Vos analyses et remarques me semblent très pertinentes.
Il est évident qu'il y a en France un problème de formation des chefs de chorale. Dans le monde orthodoxe, on trouve à chaque office et ce jusque dans la moindre petite paroisse une qualité musicale qu'il est bien difficile de trouver dans nos meilleures paroisses françaises, même pour les grandes fêtes. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait, accolé à chaque séminaire, une Ecole de chant et de musique sacrée, en mesure de former les maîtres de choeur du diocèse... ainsi que les séminaristes (car célébrer, notamment chanter un Evangile, une Préface, une prière eucharistique, cela s'apprend!), et ceci pour élever le niveau.
Pour ce qui est de la musique polyphonique, quelques remarques:
- beaucoup de pièces polyphoniques très belles et profondes (comme par exemple le
Jesu salvator mundi de Menegalli) ne sont pas forcément très compliquées à exécuter: il suffit d'un chef de chœur compétent et quatre ou cinq chanteurs qui, sans être des professionnels, savent chanter juste.
- ensuite, il faut faire une distinction: on ne peut pas chanter n'importe quelle pièce ancienne pendant une messe, sans quoi effectivement la célébration se transforme en concert. Il faut faire un tri: je pense par exemple qu'il faut éviter les œuvres baroques (par exemple les messes de Mozart très belles en elles-mêmes, mais inadaptées à un cadre liturgique), et d'une manière générale les œuvres faisant appel à la prouesse d'un ou d'une soliste (voix de cantatrices, etc). Il faut privilégier des polyphonies recueillies, dont la mélodie sort du silence et abouti au silence (exemple: le
Crucifixus de Lotti, lien dans le message précédent), de préférence sans instrument,
a capella, donc essentiellement les œuvres polyphoniques de la Renaissance, et éventuellement quelques pièces des siècles suivants choisis parce qu'ils s'accordent avec l'action sacrée (cf. tous les exemples donnés dans le message précédent).
- ce qu'il faut éviter, c'est que le chef de choeur oublie qu'il est au service de la liturgie, et qu'il se permette de verser dans une forme de virtuosité musicale qui transforme, justement, la messe en concert. Cette dérive est hélas présente dans certaines paroisses VOM. Il me semble, en outre, que les pièces polyphoniques éxécutées lors des messes du pèlerinage de Chartres ne sont pas toujours adaptées à un cadre liturgique... La mélodie doit TOUJOURS être au service de l'action liturgique avec laquelle elle ne fait qu'un. Elle ne peut pas être quelque chose que l'on plaque artificiellement sur l'un des moments de la messe, simplement "pour faire beau".
André Gouzes a composé effectivement quelques oeuvres de valeur par exemple le chant
Joyeuse lumière, dont le refrain peut être chanté par le peuple devant le feu de la Vigile Pascale. Mais il ne faut pas se le cacher: Gouzes est un progressiste, qui considère le grégorien comme quelque chose de dépassé devant être abandonné, et lui-même ne comprend pas grand chose à la liturgie. Cela n'enlève rien à la qualité de certaines de ses oeuvres... Il est évident que dans ce domaine,
Sacrosanctum Concilium est LA boussole qui doit guider le renouveau.