La désertion des églises à Montréal en 1966

Le Forum Catholique

Imprimer le Fil Complet

Jean Kinzler -  2017-03-26 14:41:37

La désertion des églises à Montréal en 1966

La désertion des églises (1966)
Gilles Proulx

En 1966, le pire cauchemar que pouvaient faire les sieurs de Maisonneuve et Jeanne Mance se réalise: Montréal perd la foi. Pas tous les Montréalais, bien sûr. Mais les églises se vident. Tout le monde en parle. Personne n’a d’explication.

Si je cite l’année 1966, c’est pour faire écho au chef-d’œuvre de Denys Arcand, Les invasions barbares, où le personnage de prêtre joué par Gilles Pelletier explique à une acheteuse d’art que tout le monde était catholique, mais que, soudainement, très précisément pendant l’année 1966, les églises se sont vidées. Le cinéaste a-t-il choisi cette date parce que c’est l’année précédant l’Expo 67 et le discours du général de Gaulle?

En 1965, des prêtres québécois ont publié un livre intitulé L’Église s’en va chez le diable! Quelques années plus tôt, le concile Vatican II, censé moderniser l’Église, avait éradiqué ce qui était la lingua franca catholique: le latin... Et comme le disait si bien le chansonnier Georges Brassens: «Sans le latin, la messe nous emmerde.» Plus récemment, le film La passion d’Augustine a dépeint cette période charnière où le catholicisme a voulu se moderniser... et s’est évanoui.

Comment expliquer un tel délaissement ?

L’Église s’est elle-même privée de la magie de ses rites en les profanant, en quelque sorte, mais à cela s’est ajouté le fait que la télévision a fait soudainement irruption dans toutes les chaumières pour y rivaliser avec l’imaginaire religieux. Et ce, mieux que le cinéma parce qu’elle est plus routinière. Les gens se rencontraient pour se parler de leurs émissions préférées. Une nouvelle vie culturelle plus captivante est arrivée dans les foyers. La radio, aussi, a supplanté le parvis de l’église pour ce qui était de s’informer. Plus fondamentalement encore, certaines émissions de blabla, comme Madame X, animée par Reine Charrier sur les ondes de CKVL, ont carrément remplacé les confessionnaux! Du jour au lendemain, les pécheurs se confiaient publiquement sur les ondes et les animateurs remplaçaient les prêtres. Un certain Lucien «Frenchie» Jarraud, sur les ondes de CJMS, jouissait alors d’une telle confiance auprès des gens que son autorité morale l’emportait sur celle des hommes en soutane! Le groupe d’humoristes Les Cyniques cassait allégrement du sucre sur le dos des prélats, ce qui aurait été impensable quelques années plus tôt.

Les paroisses qui avaient chacune leur église et l’entretenaient jalousement ont perdu leur prépondérance. «C’est quoi, ça, une paroisse?» demandera un jeune Montréalais d’aujour­d’hui. Pourtant, ces lieux sacrés, dans lesquels nos aïeux se sont tellement investis, ont vu passer les naissances, les mariages et les morts. L’Église a battu la cadence de nos vies pendant plusieurs siècles.

Montréal a longtemps été appelée la Ville aux cent clochers... Deviendra-t-elle un jour la «ville aux cent mosquées»? Ça se pourrait... Mais chose certaine, alors que les fondateurs de Ville-Marie rêvaient d’une Jérusalem d’Amérique, le Montréal d’aujourd’hui s’apparente davantage à une nouvelle Babylone!
L’église Saint-Jean-Baptiste est aujour­d’hui davantage une salle de spectacle qu’un lieu de culte en raison de son acoustique extrao­rdinaire.


L’église Saint-Jean-Baptiste est aujourd’hui davantage une salle de spectacle qu’un lieu de culte en raison de son acoustique extraordinaire.
L’église de la Visitation, aussi appelée du Sault-au-Récollet, la plus ancienne de Montréal encore debout et qui date de la Nouvelle-France de 1749, n’a pas été épargnée par la désertion des fidèles.


L’église de la Visitation, aussi appelée du Sault-au-Récollet, la plus ancienne de Montréal encore debout et qui date de la Nouvelle-France de 1749, n’a pas été épargnée par la désertion des fidèles.


- Avec la collaboration de Louis-Philippe Messier
jdm
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=824813