Probabilisme

Le Forum Catholique

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Luc de Montalte -  2017-08-02 00:15:47

Probabilisme

Il convient tout d’abord de ne pas assimiler tous les jésuites au jésuitisme. Personne ne conteste la sainteté de Saint Ignace, ou de Saint François-Xavier bien évidemment.

Il me semble que Pascal est celui qui a le mieux mis en évidence la fausseté du jésuitisme, soit des escobarderies pour utiliser un terme plaisant, ou du probabilisme pour utiliser un terme exact. L’idée est fort simple :

Dans un problème moral, il est permis de suivre une opinion probable, quand bien même l’opinion opposée serait elle-même plus probable.


On comprend vite à quel point une telle doctrine est accomodante, et Pascal a été tout simplement horrifié du renversement de la morale qu’elle permet et même propose aux pénitents. Vous pourrez trouver de plus amples exemples dans les Provinciales de Pascal (les livres qu’il cite ont été pour la plupart condamnés). À noter par ailleurs, que si les Provinciales elles-mêmes furent mises à l’Index c’est à cause de ce qu’elles étaient en Français. Ainsi leur traduction en latin (par Nicole) n’ont pas été mises à l’Index. On considérait alors que ses questions ne devaient être discutées que par les savants.

Citons tout de même :

Il me fit voir ensuite, dans ses auteurs, des choses de cette nature si infâmes, que je n'oserais les rapporter, et dont il aurait eu horreur lui-même (car il est bon homme), sans le respect qu'il a pour ses Pères, qui lui fait recevoir avec vénération tout ce qui vient de leur part. Je me taisais cependant, moins par le dessein de l'engager à continuer cette matière, que par la surprise de voir des livres de religieux pleins de décisions si horribles, si injustes et si extravagantes tout ensemble. Il poursuivit donc en liberté son discours, dont la conclusion fut ainsi. C'est pour cela, dit-il, que notre illustre Molina (je crois qu'après cela vous serez content) décide ainsi cette question:

Quand on a reçu de l'argent pour faire une méchante action, est-on obligé à le rendre? Il faut distinguer, dit ce grand homme; si on n'a pas fait l'action pour laquelle on a été payé, il faut rendre l'argent; mais si on l'a faite, on n'y est point obligé: si non fecit hoc malum, tenetur restituere; secus, si fecit. C'est ce qu'Escobar rapporte au tr. 3, ex. 2, n. 138.


Ou encore :

Vous en avez bien appris aujourd'hui, je veux voir maintenant comment vous en aurez profité. Répondez-moi donc. Un juge qui a reçu de l'argent d'une des parties pour rendre un jugement en sa faveur est-il obligé à le rendre? Vous venez de me dire que non, mon Père. Je m'en doutais bien, dit-il; vous l'ai-je dit généralement? je vous ai dit qu'il n'est pas obligé de rendre, s'il a fait gagner le procès à celui qui n'a pas bon droit. Mais quand on a bon droit, voulez-vous qu'on achète encore le gain de sa cause, qui est dû légitimement? Vous n'avez pas de raison. Ne comprenez-vous pas que le juge doit la justice, et qu'ainsi il ne la peut pas vendre; mais qu'il ne doit pas l'injustice, et qu'ainsi il peut en recevoir de l'argent? Aussi tous nos principaux auteurs, comme Molina, disp. 94 et 99; Reginaldus, l. 10, n. 184, 185 et 178; Filiutius, tr. 31, n. 220 et 228; Escobar tr. 3, ex. I, n. 21 et 23; Lessius, Lib. 2, c. 14, d. 8, n. 52, enseignent tous uniformément: Qu'un juge est bien obligé de rendre ce qu'il a reçu pour faire justice, si ce n'est qu'on le lui eût donné par libéralité; mais qu'il n'est jamais obligé à rendre ce qu'il a reçu d'un homme en faveur duquel il a rendu un arrêt injuste.


L’idée est donc de proposer une morale accomodante et que tous pourront suivre. Il faut toutefois reconnaître que le but final est certainement de les amener vers une morale plus <i>probable</i> par ces chemins détournés. Ainsi par exemple sur la question du jeûne, le Père jésuite exhorte d’abord Pascal à s’y astreindre et ce n’est que sur sa résistance qu’il lui donne des moyens de ne pas le suivre…
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