression. Et d’ailleurs la plupart des catholiques pratiquants trouvent aujourd’hui que le mariage civil avant le mariage chrétien est une bonne chose. Même la vidéo récente de l’IBP sur le mariage n’ose pas aborder le sujet du problème du mariage civil en face... Pie XI avait réussi à imposer à Mussolini la reconnaissance du mariage religieux, mais son moyen de pression était de refuser de signer un concordat (cf article Aletheia 208) !

- Soit « pourquoi pas mais je n’ai pas de majorité pour cela ». Et c’est la réalité, il n’y a qu’à regarder le triste sort des amendements déposés par des députés en 2013 pour faire simplement sauter l’obligation d’antériorité du mariage civil, et un seul (Julien Aubert) avait déposé un amendement pour que le mariage religieux vaille mariage civil mais il a été débouté. En 2021 (loi séparatisme) c’est encore pire avec la droite qui se bat dans le sens contraire à notre position catholique.

- Soit « je veux bien mais c’est contraire à la laïcité ». Et c’est le véritable argument de fond. En effet, donner au mariage religieux des effets civils revient à donner au ministre du culte une certaine fonction d’officier d’Etat civil (il aurait la confiance de l’Etat pour recueillir le consentement des époux en son nom). On imaginerait cela dans une « république qui ne reconnait aucun culte », sans compter l’atmosphère laïciste actuelle ? De plus selon le sacro-saint principe d’égalité, les musulmans devraient avoir droit à la même chose alors qu’ils ne sont pas organisés pour (pas de registres de mariages systématiques, problèmes éventuels de mariages multiples, de mariages de mineurs ou blancs, etc)


A mon avis le vrai sujet sur la loi naturelle dans le mariage est :

- Primo : D’en parler, et c’est là le grand mérite de cet article de l’Abbé Barthe. La Manif pour tous a fait que les catholiques ont défendu le mariage civil, mais j’ai l’impression qu’ils gardent pour la plupart (sauf chez les tradis) en tête que le mariage civil est une bonne chose, alors que déjà ce n’était quand même pas idéal avant, et que c’est encore pire depuis son changement de définition de 2013 ! (cf article l’Homme Nouveau Puppinck)

- Secundo : De combattre l’obligation inique d’antériorité dans les faits. Et là il n’y a que 2 options je crois : soit le combat politique (par exemple tenter faire voter une loi instaurant une dérogation à l’obligation d’antériorité du mariage civil s’il y un certificat de capacité au mariage, déjà prévu au code civil pour les mariages à l’étranger, comme le développe cet article de La Nef), soit le combat judiciaire (quitte, si le conseil constitutionnel se défile, à aller devant la CEDH au titre de l’article 9 sur la liberté religieuse) mais pour cela il faut qu’un clerc accepte de se lancer dans l’aventure… En existe-t-il ?
images/icones/iphone.jpg  ( 977125 )Pas les évêques par Vincent F (2024-06-07 07:50:30) 
[en réponse à 977113]

La suppression de cette obligation aurait dû être une revendication des manifs. Même dans le cadre de la laïcité on pourrait très bien concevoir que le « mariage » civil soit un simple enregistrement avec un CERFA à remplir.

Le mariage pour tous fut une ingérence de l’état hors de son domaine (changement de la définition d’une institution qui préexistait à l’état) mais le  « mariage »civil aussi. Il n’était donc pas à défendre.

«Dieu se rit des prières des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». ( Bossuet)
images/icones/carnet.gif  ( 977146 )Oui mais par Joseph Dastros (2024-06-08 12:24:00) 
[en réponse à 977125]

J’imagine que la Manif pour tous avait réfléchi à cette question de critiquer le mariage civil, mais sans doute a-t-elle voulu se rendre plus acceptable en mettant cette question sous le tapis en espérant gagner son combat et éviter trop de caricatures. Avec l’échec de ses revendications et en faisant le bilan on peut se dire qu’elle aurait dû au moins assumer avoir en son sein des mouvements qui demandaient la suppression de l’obligation d’antériorité du mariage civil, ou une dérogation.

