Le 30 décembre 2015, paraissait un article de Roberto de Mattei sur Corrispondenza romana : Onorio I: il caso controverso di un Papa eretico
Un jour avant, La Porte Latine en publie la traduction (par Marie Perrin).
Cette traduction est reprise ensuite le 10 janvier 2016 par Correspondance Européenne.
[…] Au neuvième siècle, une controverse éclata sur Honorius : les Grecs, Photius en tête, l'accusèrent d'hérésie ; il fut défendu par le Bibliothécaire. Dans la suite plusieurs Latins ont placé le nom d'Honorius au milieu des patriarches byzantins condamnés, entre Sergius et Pyrrhus, de sorte qu'il semble presque rangé parmi ceux-ci, par exemple dans Bède, De temp. rat. ; Humbert, Resp. adv. Nicet., cap. xvii; Deusedit; Eccehard ; Ord. Vital., Hist. eccl, 1, xxiii, p. 83, Marian. Scot., etc. Le traité De Concil. general., composé vers 1230, classe expressément parmi les condamnés « Honorium Romanum. » Manuel Calecas, dont l'ouvrage contre les Grecs fut traduit par Ambroise Traversari, sous Martin V, défendit Honorius par l’autorité de saint Maxime et ou alléguant l'impossibilité que le pontife romain porte une décision erronée. Il est certain, contrairement à l'opinion de Döllinger (PapsfabeIn, p. 144), que Calecas n'est pas le premier qui ait renseigné Turrecremata sur la condamnation d'Honorius. Plus tard Honorius eut pour accusateurs : a) les protestants […], b) les gallicans […], c) plusieurs savants modernes […].
Depuis les défenseurs d'Honorius sont devenus beaucoup plus nombreux et voici les différentes voies qu'ils ont suivies :
a) plusieurs ont soutenu que les documents étaient apocryphes et altérés, surtout les actes du VIe concile universel, ou que les lettres d'Honorius étaient interpolées; tels sont : Albert Pighe, Baronius, Bellarmin, De rom. Pont., IV, 11 ; Sfondrat, Barruel, Du pape ; Boisselet de Sauclières, Histoire des conciles ; Slapleton, Viggers, Gravina, Goster, Kilber, Hoitzklau. Ces hypotèses, modifiées par Boucat et Damberger sont réfutées dans Héfélé.
b) D’autres admettent une erreur de fait de la part du Vle concile, par exemple : Turrecremata, Sum. De Eccl., II, 93 ; Isaac Habert, Lib. pontilical. Eccl. gr., Paris, 1676, p. 566 : « Haec omnia tamen ex errore facti orta sunt, qui certe et in synodum oecum. cadere potest ». Cf. Berti, De theol. Dicipl. […]
c) La plupart admettent les documents et prouvent qu'Honorius ne fut point condamné comme véritablement hérétique, mais pour avoir favorisé l'hérésie, surtout par son imprudence, et pour n'avoir pas aperçu le danger qu'il faisait courir à l’Église en prescrivant le silence, ce qui était l'opposé d'une définition de foi. Melch. Canus (De loc. theol, VI, 8) démontre qu'Honorius ne se trompa que comme homme privé dans une lettre privée, que ses lettres à Sergius n'ont aucun des caractères d'une décision ex cathedra. […]
Dans l'assemblée du clergé français en 1723, l’orthodoxie d'Honorius fut vengée dans des thèses publiques par Petitdidier, De infall. Summi Pont.; Zaccaria. […] On pourrait citer encore une foule de défenseurs autorisés d'Honorius. […]
C'est l'année I870, qui a fourni le plus de travaux sur Honorius. Contre l'abbé Gratry : Dom Guéranger, Défense de l'Église romaine contre les erreurs du R. P. Gratry, Revue du monde catholique, 10 février; l’archevêque Dechamps, Lettres au R. P. Gratry, Monde, nos 19, 33, 34, 36 ; la Question d'Honorius, Paris ; J. ChantreI, le Pape Honorius, Paris ; Ramière, S. J., l’abbé Gratry et Mgr Dupanloup, et Honorius et les Prérogatives de l'Église romaine, Toulouse. — Larroque, la Question d'Honorius, Lettre à M. Gratry, ibid.; Coldefy, le Pape Honorius et M. l’abbé Gratry, Paris ; l'abbé P. Bélet, la Chute du pape Honorius et la Mission de M. Gratry, ibid.; E. Perrot, Au R. P. Gratry au sujet de ses lettres, ibid.; Onorio f e il P. Gratry (Civiltà catlolica, Ser. VII, vol. IX, p. 431, 682 et seq.); Roques, Réponse à la lettre du R. P. Gratry; A. de Margerie, le Pape Honorius et le Bréviaire romain, Paris; Rambouillet, le Pape Honorius, l’infaillibilité et le VIe concile général, ibid.; Colombier, la Condamnation d'Honorius (Études religieuses, décembre 1860-avril 1870); G. Contestin, le Pape Honorius (Revue des sciences ecclésiastiques, février 1870); Rivière, le Pape Honorius et le Gallicanisme moderne, Nîmes; Dufaut, la Vérité sur le pape Honorius, Avignon ; […].
En tout état de cause, les papes depuis Jean XXIII se sont, eux, c'est sûr, copieusement trompés, sans parler du dernier bien entendu ... !!!
Le magistère de Vatican II est un magistère ordinaire, authentique, suprême, et il mérite en tant que tel tout notre respect et toute notre attention
Posez plutôt la question à Chicoutimi ou à Rodolphe, puisque pour eux dès que le pape ouvre la bouche, il produit du magistère, à moins de penser comme Vianney pour qui François, puisqu'il ne produit pas de magistère, dès qu'il ouvre la bouche, n'est pas pape !
je ne conteste certainement pas les accusations de saint Pierre Damien quant à ses mœurs – j’en ai moi-même parlé ici il y a quelques années – mais dans le domaine de la foi, les rares décisions que ce pape scandaleux a prises (par exemple en matière de canonisation ou d’approbation d’ordres religieux) n’ont à ma connaissance jamais été contestées par l’Eglise.
