Le Forum Catholique

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images/icones/neutre.gif  ( 713268 )Abbé Barthe: Une analyse de l'élection du pape François par Theonas (2013-03-22 21:33:59) 

Un entretien avec l’abbé Claude Barthe

— L’élection du premier pape du nom de François est vécue comme un grand changement. Est-ce aussi votre avis ?

— Fondamentalement, non. Malheureusement, non. Je veux dire que le contexte de cette élection est celui d’une crise, sans aucun précédent dans l’histoire de l’Église, de la foi, de la transmission de la foi, de la catéchèse, crise qui ne cesse de croître. Elle est liée à un démantèlement de la liturgie romaine qui la reflète et l’accentue. Elle se propage en outre par une sécularisation (et un effacement) du clergé et des religieux, et une perte étonnante chez tous du sens du péché, qui banalise en somme la sécularisation du point de vue moral. On parlait jadis de croyants non pratiquants. Or, aujourd’hui, en France et dans un certain nombre de pays d’Occident, la pratique devient résiduelle et, en outre, les pratiquants qui restent sont bien loin d’être tous des croyants. Dans le reste du monde, notamment dans des pays où le nombre des prêtres est important voire croissant, la montée de l’hétérodoxie et de l’absence de formation théologique est plus qu’angoissante. Cette tempête qui secoue l’Église au sein de l’ultra-modernité et d’un monde agressivement sécularisé réduit considérablement l’événement de l’élection pontificale du 13 mars, par ailleurs important. Mais la réalité massive reste inchangée : la barque prend eau de toute part, pour citer le pape précédent.

— Qui est le pape François ?

— Il est né en 1936 en Argentine d’une famille d’émigrés italiens (il a 76 ans, c’est-à-dire à quelques mois près l’âge auquel a été élu le pape Jean XXIII). Il est entré chez les jésuites, a été provincial de son ordre en Argentine, de 1973 à 1979. Jean-Paul II l’a nommé évêque auxiliaire de Buenos Aires en 1992, puis coadjuteur (avec droit de succession) en 1997. Il devint archevêque de la capitale d’Argentine en 1998, cardinal en 2001, et véritable chef de l’Eglise d’Argentine.

Mais j’imagine que c’est son profil ecclésiastique que vous me demandez. Formellement, c’est un pur produit du moule ignacien, en tout cas du moule ignacien côté supérieurs. Le nouveau pape est un homme d’une très forte personnalité, ayant un sens puissant de l’autorité. On a déjà comparé sa personnalité à celle de Pie XI, mais pour ma part, je le comparerais plutôt au cardinal Benelli, qui a dominé longtemps la Curie de Paul VI.

Jésuite très fidèle à ses devoirs, c’est un ascète, qui se lève aux aurores, fait chaque jour une heure d’oraison. Ayant une très grande puissance de travail, une mémoire étonnante, une intelligence souple, il a une remarquable capacité de contrôle direct de ce qu’il régit (il n’a pratiquement jamais eu de secrétaire particulier). Ceci dit, il est plus ardu de gouverner l’Eglise universelle que l’Eglise d’Argentine, surtout à 76 ans, vivant depuis l’âge de 21 ans avec pratiquement un seul poumon et étant tout de même réellement fatigué depuis quelques années. Quant à redresser une situation ecclésiale, qui aujourd’hui le peut ? Le pape François quitte un diocèse, celui de Buenos Aires, affligé d’une grave crise des vocations et miné par la sécularisation, à l’image de tant de diocèses dans des terres qui furent jadis de chrétienté.
la suite sur le site de Présent (lien modifié par XA)
images/icones/fleche2.gif  ( 713298 )Remarques par l'abbé Pépino (2013-03-22 23:32:59) 
[en réponse à 713268]