Réduire le mariage civil à un CERFA aurait probablement été vu comme insultant et pas acceptable par l’opinion publique et les politiques, mais demander une signature comme ça se passe chez le notaire (et après le mariage religieux) aurait été utile vu d’aujourd’hui. Il faut savoir qu’entre 1792 et 1804, l’enregistrement de mariage civil pouvait se faire n’importe quand par rapport au mariage religieux, et consistait à ce que les mariés se rendent à la mairie et affirment devant l’officier d’Etat civil chacun à leur tour « je déclare prendre untel pour mari/femme » puis signent.

Depuis 1804, le code civil c’est une cérémonie codifiée appelée « célébration » dans la loi… Et pourtant, dans les projets de codes civils révolutionnaires ce mot « célébration » n’était pas utilisé : le 3e projet de Cambacérès (1796) est parfois cité comme les début d’une cérémonie mais il parle plutôt de « déclaration des époux de se prendre pour mari et femme », de « contracter mariage ». Et les travaux de la commission de ce qui deviendra le code civil de 1804 parlent eux dès 1800 de « célébration ».

Concernant la suppression pure et simple de l’obligation d’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux, c’est impossible à mon avis pour une question d’ordre public. L’Etat se doit de contrôler que les religions n’engagent pas dans le mariage (engagement moral très fort) n’importe qui qui de plus pourraient croire que leur mariage religieux vaut mariage civil. Et comme l’Etat français se refuse à distinguer entre les religions, les catholiques se retrouvent coincés. C’est pour ça qu’en 2021 ils ont renforcé la sanction dans la loi séparatisme… D’où la solution du certificat de capacité à mariage déjà prévu pour les mariages à l’étranger.

Le code de droit canonique reconnait au pouvoir civil sa compétence pour les « effets purement civils » (en gros les rapports matériels entre époux et les régimes matrimoniaux) du mariage chrétien.
images/icones/hein.gif  ( 977147 )Ne faites-vous pas une fixette sur ce mot... par Père M. Mallet (2024-06-08 13:59:39) 
[en réponse à 977146]

...de célébration ?
Je ne me souviens pas qu'il existe une définition et/ou des implications juridiques.
Mais mes études ont été assez spécialisées (et donc incomplètes d'un certain point de vue).

images/icones/carnet.gif  ( 977153 )Je ne crois pas par Joseph Dastros (2024-06-08 20:15:14) 
[en réponse à 977147]

Le mot en soi n'a pas d'implications effectivement, mais ce qui me semble plus problématique est l'état d'esprit dans lequel tout cela a été pensé à partir de 1800 qui est celui d'une concurrence sur la sacralité avec le mariage chrétien. A mon avis c'est un échec, que la croissance des cérémonies de "mariage laïc" ne fait que démontrer.

Encore une fois, sous la période révolutionnaire on n'est pas réellement dans une concurrence sur la sacralité avec le mariage chrétien : il s'agit juste de laïciser de force le contrat et ses registres.
images/icones/livre.gif  ( 977129 )Mariage : Oui et non... par Père M. Mallet (2024-06-07 11:47:38) 
[en réponse à 977113]

Oui, il est vrai que c'est insupportable, d'un point de vue théorique, que l'Etat dise à l'Eglise à qui elle peut donner un sacrement ou non (abstraction faite de ce que ce sont les époux qui sont les ministres du sacrement).
Mais en pratique, c'est quand même supportable, car ça permet d'éviter de marier religieusement des personnes qui seraient mariées civilement avec un autre conjoint.
Il est assez facile de tricher avec un certificat de baptême (enfin, relativement facile : c'est pourquoi les certificats de baptême pour mariages sont envoyés exclusivement de prêtre à chancellerie (ou de prêtre à prêtre ; formulaires M5 pour la demande, et M 6 au verso pour la copie d'acte).
Et le dossier comporte des copies d'actes de naissance - copies et non "extraits" d'actes.
Un curé avait reçu un "extrait" qui mentionnait juste un mariage civil suivi d'un divorce.
Il a exigé une "copie complète" ... qui mentionnait une demi-douzaine de mariages suivis de divorces. Là, ça change complètement la situation. Un tel candidat au mariage chrétien est-il capable de s'engager "pour toujours" ? C'est un point que le prêtre devra discerner.


images/icones/1b.gif  ( 977130 )L'histoire dit-elle si le prêtre refusât de procéder à la cérémonie? par Hepzibah (2024-06-07 12:26:47) 
[en réponse à 977129]


Un tel candidat au mariage chrétien est-il capable de s'engager "pour toujours"



Bonjour cher Père,

L'histoire dit-elle si le prêtre renvoya le candidat dans les cordes?