Cela fait au moins deux fois en une semaine que vous me traitez de papolâtre.
« Forts des promesses divines ; nous acceptons tous les noms dont on nous charge. Autrefois, les païens nous appelaient Lucifuges, parce qu’ils nous traquaient dans les entrailles de la terre. Julien l’Apostat nous décora du nom de Galiléens, parce que notre Maître vint de Nazareth de Galilée. Au seizième siècle, les réformateurs crurent nous insulter en nous nommant Papistes, parce que nous nous faisons gloire d’avoir pour Pasteur et Docteur celui qui exerce la pleine paternité sur toute la famille du Christ. Aujourd’hui, avec l’applaudissement du R.P. Gratry, quelqu’un, dans son dédain, pense nous avoir stigmatisés en nous traitant de Romanistes. Nous sommes fiers de cette appellation et nous en remercions Mgr d’Orléans ; car qui n’est pas Romaniste n’est pas Catholique. Tout doit avoir son nom ; et c’est pour cela que l’Eglise étant sortie de Jérusalem pour s’étendre dans la gentilité, les baptisés d’Antioche furent les premiers appelé Chrétiens, du Seigneur CHRIST, auquel on adhère avec d’autant plus de certitude que l’on mérite davantage d’être désigné comme Papiste et Romaniste. » (Dom Guéranger, Deuxième défense de l’Église romaine contre les accusations du RP Gratry)
« C’est en vain, il est vrai, que la lumière du soleil vient frapper la face de ceux qui s’obstinent à tenir les yeux fermés ; mais il ne manque pas non plus de gens honnêtes, qui, trompés par des doctrines perverses, haïssent ce qu’ils ne connaissent pas et blasphèment ce qu’ils ignorent. » (Pie IX, Pape à Notre Vénérable Frère Charles-Émile, Évêque d’Angers, bref pontifical du 10 avril 1876)
Par ailleurs et pardonnez-moi, mais vos objections sur le cas Honorius, tel qu’il est connu et traité par De Mattei, ne sont pas très probantes.
Hors sujet !
De Mattei ne s'occupe pas d'Honorius
À Notre cher fils Prosper Guéranger, de la Congrégation bénédictine de France, Abbé de Solesmes.
PIE IX, SOUVERAIN PONTIFE.
Cher fils, salut et bénédiction apostolique.
C’est une chose assurément regrettable, cher fils, qu’il se rencontre parmi les catholiques des hommes qui, tout en se faisant gloire de ce nom, se montrent complètement imbus de principes corrompus, et y adhèrent avec une telle opiniâtreté, qu’ils ne savent plus soumettre avec docilité leur intelligence au jugement de ce Saint-Siège quand il leur est contraire, et alors même que l’assentiment commun et les recommandations de l’Épiscopat viennent le corroborer. Ils vont encore plus loin, et, faisant dépendre le progrès et le bonheur de la société humaine de ces principes, ils s’efforcent d’incliner l’Église à leur sentiment ; se regardant comme seuls sages, ils ne rougissent pas de donner le nom de parti ultramontain à toute la famille catholique qui pense autrement qu’eux.
Cette folie monte à un tel excès, qu’ils entreprennent de refaire jusqu’à la divine constitution de l’Église et de l’adapter aux formes modernes des gouvernements civils, afin d’abaisser plus aisément l’autorité du Chef suprême que le Christ lui a préposé et dont ils redoutent les prérogatives. On les voit donc mettre en avant avec audace, comme indubitables ou du moins complètement libres, certaines doctrines maintes fois réprouvées, ressasser d’après les anciens défenseurs de ces mêmes doctrines des chicanes historiques, des passages mutilés, des calomnies lancées contre les Pontifes Romains, des sophismes de tout genre. Ils remettent avec impudence toutes ces choses sur le tapis, sans tenir aucun compte des arguments par lesquels on les a cent fois réfutées. Leur but est d’agiter les esprits, et d’exciter les gens de leur faction et le vulgaire ignorant contre le sentiment communément professé.
Outre le mal qu’ils font en jetant ainsi le trouble parmi les fidèles et en livrant aux discussions de la rue les plus graves questions, ils Nous réduisent à déplorer dans leur conduite une déraison égale à leur audace. S’ils croyaient fermement, avec les autres catholiques, que le Concile œcuménique est gouverné par le Saint-Esprit, que c’est uniquement par le souffle de cet Esprit divin qu’il définit et propose ce qui doit être cru, il ne leur serait jamais venu en pensée que des choses non révélées ou nuisibles à l’Église pourraient y être définies, et ils ne s’imagineraient pas que des manœuvres humaines pourront arrêter la puissance du Saint-Esprit et empêcher la définition de choses révélées et utiles à l’Église.
Ils ne se persuaderaient pas qu’il ait été défendu de proposer aux Pères en la manière convenable, et dans le but de faire ressortir avec plus d’éclat la vérité par la discussion, les difficultés qu’ils auraient à opposer à telle ou telle définition. S’ils n’étaient conduits que par ce motif, ils s’abstiendraient de toutes les menées à l’aide desquelles on a coutume de capter les suffrages dans les assemblées populaires, et ils attendraient, dans la tranquillité et le respect, l’effet que doit produire la lumière d’en haut. C’est pourquoi Nous pensons que vous avez rendu un très utile service à l’Église en entreprenant la réfutation des principales assertions que l’on rencontre dans les écrits publiés sous cette influence ; et en mettant à découvert l’esprit de haine, la violence et l’artifice qui y règnent, vous avez accompli cette mûre avec une telle solidité, un tel éclat et une telle abondance d’arguments puisés dans l’antiquité sacrée et dans la science ecclésiastique, que, réunissant beaucoup de choses en peu de mots, vous avez enlevé tout prestige de sagesse à tous ceux qui avaient enveloppé leurs pensées sous des discours dépourvus de raison. En rétablissant la vérité de la foi, du bon droit et de l’histoire, vous avez pris en main l’intérêt des fidèles, tant de ceux qui possèdent l’instruction que de ceux qui en seraient dépourvus. Nous vous exprimons donc Notre gratitude particulière pour l’hommage que vous Nous avez fait de ce livre, et Nous présageons un heureux et très grand succès au fruit de vos veilles. Comme augure de ce succès, et comme gage de Notre bienveillance, Nous vous accordons avec une vive affection la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 12 mars 1870, l’an vingt-quatrième de Notre Pontificat.
