Le Forum Catholique

http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=872943
images/icones/neutre.gif  ( 872943 )Le cléricalisme : en faut il moins ou en faut il plus ? par Aigle (2019-08-16 19:22:58) 

Une solution à la crise des abus sexuels serait , dit on, d'éradiquer le cléricalisme dans l'Eglise.

Je me demande pourtant si ces abus et cette crise ne pourraient pas être analysés comme le signe au contraire d'un manque de cléricalisme. Je vise là
- un relâchement de la conscience qu'ont les prêtres des exigences qui sont propres à leur état (notamment la continence parfaite)
- un relâchement de la conscience qu'ont les prêtres du fait qu'ils sont des exemples (pour les fidèles et même pour les non catholiques) et que le pêché d'un prêtre est probablement plus grave aux yeux de Dieu (et des laïcs) que le pêché d'un laïc
- un évanouissement du contrôle hiérarchique exercé sur les prêtres par leurs supérieurs légitimes (curés, évêques).

Bref, il nous faudrait des prêtres moins soucieux de leur liberté personnelle et morale et plus soumis à une discipline précise, active et contrôlée.


Suis je naïf ou idiot d'écrire ce qui précède ? Je n'exclus évidemment pas le fait le plus grave : ces prêtres qui ont commis de graves péchés éprouvent ils encore la crainte de Dieu et de Son jugement ? Ou adhèrent ils à l'hérésie célèbre :" on ira tous au Paradis"?
images/icones/union-jack.png  ( 872958 )Une explication qui en vaut bien une autre par André (2019-08-16 21:38:30) 
[en réponse à 872943]

images/icones/fleche2.gif  ( 872959 )Le cléricalisme existe-t'il vraiment ? par Rothomagus (2019-08-17 02:09:23) 
[en réponse à 872943]

Si oui, on voit mal le lien avec les abus sexuels.
Mais si le cléricalisme est diffus dans le clergé, il l'est peut-être moins chez les fidèles. Non ?

Il y a eu une génération de prêtres malmenée par les changements. A cette époque, on apprenait un métier et on le gardait toute sa vie. Y compris bien sûr les prêtres, ce qui sécurisait aussi les familles en leur enlevant le tracas du matériel. Un jeune entrait très jeune dans le système des séminaires, et était embarqué définitivement, pour peu qu'il ait un minimum d'intelligence, dans une voie où il n'avait qu'à se laisser porter jusqu'au bout du chemin. Sauf qu'à ces endroits rien n'avait changé, et que dans le monde, tout changeait. Une fois sortis de leurs établissements, certains ont alors découvert des choses qu'ils ignoraient, et des changements et des tentations qui ont cassé quelque chose dans leur mental jusqu'alors surprotégé. Il faut espérer que cela ne concerne qu'une génération de prêtres.

Aujourd'hui, vouloir absolument des saints prêtres en étant toujours plus exigeant ne fera que tarir un peu plus un réservoir qui est déjà presque à sec, tant un engagement de ce genre est en train de devenir une sorte de nouvelle clôture monastique. D'ailleurs, le fort rejet du monde chez les jeunes prêtres séculiers interroge. Ils reprocheraient presque aux fidèles de vivre en société ! Ils tiennent tout en horreur.

La faiblesse (en nombre) du recrutement est peut-être déjà un fruit de ces exigences démesurées, et de la haute estime dans laquelle les prêtres sont tenus par la jeune génération. Les prêtres paraissent désormais tellement ailleurs...c'est bien mais pas pour bibi !
images/icones/rose.gif  ( 872983 )terminologie et vraie question : quelques remarques par Luc Perrin (2019-08-17 22:03:32) 
[en réponse à 872943]

cher ami, il faudrait plusieurs articles et livres pour répondre.

D'abord toujours bien distinguer les continents pour les vocations et le style "sacerdotal". Les horreurs du "clerc" décléricalisé, complètement submergé par le libéralisme ambiant ne valent pas partout.
En Afrique, le souci est aussi mondain mais de trier entre des vocations spirituelles et des aspirations sociales par ex. Au fond, ce qui était le dilemme classique au XIXe et avant chez nous aussi.

"Cléricalisme" veut dire, au sens exact pas celui inventé par l'actuel Pontife et ses thuriféraires Cupich, Wuerl etc., exercice d'un pouvoir sur la société par les clercs ou par un clerc dans une zone donnée. L'extrême est fourni par Savonarole au XVe siècle, l'équivalent catholique de l'État islamique.