Les analyses de l'abbé Barthe sont toujours captivantes. Il est clair que la crise est immense et que cette élection- compte tenu de l'âge du pape- ne changera pas fondamentalement la donne. En revanche l'abbé Barthe semble sous estimer le poids des signes venus d'en haut en particulier en liturgie. Et là je crains que nous soyons face à une crise profonde; Pourquoi Benoit XVI n'a-t-il pu aller plus loin dans la réforme? Je pense que l'élection de ce pape est une condamnation explicite de la pensée et de l'action de Benoit XVI en liturgie de la part de nombre de cardinaux et derrière eux d'évêques. Il faut se rappeler les propos de Benoit XVI devant les évêques français à Lourdes en 2008 pour leur demander d'appliquer Summorum Pontificum ; la pilule n'est jamais passée et aujourd'hui on voit le visage ébloui de nombre d'évêques français suite à l'élection du cardinal Bergoglio.. cela en dit long. C 'est pourquoi la grande famille de Summorum POntificum peut s'inquiéter et je ne pense pas que l'abbé Barthe voit clair pour le coup dans cette affaire avec tout le respect que je lui porte. Certains pensaient que la page "progressiste" était définitivement tournée eh bien il n'en est rien et là l'abbé Barthe a raison car le fond du problème qui est théologique n'est pas réglé. C'est une crise de la foi avant tout. Ce qui veut dire aussi qu'il faut redoubler de prière et surtout pour le pape.
images/icones/neutre.gif  ( 713327 )L'abbé Barthe lâche, sans autre forme de procès et sauf le grand respect que je lui dois par le torrentiel (2013-03-23 07:04:36) 
[en réponse à 713298]

la réforme de la réforme sur laquelle il avait pourtant parié au point d'en tirer un livre: "La messe à l'endroit".


Je ne sais pas de quand date, dans sa pensée, l'irruption de "l'herméneutique de la tradition".


Mais je suis d'accord avec lui qu'il vaut mieux avoir affaire à une pensée toute nue qu'à des apprêts compliqués et un rien casuistiques comme "la Réforme de la Réforme dans la continuité", qui contient une contradiction dans les termes, avec un pôle positif et un pôle négatif, comme l'a très bien exposé mgr fellay dans sa conférence de "clarifications nantaises".


Je sais qu'on est en train de célébrer l'anniversaire du concile, que beaucoup continuent de surestimer ou de dévaluer. Mais je me demande si l'élection du nouveau pape ne fait pas retentir la voix d'autres grands oubliés de l'eglise, que sont les "catholiques évangéliques", auxquels je me sens appartenir, avec ce goût pour la piété populaire et la "théologie spirituelle" et "pratique", qui sait tirer une homélie très bien charppentée de curé de paroisse, pour reprendre l'en-tête d'un autre fil, en tirant ceux (les fils) des "textes du jour".


Je ne sais pas si la catégorie des "catholiques évangéliques" à piiété populaire et qui aiment se trouver face à la "lettre nue" de l'evangile va faire beaucoup plus qu'émerger. Mais qu'elle émerge, c'est déjà pas mal, et c'est ce qu'a permis la non "parenthèse" benoît XVI au courant traditionaliste de faire pour être intégrée à des discussions plus "posées", pour reprendre l'analyse et le mot de l'abbé barthe. La liturgie romaine ne méritait pas plus que le désir de conformation aux evangiles cet enterrement de première classe, sous l'omniprésence des différents progressismes unilatéraux, scientistes, exégétiques ou sociétaux, qui ont monopolisé le ministère de la parole dans l'eglise, favorisés qu'ils y étaient par la focalisation de tous sur le concile. Je ne dis pas avoir l'intuition que le tout nouveau pape va "le déposer", mais peut-être va-t-il nous déshabiller de ses oripeaux, et nous permettre de continuer notre histoire de l'Eglise, qui ne s'est pas arrêtée avec le Concile et qui n'a pas non plus besoin, pour reprendre, d'un nouveau concile.
images/icones/neutre.gif  ( 713338 )Ce n'est pas ce que j'ai lu : par Emmanuel (2013-03-23 09:11:59) 
[en réponse à 713327]

Ce serait mal connaitre l'abbé Barthe que de penser qu'il lache la réforme de la réforme. D'ailleur, cette réforme de la réforme que d'aucuns lui reproche sévèrement, n'est pas une posture intellectuelle, une sorte de ralliement au rite permissif ordinaire, mais plutôt une analyse réaliste de la situation (le rite ordinaire est celui qui est universellement célébré, à quelques exceptions près) et une hypotèse de correction des "insufisances" de ce rite.

Dans le texte ci-dessus, j'y vois ce même réalisme ; autant à l'élection de Benoit XVI on pouvait raisonnablement penser que celui-ci ferait la réforme de la réforme (vu que c'était une grande idée du cardinal Ratzinger) autant avec le pape François, on peut raisonnablement penser qu'il n'y aura malheureusement pas de bouleversement liturgique. La réforme de la réforme est mis en pause par le haut, mais elle continue de se diffuser par le bas, la demande des fidèles et surtout, l'action des nouveaux prêtres qui continueront de bénéficier de Summorum Pontificum.
images/icones/neutre.gif  ( 713348 )Pourtant, c'est ce que j'ai entendu par le torrentiel (2013-03-23 10:10:15) 
[en réponse à 713338]

dans une émission de "radio courtoisie" où l'abbé barthe se disait content qu'on en finisse avec "l'herméneutique... de la réforme dans la continuité".


je vous l'accorde, il ne dit pas sa satisfaction dans cet article, et "la réforme de la Réforme" était la conséquence de "l'herméneutique de la Réforme... dans la continuité".


