Après le déferlement de réactions, une mise au point sur les questions posées par Castullecci.

Le Forum Catholique

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Abbé PH -  2011-10-30 13:55:28

Après le déferlement de réactions, une mise au point sur les questions posées par Castullecci.

Chers liseurs,

Suite aux nombreuses réactions que mon témoignage a provoquées, et pour dépasser les procès d'intention ou les attaques personnelles, je vous propose ces questions ou points de réflexion, auxquelles chacun pourrait sobrement apporter ses réponses. Cela favoriserait un débat constructif. Je crois que l'enjeu et le sujet en valent la peine.

1) Peut-il y avoir débat ? Dans l'Eglise, il y a des vérités qu'on ne peut débattre. Je crois aussi qu'on est tous d'accord pour affirmer qu'un blasphème est une offense gravissime à Notre Seigneur. Acceptez vous que la compréhension d'une pièce de théâtre ne relève pas d'une vérité absolue, dogmatique, et donc, peut être sujet à débat, sans être accusé de ne pas aimer le Christ ?

2) On me dit : la pièce jouée à Paris est une version expurgée de la scène choquante, lors de laquelle le visage du Christ était bombardé de projectiles, voire de matière fécale. Ceux qui disent cela s'appuient sur des extraits vidéos, que certains mettent en cause désormais ( cf Igor ). Mais admettons. Si c'est le cas, n'aurait il pas été plus honnête de reconnaître ( et de nous réjouir )que l'auteur ait décidé de retirer ce passage pouvant choquer légitimement ? Les jeunes qui manifestaient devant le théâtre pensaient manifester contre une pièce pendant laquelle "on jette de la merde sur le visage du Christ". Or ce n'est pas ce que j'ai vu. Il me semblait une exigence de justice de le dire. J'ai commenté la pièce telle qu'elle était jouée devant moi. Je juge les faits, pas les intentions ( qui les connaît? Et quand l'auteur les exprime, il refuse toute intention blasphématoire, cf ses interview. Il peut mentir, certes. Mais qui en sera certain ?).

3) Il me semble urgent que nous puissions travailler la question du blasphème. je prends l'exemple d'un film : on voit un soldat allemand qui piétine un crucifix, et crache dessus ou même urine dessus. Scène terrible. On voit ensuite le déporté martyre ramasser ce crucifix souillé, et l'embrasser, avant d'être tué. L'auteur du film a représenté "matériellement" un blasphème. Cet auteur est il pour autant blasphématoire ? Non, je ne crois pas. Son message ne l'est pas.

Ceci explique une différence avec golgotha picnic, mais aussi avec PissChrist, que j'avais dénoncé à l'époque. PissChrist est une photo, une scène unique. Pas une histoire. C'est comme si on ne filmait que le soldat allemand urinant sur le crucifix. Et qu'on s'y complaisait. Cette pièce de théâtre ne s'arrête pas sur le visage du Christ abîmé, déchiré, souillé comme lors de sa Passion ( par un liquide qu'on ne voit pas -en ombre chinoise en quelque sorte- Pas par de la vraie matière fécale. Pardon de ces détails, mais il faut être précis ). Elle se termine sur cette phrase : "tu es mon berger" ( en anglais ). Certains disent : c'est faux, il ajoute "not" ( tu n'est PAS mon berger ). Ce not, il est sombre, en retrait, alors que la phrase est lumineuse, et finalement prend le dessus. Comme la tentation du doute qui attaque notre confiance quand on est dans l'épreuve, mais qui finalement ne gagne pas. La dernière image de la pièce, hier soir, était : "tu es mon berger" en lumineux, avec le visage du christ en arrière fond. Ceux qui ont vu la pièce savent que ce que je dis est vrai. Même si c'est embêtant...

4)Je ne juge pas les jeunes qui ont manifesté. J'admire leur foi, leur enthousiasme, j'en connais assez parmi eux pour savoir combien ils sont généreux. Je dis juste qu'on doit faire attention aux combats sur lesquels on les entraîne, et aux moyens qu'on leur fait utiliser. Quand on a une autorité spirituelle forte, comme un prêtre peut l'avoir sur des jeunes, on a une vraie responsabilité.

Je pense qu'il est important qu'on prenne le temps entre cathos de se rencontrer, pour préparer la suite en amont. je vais travailler avec d'autres à une initiative dans ce but.Pour réfléchir aux moyens d'agir. On ne peut pas se laisser diviser. On ne peut pas risquer de se tromper, parce qu'on est allé trop vite, ou qu'on a simplifié la problématique.

5) La violence des commentaires me fait aussi réfléchir. Le déversement d'attaques personnelles, y compris sur la messe que je célèbre chaque matin pour le salut des âmes, ou sur ma vocation, forcément blesse. Mais au delà de ça, je pressens qu'il y a une vraie fragilité dans notre monde catho. Si on ne parvient pas à s'expliquer, à chercher à se comprendre, ou même à dialoguer, sans suspecter l'autre d'être un judas à la cause, on ne peut pas se faire progresser mutuellement. Et surtout, on ne servira pas au mieux notre Dieu, et son rayonnement sur les âmes, et la mission de son Eglise.

Pourquoi a-t-on peur de ce débat ? Alors que justement, sur le fond, on est tous d'accord pour servir l'honneur de Notre Seigneur ?? C'est bien pour cette finalité là que je n'ai pas envie qu'on perde notre crédibilité sur des erreurs de compréhension, d'appréciation ou de stratégie ! Pour ne pas être dispersés, hésitants, sur les vrais et justes combats qui ne manqueront pas. Pour les mener avec intelligence et foi.

Pourquoi refuse-t-on tout questionnement, toute remise en cause de la part d'un des nôtres ? Au moins, ça nous force à approfondir notre réflexion. J'ai reçu plusieurs messages privés de tradis qui me disaient : "je pressentais ce que vous dites, j'étais mal à l'aise par rapport à cette mobilisation, ou ces actions, mais je n'osais pas l'exprimer, par peur d'aller contre le discours asséné par les plus bruyants ou par la majorité là où je suis".

En fait, j'ai peur que parfois, y compris pour moi, le combat prime sur la vérité, ou au moins sur l'honnêteté intellectuelle .

Hier soir, j'ai hésité à faire passer le combat avant, et pour cela, à taire ce que j'avais vu, ou pas vu justement. Mais je crois qu'on gagnera toujours à être honnête intellectuellement, à être vrais. Même si cela a un coût, comme j'ai pu m'en apercevoir.

Je pars rejoindre nos jeunes à Vézelay. Je prierai pour les liseurs là bas. Et je confie mon ministère à votre prière.

Abbé Pierre-Hervé Grosjean
http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=613184