PIUS P.P. IX
Je fais remarquer que la proposition du pape Honorius pourrait s'entendre d'une façon orthodoxe. Il n'y a effectivement qu'une seule volonté dans le Christ si l'on considère que la volonté est une intention. Jamais Jésus n'a dévié dans son intention d'être parfaitement fidèle au Père. Mais Honorius s'est trompé dans ce sens que la volonté est aussi une faculté de la nature. Or il y a deux natures dans le Christ, l'humaine et la divine. Et par conséquent deux volontés, l'humaine et la divine. D'ailleurs le Christ lui-même l'a affirmé. Luc 22, 42 « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté [humaine], mais la tienne [divine, que nous avons en commun]. »
Honorius a-t-il enseigné l’erreur dans sa lettre à Sergius ?
Il est aisé de répondre que le Pontife n’a point enseigné l’erreur. La lettre est sous les yeux de tout le monde dans les Actes du Ve Concile. On y voit un homme trop circonspect, il est vrai, qui mesure ses termes avec une précaution exagérée, en un mot qui craint de s’expliquer, de peur que sa parole ne produise une sensation quelconque. C’est la prudence du serpent, sans la simplicité de la colombe. Découvre-t-on sous ces faux-fuyants une erreur contre la foi ? Plusieurs l’ont prétendu ; mais ils ne sauraient prévaloir contre l’autorité de saint Maxime, docteur contemporain et le plus puissant adversaire du monothélisme. Ce saint abbé qui joint à ses autres mérites l’honneur de la palme du martyre, défend la pureté de la foi d’Honorius et vénère sa mémoire. On répond aisément aux passages de la lettre de ce Pape que quelques auteurs gallicans ont voulu incriminer, et il ne manque pas de théologiens de leur école qui aient défendu la pleine orthodoxie de la lettre à Sergius. Je citerai Noël Alexandre qui ne sera pas suspect ; auquel j’ajouterai Witasse, Tournely, Regnier, dont les noms sont d’une haute considération en Sorbonne.
« La question d’Honorius est difficile historiquement, et n’est pas de celles que l’on tranche avec de la passion. Essayons d’en donner une idée à ceux qui ne peuvent l’étudier par eux-mêmes.
Honorius qui monta sur le Saint-Siège en 625, gouverna l’Église durant près de treize ans. Consulté insidieusement par Sergius, patriarche de Constantinople, sur la question de savoir si l’on devait reconnaitre en Jésus Christ une seule volonté ou deux volontés, l’une divine et l’autre humaine, le Pontife qui appréhendait qu’une nouvelle hérésie ne s’élevât à ce sujet dans l’Église, crut pouvoir répondre d’une manière évasive, et manqua l’occasion de redresser les mauvais sentiments du patriarche. Il espérait par cette réserve, ainsi que nous l’apprenons du Pape saint Agathon, l’un de ses successeurs, étouffer dans son foyer une erreur qui pouvait produire de grands ravages. Le trop complaisant Pontife se flattait de n’avoir pas trahi la vérité, du moment que dans sa lettre, il insistait sur les deux natures que la foi reconnaît en Jésus Christ ; et en effet, deux natures donnent à conclure deux volontés.
Mais ce qu’il n’avait pas prévu arriva. L’hérésie d’une seule volonté (le monothélisme), favorisée par la politique d’Héraclius à qui cette transaction semblait un moyen, bien illusoire d’ailleurs, d’éteindre l’hérésie d’une seule nature (le monophysisme), qui bravait encore les anathèmes du concile de Calcédoine, s’étendit avec la rapidité d’un incendie, propagée qu’elle était par Sergius de Constantinople et par Cyrus d’Alexandrie. Honorius eut à peine le temps de constater la grandeur d’un mal, qu’il eût été de son devoir de combattre dès l’origine avec plus de résolution.
Deux questions se présentent ici. Honorius a-t-il enseigné l’erreur dans sa lettre à Sergius ? A-t-il, dans cette lettre, parlé comme dit l’École, ex Cathedra ?
A la première question, il est aisé de répondre que le Pontife n’a point enseigné l’erreur. La lettre est sous les yeux de tout le monde dans les Actes du Ve Concile. On y voit un homme trop circonspect, il est vrai, qui mesure ses termes avec une précaution exagérée, en un mot qui craint de s’expliquer, de peur que sa parole ne produise une sensation quelconque. C’est la prudence du serpent, sans la simplicité de la colombe. Découvre-t-on sous ces faux-fuyants une erreur contre la foi ? Plusieurs l’ont prétendu ; mais ils ne sauraient prévaloir contre l’autorité de saint Maxime, docteur contemporain et le plus puissant adversaire du monothélisme. Ce saint abbé qui joint à ses autres mérites l’honneur de la palme du martyre, défend la pureté de la foi d’Honorius et vénère sa mémoire. On répond aisément aux passages de la lettre de ce Pape que quelques auteurs gallicans ont voulu incriminer, et il ne manque pas de théologiens de leur école qui aient défendu la pleine orthodoxie de la lettre à Sergius. Je citerai Noël Alexandre qui ne sera pas suspect ; auquel j’ajouterai Witasse, Tournely, Regnier, dont les noms sont d’une haute considération en Sorbonne .
