Le coeur de l'argumentation du Conseil d'Etat dans cette affaire

Le Forum Catholique

Imprimer le Fil Complet

Lux -  2020-05-18 23:18:18

Le coeur de l'argumentation du Conseil d'Etat dans cette affaire

Pour une information précise :

30. Toutefois, il n’est pas contesté, en premier lieu, que le rassemblement
mentionné au point 28 [les protestants à Mulhouse...] n’est pas représentatif de l’ensemble des cérémonies de culte, qu’il a
cumulé un grand nombre des facteurs de risque précités et qu’il s’est tenu à une date à laquelle
n’étaient appliquées ni même recommandées de règles de sécurité particulières en matière de
contamination par le coronavirus et à laquelle, s’agissant des chaînes ultérieures de
contaminations, le dispositif, notamment en matière de dépistage, était sans commune mesure
avec ce qu’il est devenu.

31. En deuxième lieu, le décret du 11 mai 2020 dont les dispositions sont
contestées, prévoit, pour de nombreuses activités qui ne présentent pas nécessairement de risque
équivalent à celui des cérémonies de culte mais pour lesquels ce risque repose aussi sur les
facteurs exposés au point 25, des régimes moins restrictifs pour l’accès du public, notamment :
- les services de transport des voyageurs, qui ne sont pas soumis, eu égard aux
contraintes économiques de leur exploitation, à la limitation à dix personnes de tout
rassemblement et réunion sur la voie publique ou dans un lieu public alors que de tels
rassemblements et réunions ne peuvent pas se tenir dans les établissements de culte, même dans
cette limite, en dehors des cérémonies funéraires ;
- et les magasins de vente et centres commerciaux, les établissements
d'enseignement ainsi que les bibliothèques qui peuvent, au regard de motifs économiques,
éducatifs et culturels, accueillir du public dans le respect des dispositions qui leur sont
applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er,
lesquelles impliquent, à la lumière de l’avis du Haut conseil de la santé publique du 24 avril 2020,
un espace sans contact d’environ 4 m2 par personne.

32. En troisième lieu, si, durant la première phase du « déconfinement », les
rassemblements et réunions ne sont pas autorisés dans d’autres établissements recevant du public
que les lieux de culte, en application du 1° du I de l’article 10 du décret contesté, les activités qui
y sont exercées ne sont pas de même nature et les libertés fondamentales qui sont en jeu ne sont
pas les mêmes.

33. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l’instruction, et notamment des
déclaration faites à l’audience par l’administration, que l’interdiction de tout rassemblement ou
réunion dans les établissements de culte, à la seule exception des cérémonies funéraires
regroupant moins de vingt personnes, a été essentiellement motivée par la volonté de limiter,
durant une première phase du « déconfinement », les activités présentant, en elles-mêmes, un
risque plus élevé de contamination et qu’elle ne l’a, en revanche, été ni par une éventuelle
difficulté à élaborer des règles de sécurité adaptées aux activités en cause - certaines institutions
religieuses ayant présenté des propositions en la matière depuis plusieurs semaines – ni par le
risque que les responsables des établissements de culte ne puissent en faire assurer le respect ou
que les autorités de l’Etat ne puissent exercer un contrôle effectif en la matière, ni encore par
l’insuffisante disponibilité, durant cette première phase, du dispositif de traitement des chaînes
de contamination.

34. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir, sans qu’il soit
besoin de se prononcer sur leurs autres moyens, que l’interdiction générale et absolue imposée
par le III de l’article 10 du décret contesté, de tout rassemblement ou réunion dans les
établissements de culte, sous la seule réserve des cérémonies funéraires pour lesquels la présence
de vingt personnes est admise, présente, en l’état de l’instruction, alors que des mesures
d’encadrement moins strictes sont possibles, notamment au regard de la tolérance des
rassemblements de moins de 10 personnes dans les lieux publics, un caractère disproportionné au
regard de l’objectif de préservation de la santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère
essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à
cette dernière.

35. Il résulte de l’instruction, et notamment des déclarations faites à l’audience
par le représentant du ministre de l’intérieur que des mesures complémentaires pourraient
s’avérer nécessaires si les dispositions contestées étaient suspendues, aux fins d’adapter les
règles générales prévues par le décret, notamment en son article 1er et en son annexe I, aux
particularités des activités religieuses.

36. Par suite, les requérants sont recevables, en l’absence d’alternative pour
sauvegarder la liberté de culte, et fondés à demander à ce qu’il soit enjoint au Premier ministre
de modifier, en application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les dispositions
du III de l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, en prenant les mesures strictement
proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de
lieu applicables en ce début de « déconfinement », pour encadrer les rassemblements et réunions
dans les établissements de culte. Eu égard à la concertation requise avec les représentants des
principaux cultes, il y a lieu de fixer, dans les circonstances de l’espèce, un délai de huit jours à
compter de la notification de la présente ordonnance.
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=895828