Contexte et motifs

Le Forum Catholique

Imprimer le Fil Complet

Peregrinus -  2020-05-20 13:40:13

Contexte et motifs

Le décret du 6 décembre donne un coup d'arrêt à la déchristianisation active et militante de l'automne, lancée en octobre-novembre 1793, à Paris par la Commune, dans les départements par les sociétés populaires ou par certains représentants en mission, Fouché notamment.

Avant octobre 1793, le culte constitutionnel n'a eu à subir que peu d'atteintes directes : des processions ont encore pu avoir lieu dans les rues de Paris à la Fête-Dieu 1793, et la Constitution de juin 1793 a été accueillie dans les départements par des Te Deum dans les paroisses constitutionnelles.

Les choses changent assez brutalement au moment où commence la déchristianisation de l'an II (le terme n'est pas de l'époque, le mot ayant été forgé au siècle suivant par Mgr Dupanloup ; il fait l'objet de discussions assez vives, mais son usage me paraît commode et justifié ; sur ce problème, on peut lire Bernard Plongeron, Serge Bianchi ou Michel Vovelle). Une petite minorité, mi-bourgeoise, mi-populaire, proche politiquement des hébertistes, lance à l'automne une offensive très radicale contre le clergé en demandant la déprêtrisation, c'est-à-dire la renonciation aux fonctions ecclésiastiques, accompagnée de la livraison ou de la destruction des lettres de prêtrise, voire du mariage ou de la pure et simple apostasie. Dans le même temps, les églises sont fermées, de nombreux clochers abattus, les reliques détruites au milieu de grandes mascarades anticléricales. À Paris, c'est la Commune, tenue par les hébertistes, et non la Convention, beaucoup plus réservée, qui a mené cette offensive contre la religion chrétienne. Par peur des éléments les plus extrémistes, l'Assemblée a néanmoins suivi le mouvement en s'efforçant de l'encadrer, selon le processus de radicalisation contrôlée qui caractérise l'ensemble de sa conduite, pour reprendre les termes de Jean-Clément Martin. La Convention a donc appuyé la laïcisation du calendrier ou la célébration d'une abominable fête de la Raison à Notre-Dame.

Ni Robespierre, ni Danton n'étaient favorables à cette offensive contre le christianisme où ils ont vu non sans raison une manœuvre des hébertistes pour mettre en difficulté la Convention. Robespierre de plus redoutait les effets de la déchristianisation violente sur la société. L'évêque intrus de Paris, Gobel, qui avait jugé prudent de se démettre de ses fonctions à la barre de la Convention, a ainsi été accusé par Robespierre d'avoir favorisé l'athéisme par sa conduite.

Au 6 décembre, Robespierre soutenu par les dantonistes reprend donc la main sur la question religieuse en arrêtant l'offensive hébertiste. Hébert lui-même a dû se défendre par la suite de toute animosité à l'encontre du "sans-culotte Jésus". Le mouvement de déprêtrisation a alors fortement ralenti, les mascarades antireligieuses et les attaques contre les symboles de la religion chrétienne ont diminué en intensité.

Le décret du 6 décembre a eu de ce point de vue des conséquences réelles tout en préparant le culte de l'Être Suprême, conçu par Robespierre comme une réaction à la déchristianisation radicale des hébertistes, le christianisme même constitutionnel n'étant plus jugé récupérable à cette date. Mais il a fallu attendre l'époque de la réaction thermidorienne pour que le culte public reprenne.

Peregrinus
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=895938