Sur la seconde question je répondrai que la lettre d’Honorius à Sergius n’a rien de commun avec une définition apostolique. Sergius consulte le Pape sur la question qui agitait l’Orient, et dans laquelle il cherchait à compromettre le Siège apostolique. Honorius, après avoir exprimé clairement la foi sur les deux natures, s’applique à réfuter ceux qui diraient que dans le Christ la volonté humaine aurait pu être en contradiction avec la volonté divine, ou encore qu’il y aurait eu dans le Christ, comme dans l’homme tombé, un penchant qui l’eût incliné du côté opposé au bien. Amené enfin à répondre directement à la lettre captieuse de Sergius, il refuse de s’expliquer, sous prétexte que la question est subtile et du ressort des grammairiens, par lesquels il entend les philosophes. Il cherche à arrêter toute controverse sur le sujet des deux volontés dans le Christ, en imposant le silence, et déclarant que son intention est que l’on ne dise ni une volonté, ni deux volontés. Plus tard, ni essaie d’appliquer cette mesure dans une lettre dont il ne nous reste que des fragments, et qu’il adressa à Cyrus d’Alexandrie et à saint Sophrone de Jérusalem. Je le demande, quand un homme refuse de s’expliquer sur une question qu’on lui propose, a-t-on le droit de dire qu’il a manifesté son sentiment ? Honorius a-t-il enseigné qu’il n’y a dans le Christ qu’une seule volonté ? Nul ne pourrait le dire, sans calomnier ce, Pontife. A-t-il enseigné que l’on ne doit pas reconnaître dans le Christ deux volontés ? le prétendre, serait tout aussi injuste. Il n’y a donc qu’une seule conclusion à tirer de la lettre à Sergius ; c’est qu’Honorius n’a rien voulu décider, et qu’il n’a rien décidé en effet.
J’amènerai un rapprochement historique. A la suite des célèbres Congrégations de Auxiliis, Paul V finit par laisser les thomistes et les molinistes dans la liberté de suivre le sentiment respectif de leur école ; leur intimant seulement la défense de se traiter réciproquement d’hérétiques. Dira-t-on que Paul V, dans cette occasion, ait rendu une définition dans un sens ou dans un autre ? La situation est la même pour Honorius. Il a eu tort, sans doute, de croire qu’en imposant le silence sur la question des deux volontés, il éteindrait une controverse dont il ne voyait pas l’importance, et qui devait enfanter une hérésie formidable ; mais la faute qu’il a commise ne consiste pas dans ce qu’il a enseigné ; elle est tout entière en ce que, mis en demeure d’enseigner, il a refusé de le faire, cherchant à étouffer la controverse, au lieu de la résoudre. »
(Dom Prosper Guéranger, Défense de l’Église romaine contre les accusations du Révérend Père Gratry)
Dans sa longue explication dogmatique, Honorius fait bien voir sans doute qu’il ignore le fond du débat, mais il n’émet point d’opinion hérétique ou erronée. Il distingue très-exactement les deux natures demeurées distinctes, et ne blesse aucun dogme de l’Église. S’il parle d’une seule volonté en Jésus-Christ, c’est en ce sens seulement que le Verbe a pris la nature humaine, et non son péché, qu’il s’est revêtu de l’humanité telle qu’elle était avant la chute et sans la concupiscence, de sorte qu’il n’y a pas en Jésus-Christ deux volontés humaines contradictoires, celle de l’esprit et celle de la chair, et que la volonté humaine de Jésus-Christ se conforme, se soumet entièrement à la volonté divine. C’est ce que prouvent et les propres paroles du pape relatives à ce qu’avait dit Sergius sur la résistance de la volonté humaine à la passion, et les textes de saint Augustin cités presque textuellement par Honorius, et qui, à les prendre à la lettre, ne sauraient s’entendre dans un sens hérétique, et enfin les déclarations des contemporains compétents : l’abbé Jean, qui fut l’inspirateur de la lettre du pape saint Maxime, l’adversaire le plus résolu du monothélisme, et le pape Innocent IV.
La lettre d’Honorius ne contient aucune erreur dogmatique, mais elle n’atteste pas non plus beaucoup de sagacité et de pénétration ; c’était, en pratique, une bévue, car les ennemis de la foi allaient s’en servir comme d’une arme, contrairement aux prévisions d’Honorius, qui du reste n’était pas un Léon le Grand. Ajoutons qu’en refusant de donner une solution et en laissant l’affaire indécise, suivant le conseil de Sergius, il servait les intérêts du monothélisme. Dans le principe, on fit peu d’attention au premier (et au second) écrit d’Honorius, qui était d’une nature privée, et ce ne fut qu’après la mort de ce pape et de Sergius que les monothélites l’invoquèrent. Il n’est pas douteux qu’Honorius lui-même se fût élevé contre eux, s’il avait survécu à l’abus qu’on fit plus tard de son autorité et aux progrès de l’hérésie. Son seul dessein était de ne pas troubler l’union existante, d’empêcher le retour des subtilités grecques, de conserver la foi ancienne et de prévenir de nouvelles controverses. Le terme « d’énergie » n’était pas encore fixé par l’autorité ecclésiastique.
Vous vous moquez éperdument d'Honorius
Vous êtes là en mission commandée pour tenter de disqualifier le livre de de Mattei
Et on ne voit pas pourquoi on croirait davantage vos sources que les autres !
Enfin, défendre les papes ou la papauté est une chose, mais faire des papes des êtres semi-divins n’est pas catholique !
Le saint Évangile, en saint Matthieu, chapitre XVl, nous apprend que le Sauveur voulant récompenser Simon, son disciple, du témoignage qu’il venait de rendre à sa divinité, lui dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. »
Évidemment le Seigneur voulait, en retour, accorder à cet apôtre une prérogative qu’il ne conférait pas aux autres, puisqu’il ne parlait qu’à lui seul, puisque lui seul avait répondu à la question que Jésus venait de faire à tous.
Dans cette circonstance, Jésus parle de son Église pour la première fois. Il annonce l’intention de la bâtir lui-même ; mais il pose déjà le fondement sur lequel il l’établira.
Un fondement posé par Dieu lui-même ne saurait manquer. Si l’édifice qu’il porte doit durer, c’est au fondement inébranlable qu’il le devra. Jésus donne donc à Simon une qualité qu’il n’avait pas auparavant. Jusque-là il était simple apôtre comme les autres ; désormais il est mis à part, Son nom est changé ; il s’appellera la Pierre. Or, la Pierre est un des noms prophétiques du Christ lui-même. Le Messie est annoncé comme devant être la Pierre choisie, angulaire, fondamentale.
