le féminisme et le marxisme

Le Forum Catholique

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jejomau -  2018-05-29 23:58:42

le féminisme et le marxisme

Le marxisme qui s'impose sous l'ère stalinienne fige effectivement la société qui l'adopte dans les années cinquante. Et il est parfaitement vrai qu'à l'Est de l'Europe, l'ordre nouveau qui s'installe peut perdurer en bloquant la dynamique révolutionnaire théorisée par Marx et Engels puis initialisée avec Lénine, TrotsKy et bien d'autres. Cela arrange bien les élites au pouvoir. Donc quelque part je rejoins votre idée d'un marxisme qui va conserver le modèle de famille stable que tout un chacun a connu dans son enfance et qui était celui qui avait été transmis à travers les siècles.
En Occident, et en particulier aux USA, le modèle de la société libérale permet le développement d'un individualisme toujours plus renforcé en même temps que les structures de la société évoluent sous l'influence de progres technologiques jamais atteint jusque ici par l'homme. Vous faites référence d'ailleurs à ces progrès biologiques extraordinaires (liés à la génétique, renforcées par la numérisation des données, les progres mirifiques de la robotique…) qui auraient alors amené le féminisme.

En réalité, le féminisme, comme ce qui tourne autour de ce concept, repose d'abord sur l'idée de la substitution du concept de "classe prolétarienne". Cette frange du marxisme très minoritaire à ses débuts(puisqu'elle ne collait pas avec les "canons" marxiste de l'orthodoxie en vogue reposant sur le concept en vogue de la "classe ouvrière"), amenant aussi une différenciation au sein du prolétariat du fait de la fracture raciale ou de genre (tout comme toute différenciation), ne sont pas considérés comme étant le cœur du projet émancipateur de la révolution. Pourtant, contrairement à ce que vous pensez, certains théoriciens du départ posent déjà des jalons et entrevoient l'œuvre de la révolution dans cette différenciation avec le féminisme. Ainsi ENgels justement.
Dans "L’Origine de la famille, de la propriété et de l’État" de Friedrich Engels. Le sous-titre de l’ouvrage indique l’objet : « à la lumière des recherches de Lewis H. Morgan ». Or Morgan est l’auteur d’une étude majeure sur la vie et l’organisation des Iroquois du nord de l’État de New York en 1877 intitulé La Société archaïque (1985). Considéré comme le fondateur de l’anthropologie moderne, Morgan propose une étude originale et détaillée de la population indigène rédigée en direction des colons d’Amérique du Nord et d’Europe. Contre la vague de morale victorienne, Morgan fait notamment remarquer que les femmes iroquoises n’étaient pas soumises par l’oppression patriarcale…. Voyez le cheminement !

Il y a, de ce fait, un grand nombre d’ouvrages qui discutent les contributions de Morgan et Engels au sein de la théorie féministe marxiste avec essentiellement: Vogel en 1983; Bezanson and Luxton en 2006.

Dans States of Race, par exemple, les auteur(e)s de l’ouvrage proposent une critique profonde du capitalisme en s’attachant aux expériences des femmes racialisées, migrantes et indigènes (2010). Ainsi :

La tradition intellectuelle féministe et antiraciste dans laquelle s’inscrivent les coordinatrices de cette anthologie est le fruit d’une longue histoire. Les femmes indigènes furent les premières à porter une puissante critique contre la société blanche colonialiste au Canada et à analyser la persistance des pratiques coloniales […] Le colonialisme a toujours opéré à travers le genre […] De nos jours, avec la « disparition » de centaines de femmes indigènes – des femmes présumées assassinées –, nous sommes quotidiennement confronté•es à ce que les chercheuses indigènes entendent quand elles écrivent que c’est par la violence sexuelle qu’on pratique le colonialisme (Razack, Smith and Thobani, 2010: 1-2).


Comme on le voit, on est loin du développement de la société libérale Américaine et des progrès de la biologie. Il existe bel et bien aujourd'hui un véritable fondement marxiste dans le développment du féminisme et de ce qui l'entoure. Ce dont on ne prend peut-être pas assez conscience je crois.

Et effectivement aussi, je vous rejoins quelque part en soulignant que ce fondement a pris naissance en Occident dans la continuité du bouillonnement intellectuel qui continuait à donner ses fruits (bons et mauvais) dans notre société libérale… quand à l'Est, tout s'était figé. Répétons le encore une fois.

Un autre exemple encore dans les travaux de Leith Mulling sur la race et le genre dans la formation de la classe ouvrière aux états-unis (Mulling, 1997). En tant qu’anthropologue féministe et antiraciste, elle axe son travail sur des enjeux qui concernent la participation des femmes dans la production déjà identifiée par Engels dans son "Origine de la famille, de l’État et de la propriété."

Je ne sais pas si on peut dire que le marxisme a mué. En revanche, on peut , sans coup férir, reconnaître les fondements marxistes dans le féminisme qui a pris naissance dans la société libérale et qui a su se structurer de façon puissante sous l'influence Gramscienne au point aujourd'hui d'occuper les appareils d'Etat pour imposer son point de vue dans le cadre non-avoué d'une véritable "lutte des classes" .

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