J'ai l'impression que le candidat voyait le mariage comme moi l'arrêt de la tabagie.

Je peux vous assurer qu'il est très facile de s'arrêter de fumer !

Je l'ai fait des centaines de fois... :-)

images/icones/1n.gif  ( 977131 )refusa et non refusât. Mea culpa par Hepzibah (2024-06-07 12:27:37) 
[en réponse à 977130]

Typo dans le titre précédent.
images/icones/carnet.gif  ( 977133 )Différence entre autorisation administrative et mariage civil par Joseph Dastros (2024-06-07 12:56:57) 
[en réponse à 977129]

Il me semble que, dans ce qui est acceptable du point de vue de l'Eglise, qu'il faut distinguer différents cas :

- soit l'Eglise demande l'acte de naissance complet pour vérifier si la personne est mariée civilement, divorcée etc... A mon avis c'est du bon sens

- soit l'Etat exige d'autoriser qui peut se marier religieusement ou non, et là ce n'est pas vraiment acceptable pour l'Eglise. Mais de toute manière avec les abus d'autres religions, l'Etat est je pense obligé de contrôler tout le monde sinon il y a différence de traitement entre les religions, et on sort de la laïcité et/ou du principe d'égalité.

- soit l'Etat n'autorise que des mariages religieux précédés du mariage civil (pour des chrétiens, un mariage civil avant le religieux est canoniquement un "mariage nul pour défaut de forme"). A mon avis c'est de l'abus parce qu'on peut imaginer que le droit prévoie la possibilité de se marier religieusement quelques jours plus tard tout en ayant une autorisation de l'Etat avant le mariage religieux.
images/icones/bravo.gif  ( 977132 )Historiquement les catholiques n'étaient pas trop opposés au mariage civil ! par jl dAndré (2024-06-07 12:55:30) 
[en réponse à 977113]

Cela peut paraître paradoxal, mais cela s'explique facilement dans le contexte de l'époque.
Avec la constitution civile du clergé, toutes les paroisses n'étaient détenues que par des prêtres jureurs tandis que les prêtres réfractaires devaient émigrer ou vivaient dans la clandestinité.
Le mariage civil permettait aux catholiques fidèles de bénéficier des effets civils du mariage sans être obligés de passer devant un prêtre jureur et ils se mariaient religieusement, dans la clandestinité, auprès d'un prêtre réfractaire.
images/icones/carnet.gif  ( 977134 )Enregistrement vs célébration de mariage civil par Joseph Dastros (2024-06-07 13:01:53) 
[en réponse à 977132]

Vous avez raison, à l'époque révolutionnaire (avant 1802) le mariage civil était un simple enregistrement, et il était évidemment possible de le faire après le mariage religieux. Les mariés disaient simplement devant l'officier d'Etat civil "je déclare prendre untel pour époux" et signaient. Ce n'était pas une "célébration" tel qu'écrit dans la loi depuis le code civil de 1804...
images/icones/carnet.gif  ( 984085 )Recours contre une condamnation éventuelle d'un prêtre par Joseph Dastros (2025-02-10 10:59:00) 
[en réponse à 977113]

A toutes fins utiles, j'ajoute une citation de M. Puppinck, le bien connu directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) :


Un prêtre qui serait condamné [pour avoir célébré à 2 reprises un mariage avant le passage à la mairie] aurait toutes les chances d’obtenir la censure de cette disposition pénale par le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne de Strasbourg.



La source : https://ndf.fr/identite/18-05-2013/liberte-pour-le-mariage-religieux/

Qui dit censure de la disposition pénale, dit autorisation par la suite pour tout catholique d'être dispensé du passage devant le maire avant son mariage à l'église.