C’est donc son propre nom que Jésus donne à Simon, comme s’il lui disait : « Je suis la Pierre inviolable, la Pierre angulaire, qui réunis en un deux choses ; je suis le fondement auquel nul n’en peut substituer un autre ; mais toi aussi, tu es Pierre ; car ma force devient le principe de ta solidité, en sorte que ce qui m’était propre et personnel à ma puissance te devient commun avec moi par participation. »
Pierre est donc, avec Jésus-Christ et en Jésus-Christ, le fondement de l’Église, et l’Église ne saurait exister en dehors de ce fondement inébranlable. Qui dit Pierre, dit toute la suite de ses successeurs, parce que Pierre ne peut mourir ; autrement, l’Église n’ayant plus de fondement ne subsisterait pas. Les prérogatives de Pierre sont personnelles en lui et en toute la succession des Pontifes romains, que la tradition tout entière a reconnu ne former avec lui qu’une seule personne, quant aux droits du Pontificat.
Le fondement est unique, super hanc Petram, parce qu’il n’y a qu’un seul Christ ; il est unique, parce qu’il n’y a qu’une seule Église. Tout doit reposer sur ce fondement, et les apôtres et les disciples ; et les évêques et les prêtres et le peuple fidèle, en un mot l’Église tout entière : super hanc Petram aedificabo Ecclesiam meam.
En posant ce fondement, Jésus-Christ devait le rendre inébranlable, le garantir de la chute ; autrement, le fondement entraînerait avec lui l’édifice, ou l’édifice devrait désormais reposer sur un autre fondement. Or, d’un côté, l’Église ne peut périr ; de l’autre, elle n’est l’Église que parce qu’elle est établie sur la Pierre. La Pierre donc ne peut faillir. Si le Pontife romain pouvait enseigner l’erreur, ou l’Église le suivrait, et elle cesserait d’être l’Église, s’étant séparée de la foi qui est son élément vital ; ou elle ne reposerait plus sur celui auquel Jésus-Christ l’a superposée, et elle perdrait le caractère de la vraie Église. L’un et l’autre étant contraires aux promesses de Jésus-Christ, il suit des paroles du Sauveur que le Pape enseignant l’Église, est personnellement infaillible.
En saint Luc, chapitre XXll, on lit ces paroles du Sauveur à saint Pierre : » Simon, Simon, Satan a demandé à vous passer tous au crible comme le froment ; mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères. »
La tradition de l’Orient comme de l’Occident a vu dans ces paroles, non point un incident particulier de la vie de saint Pierre, mais une prérogative distincte accordée à cet apôtre comme chef de toute l’Église et continuée dans ses successeurs.
Les apôtres sont en péril de la part de Satan ; Jésus pourrait les secourir directement ; il ne le fait pas. Leur foi court des risques ; ce sera Pierre qui les sauvera. Il suffit pour cela que sa foi ne défaille pas ; car bâtis sur Pierre, ils doivent croire comme lui. Le Sauveur intervient dans telle œuvre merveilleuse, en obtenant par sa prière divine que la foi de Pierre soit toujours ferme et stable. Fort de cet appui quai ne peut manquer, Pierre sera la force de ses frères. Confirmés par lui, ils résisteront aux pièges et aux violences de Satan ; et cet heureux résultat dans lequel Pierre n’est que l’instrument sera dû à l’efficacité de la prière du Fils de Dieu. » Ainsi donc, dit saint Léon, c’est dans Pierre a que la force de tous les autres est garantie, et le secours de la grâce divine est ordonné de cette manière, que la solidité accordée à Pierre par le Christ est conférée par Pierre aux apôtres. » Pierre qui ne peut mourir, puisque l’Église vit par lui, sera le docteur universel dans toute la suite de ses successeurs ; l’Église devra à Pierre l’immutabilité dans la foi qui pour elle est la vie, et tout l’honneur en revient à la miséricordieuse bonté du Sauveur qui a opéré cette merveille par sa prière.
Lors donc que Jésus-Christ déclare que la foi de Pierre ne manquera jamais, ne dit-il pas par là même que Pierre sera infaillible dans son enseignement ?
Lorsqu’il lui donne la charge de confirmer dans la foi ses frères, ne nous apprend-il pas par là même que la permanence de Pierre dans la foi ne lui vient pas de ses frères, mais que celle dont ils jouissent eux-mêmes leur vient de la confirmation de l’affermissement que Pierre leur confère. Or c’est dans l’ordre de la foi que cette prérogative est donnée distinctement à Pierre, et en lui au Pontife romain ; la conclusion ne saurait donc être autre que celle-ci : Le Pontife romain est personnellement infaillible dans l’enseignement de la foi.
En saint Jean, chapitre XXI, Jésus-Christ, en présence de ses apôtres, demande à saint Pierre l’assurance de son amour. Par deux fois il lui dit : « Pais mes agneaux, » et une dernière fois : » Pais mes brebis. » La conversion de Pierre avait au lieu, le Sauveur sous peu de jours allait quitter la torée, le moment était venu d’établir dans ses fonctions celui que Jésus avait annoncé, lorsque parlant de son Élise, il avait dit : » Il n’y aura qu’une seule bergerie et un seul Pasteur. » De même qu’il avait admis Simon fils de Jean en participation de sa qualité divine de Pierre, ainsi, après s’être lui-même représenté sous le nom et les traits d’un Pasteur, il lui conférait ce même titre sur le troupeau tout entier, sur les agneaux et sur les brebis. Il est d’autres Pasteurs qui paissent le troupeau, mais Pierre est le Pasteur des Pasteurs, et par là, l’unité est dans la bergerie. C’est ce qu’exprime avec tant de vérité cet ancien évêque des Gaules, dont les Sermons nous ont été conservés sous le nom d’Eusèbe Émissène : « Le Christ, dit-il, confie d’abord à Pierre les agneaux, puis les brebis, parce qu’il ne le fait pas seulement Pasteur, mais Pasteur des Pasteurs. Pierre paît donc les agneaux et il paît aussi les brebis ; il paît les petits et il paît les mères ; il gouverne les sujets et ceux qui leur commandent. Il est donc le Pasteur de tous ; car après les agneaux et les brebis, il n’y a plus rien dans l’Église. »
La première charge du Pasteur est d’enseigner le troupeau ; car le troupeau ne peut vivre que de la vérité. Si le Pasteur qui paît les agneaux et les brebis au nom du Maître, enseignait l’erreur, ou il pervertirait les agneaux et les brebis qui sont sous sa garde, et le troupeau périrait ; ou les brebis repousseraient le Pasteur, et l’unité ne serait plus dans la bergerie. Or, les promesses de Jésus-Christ nous assurent que ni l’un ni l’autre de ces malheurs n’est possible, puisqu’il s’ensuivrait le renversement de l’Église ; il faut donc conclure que le Pontife romain, par cela même qu’il est le Pasteur universel, jouit de l’infaillibilité personnelle dans la doctrine. (Dom Guéranger, De la Monarchie Pontificale)
Les lettres du Pape Honorius sont dépourvues de ces caractéristiques. Elles sont indubitablement des actes du Magistère, mais dans le Magistère ordinaire non infaillible il peut y avoir des erreurs et même, dans des cas exceptionnels, des formulations hérétiques. Le pape eut tomber dans l’hérésie, mais il ne pourra jamais prononcer une hérésie ex cathedra.