Il est probable que l'abbé barthe ait jugé réaliste d'utiliser "la réforme de la Réforme" dans le cadre d'une célébration plus romaine de la forme ordinaire du rite romain.


Mais la Réforme de la Réforme était issue de ce dont on s'était accoutumé à parler sous le nom elliptique d'"herméneutique de la continuité".


Se détacher déjà du prémice herméneutique sous prétexte que le pape qui l'a promus n'est plus en fonction, c'est abandonner la justification théologique donnée par le chef de l'eglise le plus récent -et sur qui M. l'abbé barthe avait fondé beaucoup d'espoir- de "restaurer" la liturgie.


L'abbé Barthe dit lui-même ici qu'on se retrouve en face de "la lettre nue" du concile et devant "la réforme liturgique, avec ou sans abus". . Donc il faut que la discussion reparte du rite rénové en lui-même, sans plus de subterfuge pour réinstaurer de l'ancien dans du nouveau.
images/icones/ancre2.gif  ( 713494 )Heureusement ! par Paterculus (2013-03-23 20:53:49) 
[en réponse à 713327]

Heureusement, cher Torrentiel, que l'histoire de l'Eglise ne s'est pas arrêtée avec le concile !
Car, puisque "Au commencement était le concile", comme chacun sait, cette histoire se serait terminée tout juste en commençant !

Blague mise à part, je crois qu'avec votre concept de "catholiques évangéliques" vous soulignez quelque chose d'important dans le fait que ce soit justement le cardinal Bergoglio qui ait été élu.

Votre dévoué Paterculus
images/icones/neutre.gif  ( 713513 )Merci, Paterculus, mais quoique féru de néologiie, par le torrentiel (2013-03-23 21:56:32) 
[en réponse à 713494]

je ne crois pas avoir inventé ce "concept". Je l'ai entendu, m'y suis reconnu et l'emploie d'autant plus volontiers que l'oecuménisme le plus efficace étant celui des sensibilités chrétiennes au sein du christianisme et non des confessions religieuses, l'avenir de l'oecuménisme en Occident repose à mon avis sur la capacité de rassembler les catholiques ayant gardé une piété populaire avec les évangélistes qui ont réussi l'alliance intime de la modernité et des idées (et croyances) traditionnelles.


Le pape "François Bergoglio" (comme l'a appelé astucieusement le cal vingt-trois au "grand rendez-vous" d'"Europe 1" dimanche dernier) ayant beaucoup cru en ce partenariat, aidera les "catholiques évangéliques" à faire le pas vers cet forme d'oecuménisme plutôt méprisée des bureaucrates de l'oecuménisme, qui n'ont pas conscience que les "mega church" réunissent le public qui a déserté les églises et font "salle comble" comme (mais pas plus que) nos anciennes paroisses catholiques.
images/icones/fleche3.gif  ( 713529 )À propos de catholicisme évangélique... ou "evangelical catholicism"... par Tardivel (2013-03-23 23:40:43) 
[en réponse à 713327]

Un article paru aux USA juste avant la démission de Benoît XVI :

ici

Au sujet d'un livre présenté



Il faut avouer que la "coincidence" avec l'élection du pape François semble éclairante.
images/icones/neutre.gif  ( 713543 )"Evangelical Catholicism" and "radical orthodoxy": par le torrentiel (2013-03-24 07:44:49) 
[en réponse à 713529]

Cher Tardivel,

Je ne lis pas l'anglais, mais me demande s'il n'y a pas un lien entre cette école théollogique promue par les éditions "ad solem" et Philippe Maxence en france et la réaction des catholiques évangéliques.


Je me demande si la parenté de ces "réveils" ne pourrait pas pousser à dire que la "radical orthodoxy" du point de vue de la foi, et un "évangélisme catholique" du point de vue de la piété et de la morale ne seraient pas perçus par beaucoup (dont moi accessoirement et en grande partie)comme les deux mamelles du réveil de l'Eglise.


Au reste, je n'invente rien, observez l'intérêt que montre Patrice de Plumket pour les évangélistes, et tout est à l'avenant.