Faut-il aller vers cela ? Je ne le pense pas, c'est un détournement des Écritures au demeurant qui distinguent sans les séparer les deux sphères.

Vous entendez et là je vous suis, la pensée "sacerdotale" : le prêtre n'est pas un fonctionnaire, ni l'employé d'un évêque, il a une mission "sacrée" ; il est mortel et ô combien faillible mais doit tendre, comme nous tous et toutes, vers la sanctification dans son état. Presbyterorum ordinis de Vatican II dit tout de façon assez concentrée. Le "sacerdotalisme", compris ainsi, est en effet hautement désirable et il a fortement régressé au sein de l'Église depuis les années 1960.

Il reste que la crise qui explose chaque jour est due plus aux évêques qu'aux prêtres. Le poisson pourrit par la tête et elle est bien malade de nos jours, l'odeur devient incommodante.

Bref demander aux évêques de surveiller les prêtres, c'est un peu comique : Cupich et McCarrick comme garants de l'intégrité sacerdotale ? Sodano et Tauran comme anges gardien ?

La dévitalisation de l'épiscopat est première. Elle s'accentue évidemment depuis 2013 mais le cancer était déjà très répandu avant et remonte aux années 1950 dans certains cas.

Abattre la Seconde Pornocratie passera par un puissant courant de réforme comme toujours depuis la fondation de l'Église : il y faudra des Athanase, des Giberti, des Borromée, des François de Sales, des cardinaux Pie, des Marcel Lefebvre, des Wyszinsky, des évêques missionnaires intrépides ...
En attendant, cultiver les valeurs sacerdotales qui sont compatibles avec un laïcat actif et engagé est un radeau de secours.

images/icones/hein.gif  ( 872996 )Sur les épiscopes par Aigle (2019-08-18 15:27:07) 
[en réponse à 872983]

Merci cher Luc.

Je crois qu'en grec épiscope veut dire surveillant. Me trompe je ?

Si les évêques ne surveillent pas les prêtres et ne mettent pas à l'écart ceux qui dévient de la juste voie, ils manquent à mon sens à leur vocation et portent gravement atteinte à la constitution hiérarchique de l ´Eglise, alors même que cette constitution fonde la confiance des fidèles.

Ce refus des évêques d'assurer leur mission peut avoir eux origines (en France du moins). Primo ce que j'appellerais l'idéologie Badinter selon laquelle le délinquant est innocent - la culpabilité étant le fait et la société voire de la victime apparente.
Secundo, une fausse compréhension de la miséricorde divine selon laquelle Dieu pardonne tous les péchés quels qu'ils soient et quelle que soit l'intention du coupable.

La combinaison de ces deux démarches intellectuelles a pu conduire bien des évêques à pardonner les pires crimes.
images/icones/barbu2.gif  ( 873019 )mais pour le moment c'est la proportion inverse par Luc Perrin (2019-08-18 21:41:21) 
[en réponse à 872996]

Parmi les "surveillants" sont/seraient les pires délinquants que le pape et la Curie - et leurs frères archevêques et évêques - sont chargés de surveiller mais au lieu de cela, on a la promotion des criminels, des délinquants et la mafia de Saint-Gall qui étend sa toile partout.

Qui donc ordonne les prêtres ?

C'est bien le drame actuel et, en effet, il ne date pas de 2013.

La biographie de Théodore McCarrick est le reflet du drame que nous vivons et elle nous amène à la fin du règne de Pie XII avec les abominations abominables prêtées à Spellman, celui qui l'a ordonné prêtre.
McCarrick est au fond une métaphore vivante de l'anti-Église qui a pignon sur rue.

Les loups sont-ils les meilleurs gardiens de la bergerie ?
Les réformes authentiques de l'Église sont toujours venues des évêques.

A notre stade, clercs et laïcs, nous ne pouvons miser que sur des arches de Noé pour porter les quelques survivants sur l'océan de boue et de crimes. La structure actuelle est aussi fiable que le "suicide " d'Epstein et crédible que la non-enquête sur ses activités en Grande-Bretagne et en France.

Le parallélisme entre les turpitudes des élites ecclésiales et des élites laïques n'a jamais été aussi éclatant que de nos jours. Hélas.
images/icones/neutre.gif  ( 873021 )Pessimisme par Aigle (2019-08-18 21:53:58) 
[en réponse à 873019]

Je vous trouve bien pessimiste cher Professeur !

Et vous avez raison de regarder le vaste monde. Mon commentaire portait plutôt sur les épiscopes gaulois, ceux que je connais un peu et dont j'ai pu mesurer l'effrayante passivité sur de nombreux sujets ...