« Ce n’est pas tout. Il s’est écoulé quarante ans depuis la mort d’Honorius jusqu’à la tenue du VIe Concile qui devait condamner avec tant d’éclat le monothélisme. Durant cet intervalle rempli par les progrès de cette hérésie, quel mouvement remarquons-nous dans l’Église ? Voit-on les évêques orthodoxes tentés d’abonder dans le sens de la nouvelle secte ? Les voit-on la ménager sous prétexte que le silence aurait été prescrit à son égard ? Loin de là, le soulèvement des prélats catholiques est à son comble. De toutes parts, ils appellent du secours, et ce secours, où vont ils le réclamer ? Auprès du Pontife romain, dont ils sollicitent avec instance la décision sur les deux volontés dans le Christ. C’est saint Sophrone de Jérusalem, et son premier suffragant Étienne de Dora, ce sont les métropolitains de la Numidie, de la Byzacène, de la Mauritanie ; c’est Victor de Carthage, Sergius de Chypre, Théodore, abbé de Saint Sabbas, au nom des moines grecs, Thalassius, au nom des moines arméniens, George, au nom de ceux de Cilicie. Toutes ces lettres qui arrivent au saint Pape Martin Ier et sont insérées dans les Actes de son Concile de Rome, témoignent de la foi la plus vive dans l’infaillibilité du successeur de Pierre, et implorent avec ardeur la condamnation du monothélisme. Dans toutes ces lettres, pas la moindre mention d’Honorius, ni de la défense qu’il eût faite de parler tant d’une volonté, que de deux volontés. Partout la même confiance dans l’inviolable fidélité du Siège de Rome à la vraie foi, partout la conviction que ce Siège n’a pas encore prononcé sur la question. Dix années déjà sont pourtant écoulées depuis la mort d’Honorius. Que conclure de ces faits irrécusables, sinon que la lettre d’Honorius à Sergius est demeurée inconnue dans l’Église, en sa qualité d’écrit privé, ou que si elle s’est répandue dans une certaine mesure, personne n’a reconnu dans cette pièce les caractères d’un jugement apostolique. » (Dom Prosper Guéranger, Défense de l’Église romaine contre les accusations du Révérend Père Gratry)
La foi catholique fut finalement restaurée par le IIIème Concile de Constantinople, VIème Concile œcuménique de l’Eglise, qui fut réunit le 7 novembre 680 en présence de l’empereur Constantin IV et des représentants du nouveau pape Agathon (678-681). Le Concile condamna le monothélisme et jeta l’anathème sur tous ceux qui avaient promu et favorisé l’hérésie, incluant dans la condamnation le pape Honorius. (Roberto de Mattei)
Lors de la XIIIème session, qui se tint le 28 mars 681, les Pères conciliaires, après avoir proclamé qu’ils voulaient excommunier Sergius, Cyr d’Alexandrie, Pyrrhus, Paul et Pierre, tous patriarches de Constantinople, et l’évêque Théodore de Pharan, affirment : « Avec eux nous sommes d’avis de bannir de la sainte Église de Dieu et d’anathématiser également Honorius, jadis pape de l’ancienne Rome, car nous avons trouvé dans les lettres envoyées par lui à Sergius qu’il a suivi en tout l’opinion de celui-ci et qu’il a sanctionné ses enseignements impies » (Mansi, XI, col. 556). (Roberto de Mattei)
Le 9 août 681, à la fin de la XVIème session, furent réitérés les anathèmes contre tous les hérétiques et les fauteurs d’hérésie, y compris Honorius : « Sergio haeretico anathema, Cyro haeretico anathema, Honorio haeretico anathema, Pyrro, haeretico anathema » (Mansi, XI, col. 622). Dans le décret dogmatique de la XVIIIème session, le 16 septembre, il est dit que « comme celui qui dès l’origine fut l’inventeur de la malice et qui, se servant du serpent, introduisit la mort venimeuse dans la nature humaine, ne resta pas inactif, ainsi aujourd’hui encore, ayant trouvé les instruments adaptés à sa propre volonté : nous voulons dire Théodore, qui fut évêque de Pharan ; Sergius, Pyrrhus, Paul, Pierre, qui furent prélats de cette ville impériale ; et encore Honorius qui fut pape de l’ancienne Rome (…); ayant trouvé, donc, les instruments adaptés, il ne cessa, à travers eux, de susciter dans le corps de l’Eglise les scandales de l’erreur ; et par des expressions inédites répandit parmi le peuple fidèle l’hérésie d’une seule volonté et d’une seule opération en deux natures d’une (personne) de la sainte Trinité, du Christ, notre vrai Dieu, en harmonie avec la fausse doctrine des impies Apollinaire, Sévère et Témiste » (Mansi, XI, coll. 636-637). (Roberto de Mattei)
La condamnation d’Honorius fut confirmée par les successeurs de Léon II, comme l’atteste le Liber diurnus romanorum pontificum, et par le septième (787) et le huitième (869-870) Concile œcuménique de l’Eglise (C. J. Hefele, Histoire des Conciles, Letouzey et Ané, Paris 1909, vol. III, pp. 520-521).
