Honorius Ier : le cas controversé d’un pape hérétique [Roberto de Mattei/La Porte Latine]

Le Forum Catholique

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Amandus -  2016-01-19 11:33:46

Honorius Ier : le cas controversé d’un pape hérétique [Roberto de Mattei/La Porte Latine]

Le 30 décembre 2015, paraissait un article de Roberto de Mattei sur Corrispondenza romana : Onorio I: il caso controverso di un Papa eretico

Un jour avant, La Porte Latine en publie la traduction (par Marie Perrin).

Cette traduction est reprise ensuite le 10 janvier 2016 par Correspondance Européenne.


À la première lecture, on pourrait penser que Roberto de Mattei est un historien érudit, honnête, plein d’intérêt et d’amour pour la sainte Église catholique.

En relisant de plus près, de façon dépassionnée et avec la « sereine impartialité que doit l’histoire aux actes du passé » (pour citer R. de Mattei lui-même), force est de constater que Roberto de Mattei s’inscrit tout simplement à la suite des schismatiques, des protestants, des anglicans… et des savants modernes.

Le texte de Monsieur de Mattei commence en disant : « Le cas du pape Honorius est l’un des plus controversés de l’histoire de l’Eglise. » On se référera utilement à l’Histoire de l’Église de Hergenröther (tome 2, pp.316 à 344) pour retrouver la vérité sur ce sujet ainsi que l'origine & l’histoire de cette controverse. Je vous retranscris cette dernière ici :


[…] Au neuvième siècle, une controverse éclata sur Honorius : les Grecs, Photius en tête, l'accusèrent d'hérésie ; il fut défendu par le Bibliothécaire. Dans la suite plusieurs Latins ont placé le nom d'Honorius au milieu des patriarches byzantins condamnés, entre Sergius et Pyrrhus, de sorte qu'il semble presque rangé parmi ceux-ci, par exemple dans Bède, De temp. rat. ; Humbert, Resp. adv. Nicet., cap. xvii; Deusedit; Eccehard ; Ord. Vital., Hist. eccl, 1, xxiii, p. 83, Marian. Scot., etc. Le traité De Concil. general., composé vers 1230, classe expressément parmi les condamnés « Honorium Romanum. » Manuel Calecas, dont l'ouvrage contre les Grecs fut traduit par Ambroise Traversari, sous Martin V, défendit Honorius par l’autorité de saint Maxime et ou alléguant l'impossibilité que le pontife romain porte une décision erronée. Il est certain, contrairement à l'opinion de Döllinger (PapsfabeIn, p. 144), que Calecas n'est pas le premier qui ait renseigné Turrecremata sur la condamnation d'Honorius. Plus tard Honorius eut pour accusateurs : a) les protestants […], b) les gallicans […], c) plusieurs savants modernes […].

Depuis les défenseurs d'Honorius sont devenus beaucoup plus nombreux et voici les différentes voies qu'ils ont suivies :
a) plusieurs ont soutenu que les documents étaient apocryphes et altérés, surtout les actes du VIe concile universel, ou que les lettres d'Honorius étaient interpolées; tels sont : Albert Pighe, Baronius, Bellarmin, De rom. Pont., IV, 11 ; Sfondrat, Barruel, Du pape ; Boisselet de Sauclières, Histoire des conciles ; Slapleton, Viggers, Gravina, Goster, Kilber, Hoitzklau. Ces hypotèses, modifiées par Boucat et Damberger sont réfutées dans Héfélé.
b) D’autres admettent une erreur de fait de la part du Vle concile, par exemple : Turrecremata, Sum. De Eccl., II, 93 ; Isaac Habert, Lib. pontilical. Eccl. gr., Paris, 1676, p. 566 : « Haec omnia tamen ex errore facti orta sunt, qui certe et in synodum oecum. cadere potest ». Cf. Berti, De theol. Dicipl. […]
c) La plupart admettent les documents et prouvent qu'Honorius ne fut point condamné comme véritablement hérétique, mais pour avoir favorisé l'hérésie, surtout par son imprudence, et pour n'avoir pas aperçu le danger qu'il faisait courir à l’Église en prescrivant le silence, ce qui était l'opposé d'une définition de foi. Melch. Canus (De loc. theol, VI, 8) démontre qu'Honorius ne se trompa que comme homme privé dans une lettre privée, que ses lettres à Sergius n'ont aucun des caractères d'une décision ex cathedra. […]
Dans l'assemblée du clergé français en 1723, l’orthodoxie d'Honorius fut vengée dans des thèses publiques par Petitdidier, De infall. Summi Pont.; Zaccaria. […] On pourrait citer encore une foule de défenseurs autorisés d'Honorius. […]

C'est l'année I870, qui a fourni le plus de travaux sur Honorius. Contre l'abbé Gratry : Dom Guéranger, Défense de l'Église romaine contre les erreurs du R. P. Gratry, Revue du monde catholique, 10 février; l’archevêque Dechamps, Lettres au R. P. Gratry, Monde, nos 19, 33, 34, 36 ; la Question d'Honorius, Paris ; J. ChantreI, le Pape Honorius, Paris ; Ramière, S. J., l’abbé Gratry et Mgr Dupanloup, et Honorius et les Prérogatives de l'Église romaine, Toulouse. — Larroque, la Question d'Honorius, Lettre à M. Gratry, ibid.; Coldefy, le Pape Honorius et M. l’abbé Gratry, Paris ; l'abbé P. Bélet, la Chute du pape Honorius et la Mission de M. Gratry, ibid.; E. Perrot, Au R. P. Gratry au sujet de ses lettres, ibid.; Onorio f e il P. Gratry (Civiltà catlolica, Ser. VII, vol. IX, p. 431, 682 et seq.); Roques, Réponse à la lettre du R. P. Gratry; A. de Margerie, le Pape Honorius et le Bréviaire romain, Paris; Rambouillet, le Pape Honorius, l’infaillibilité et le VIe concile général, ibid.; Colombier, la Condamnation d'Honorius (Études religieuses, décembre 1860-avril 1870); G. Contestin, le Pape Honorius (Revue des sciences ecclésiastiques, février 1870); Rivière, le Pape Honorius et le Gallicanisme moderne, Nîmes; Dufaut, la Vérité sur le pape Honorius, Avignon ; […].




Roberto de Mattei compte beaucoup sur la docilité de ses lecteurs. Il suffit pourtant d’ouvrir l’histoire de l’Église à propos du « cas du pape Honorius », pour en trouver la vraie histoire (sans erreur historique et théologique). C’est un cas tellement typique et récurent, mais tellement grotesque finalement, que les vrais historiens doivent être fatigués de le réfuter systématiquement. Il y en a d’autres comme la papesse Jeanne, Adrien VI, le pape saint Libère : les poubelles du Protestantisme sont grandes. Mais de là s'y repaître et en arroser les catholiques... À qui cela profite-t-il ?
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