À l’approche du concile Vatican I, avant que fût promulguée l’infaillibilité pontificale, de nombreux théologiens et historiens travaillaient activement et favorablement à la définition du nouveau dogme. La minorité pourtant tenait bon et affectait de regarder comme la pensée d’un docteur privé les assertions de Pie IX :
« La minorité demeure ce qu’elle était, écrivait l’évêque du Mans à Dom Guéranger (Lettre du 27 avril 1870) : elle ne veut que gagner du temps et attend telles circonstances qui dissoudraient le concile avant que la question fût terminée. Elle nous a inondés de brochures à l’approche des fêtes de Pâques. Vous avez reçu celle du cardinal Rauscher en latin teutonique. Je ne sais si vous connaissez celle de Ketteler qui est un abrégé de Mgr de Sura, celle du cardinal de Schwarzemberg qui repose tout entière sur la distinction du siège et de la personne. II y a eu enfin celle du Dr Hefele, évêque de Rottenburg, qui, revenant sur ce qu’il a écrit dans son Histoire des conciles, soutient qu’Honorius a erré comme pape et a été condamné comme tel par le sixième concile. Il vous passe complètement sous silence.
Tout ce fracas allemand, mon bien cher père, n’a en rien détruit l’heureuse impression produite par vos écrits, et je ne crois pas être aveuglé par l’amitié en vous assurant qu’ils ont été le plus important événement du concile. Votre article sur la lettre de l’évêque d’Orléans est de nature à éclairer les esprits fascinés par son éloquence brillante et tumultuaire. »
En Belgique, nous avons eu également un grand défenseur de l’infaillibilité pontificale en la personne de l’archevêque de Malines, Mgr Dechamps. Il vaut la peine de consulter son ouvrage L’infaillibilité et le Concile général, paru peu avant le Concile.
Le but de l’auteur, primat de Belgique et futur cardinal, était de démontrer au grand public que l’infaillibilité du Saint-Siège en matière de foi est « une croyance aussi ancienne et aussi catholique que l’Église elle-même » (p. 5).
Mgr Manning, si l’on prend les choses à la lettre et à la rigueur, a évidemment encouru l’excommunication ipso facto ou latae sententiae, énoncée dans le titre I de la récente bulle de Pic IX. Voici les termes de ce titre I :
« Sont soumis à l’excommunication ipso facto ou latae sententiae tous et chacun des hérétiques de tout espèce de nom, aussi bien que tous ceux qui les favorisent et les défendent de quelque manière que ce soit. »
Ainsi donc, mon cher Père, Monseigneur Manning est bien et dûment excommunié, du moins à vos yeux, car il connaît aussi bien que vous les textes des Conciles qui condamnent Honorius.
Mais si cette excommunication atteint Mgr Manning, savez-vous qui elle atteint encore ?
Un personnage fort considérable dans l’Église va vous le dire. Voici ses paroles :
« Nos adversaires (et vous êtes de ce nombre, mon Père*), nos adversaires accusent également le Pape Honorius d’avoir adhéré dans ses lettres au sentiment de Sergius, chef des Monothélites, lequel propageait cette erreur, qu’il n’y a en Jésus-Christ qu’une seule volonté et une seule opération. — Mais saint Maxime et Jean IV ont justifié Honorius en disant que ses lettres pouvaient très bien s’expliquer dans un sens catholique. Le fait est qu’Honorius tenait réellement l’opinion orthodoxe, à savoir, qu’il y avait en Jésus-Christ deux volontés et deux opérations ; mais l’erreur de Sergius étant venue à se produire, Honorius, pour éteindre le schisme et en même temps pour ne pas provoquer le soupçon qu’il adhérait, soit au sentiment des Eutychiens, soit à celui des Nestoriens, qui reconnaissaient en Jésus-Christ deux personnes. Honorius, dis-je, signifia par lettre à Sergius, qu’on ne parlât ni d’une ni de deux opérations. Voici du reste ses paroles : Repoussant donc, comme nous l’avons dit, le scandale de l’invention nouvelle, nous ne devons proclamer ni une ni deux opérations ; mais au lieu d’une opération, comme disent quelques-uns, nous devons confesser en toute sincérité un seul Seigneur opérant dans l’une et l’autre nature ; et au lieu de deux opérations ; il faut proclamer avec nous, en laissant de côté l’expression de deux opérations, que les deux natures, c’est-à-dire celle de la divinité et celle de l’humanité, dans la seule personne du fils unique de Dieu, opèrent sans confusion, sans division, et sans altération, chacune ce qui lui est propre. Auferentes ergo, sicut diximus, scandalum novellae adinventionis, non nos oportet unam vel duas operationes praedicare, sed pro una quam quidam dicunt operatione, oportet nos unum operatorem Christum Dominum in utrisque naturis veridice confiteri, et pro duabus operationibus, ablato geminae operationis vocabulo, ipsas potius duas naturas id est divinitatis et carnis assumptae, in una persona Unigeniti Dei Patris, inconfuse, indivise, atque inconvertibiliter nobiscum praedicare propria operantes. Ainsi Honorius déclare qu’il y a en Jésus-Christ un seul opérateur, mais deux opérations, selon les deux natures qui étaient unies dans sa personne, et dont chacune avait ses opérations propres. — Il exprime en peu de mois la même chose dans sa première lettre à Sergius : Jésus-Christ, dit-il, opère dans les deux natures ce qui est de la divinité et ce qui est de l’humanité : In duabus naturis (Christum) operatum divinitus atque humanitus. — Qu’Honorius ait réellement partagé le sentiment qui admet deux volontés, celle de la divinité et celle de l’humanité, c’est que démontrent plus manifestement encore ces autres paroles de sa seconde lettre : Nous devons confesser deux natures unies par unité naturelle dans un même Jésus-Christ et agissant chacune avec la participation de l’autre : la nature divine opère ce qui est de Dieu, la nature humaine exécute ce qui est de la chair, tandis que les différences des natures demeurent entières : Utrasque naturas in uno Christo unilate naturali copulatas cum alterius communione operantes, atque operatrices confiteri debemus : et divinam quidam, quae Dei sunt operantem, et humanam quae carnis sunt exequentem… naturarum differentias integras confitentes1. Si donc il affirme qu’il y avait en Jésus-Christ deux natures opérant chacune sans rien détruire de la différence qui existe entre elles, il tenait par conséquent aussi qu’il y avait en lui deux volontés. Et s’il a écrit ces paroles : Nous ne devons proclamer ni une ni deux opérations : Non nos oportet unam vel duas operationes praedicare, c’est qu’il appréhendait en disant : « une opération, » de favoriser l’hérésie d’Eutychès, et en disant « deux opérations, » de favoriser l’hérésie de Nestorius.
« Il importe peu que, dans la même lettre, Honorius ait écrit qu’il n’y avait eu qu’une seule volonté en Jésus-Christ : Unam volunlatem fatemur Domine nostri Jesu Christi ; car il s’est exprimé de la sorte à cause de ce que Sergius lui avait écrit, à savoir, que dans l’opinion de quelques-uns, Jésus Christ, comme homme, avait deux volontés contraires, celle de l’esprit et celle de la chair qui est en nous par suite de la faute d’Adam, C’est là ce que nous attestent le Pape Jean IV et saint Maxime ; c’est là aussi ce qu’affirment Tournely et Berti ; c’est là enfin ce que dit Noël Alexandre lui-même, lorsqu’il écrit : Honorius a parié dans un sens catholique, attendu qu’il n’a point nié d’une manière absolue deux volontés en Jésus-Christ, mais seulement deux volontés contraires : Locutus est (Honorius) mente catholica, siquidem absolute duas voluntates Chrisli non negavit, sed voluntates pugnantes. Cette explication paraît évidente par la raison que le Pape Honorius apporte dans sa lettre pour justifier son expression : Nous reconnaissons, dit-il, une seule volonté en Jésus-Christ, parce que la divinité a pris, non pas notre péché, niais notre nature, telle qu’elle a été créée avant le péché, et non telle qu’elle a été viciée après la prévarication…. Le Sauveur n’a donc pas pris une nature viciée, qui combattrait contre la loi de l’esprit, etc. : Unam voluntatem fatemur Domini Jesu Christi, quia pro facto a divinitate assumpta est nostra natura, non culpa ; illa profecto quae ante peccatum creata est, non quae post praevaricationem vitiata. Non est itaque assumpia, sicut praefati sumus, a Salvatore vitiata natura quae repugnaret legi mentis ejus etc.
« Mais, nonobstant cela, répliquent nos adversaires, Honorius a été condamné comme hérétique dans l’Action treizième du VIe Concile œcuménique, en même temps que Cyrus, Sergius, Pyrrhus cl autres Monothélites.
« Mais si parmi les noms des hérétiques, le Concile a cité réellement celui d’Honorius, Bellarmin, Tournely et Berti, d’accord avec le Cardinal Turecremata, assurent qu’il lut condamné par suite d’une erreur de fait dans laquelle de fausses informations entraînèrent les Pères du Synode ; et en cela, le Concile n’est pas tombé dans une erreur de fait dogmatique (car, sous ce rapport, ni le Pape ni le Concile œcuménique ne peuvent errer) mais dans une erreur de fait particulier, par suite des fausses informations résultant de ce que la lettre d’Honorius avait été mal traduite du latin en grec ; ce qui induisit les Pères à croire que le Pape avait écrit à Sergius dans un esprit hérétique. Or, tous les auteurs sont d’accord à admettre que les Conciles généraux eux-mêmes peuvent tomber dans une erreur de cette espèce — D’autre part, que le Concile soit réellement tombé dans cette erreur de fait, c’est ce que prouvent les pièces écrites pour la défense d’Honorius par Jean IV, Martin 1er, saint Agathon, Nicolas Ier, et le Concile de Rome tenu sous le même pape Martin, lesquels ont mieux compris les lettres d’Honorius que les Pères grecs du Synode.
« C’est pourquoi les auteurs plus anciens, qui ont écrit sur cette question en plus grand nombre que les modernes, se sont abstenus de qualifier Honorius d’hérétique : tels sont saint Maxime, Théophane, Zonaras, Paul diacre, et même Photius3, cet ennemi déclaré de l’Eglise Romaine. Tous ces auteurs sont cités par Bellarmin, qui ajoute que tous les historiens latins, tels qu’Anastase, Beda, Flavius Blondus, Nauclérus, Sabellicus, Platina et d’autres, appellent Honorius un Pape catholique. — Dailleurs, comme disent Bellarmin, Turrecremata, Melchior Cano, Petit-Didier et Combefis, si Honorius avait embrassé dans ses lettres l’erreur de Sergius, il aurait failli comme homme privé dans ces mêmes lettres, qui n’étaient pas des encycliques, mais des écrits privés et nullement comme Pontife et Docteur universel de l’Église.
« Mais, en présence des passages que nous avons empruntés ci-dessus à ces lettres d’Honorius, il nous est impossible de comprendre comment on pourrait le condamner comme hérétique. Toutefois, c’est bien la vérité qu’exprime Léon II, quand il écrit aux évêques d’Espagne que, bien que le pape Honorius ne soit pas tombé dans l’hérésie des Monothélites, il n’est cependant pas exempt de faute, parce que, dit-il, il n’a pas éteint, comme il était du devoir de l’autorité Apostolique, la flamme naissante d’un dogme hérétique, mais qu’il l’a entretenue par sa négligence : Flammam haerelici dogmatis non : ut decuit Aposolicam auctoritalem, incipientem extinxit, sed negligendo confovit. Il devait, dès le principe, retrancher l’erreur, et c’est sous ce rapport qu’il a manqué. »
Quel est donc l’audacieux qui parle ainsi ?
Saint Alphonse de Liguori, dans l’ouvrage que N.S.P. le Pape Pie IX vient de recommander à l’occasion du Concile.