CHAPITRE VIII.
Moyen général pour apliquer nos oeuvres au service de Dieu.
Quand un peintre tient et conduit la main de l'apprenti, le trait qui en provient est principalement attribué au peintre, parce qu'encore que l'apprenti ait contribué (donné, fourni) le mouvement de sa main et l'application du pinceau si est-ce que le maître a aussi de sa part tellement mêlé son mouvement à celui de l'apprenti, qu'imprimant en icelui l'honneur de ce qui est bien au trait, il lui est spécialement différé, encore qu'on ne laisse pas de louer l''apprenti à cause de la souplesse avec laquelle il a accommodé son mouvement à sa conduite du maître.
O que les actions des vertus sont excellentes, quand le divin amour leur imprime son sacré mouvement, c'est-à-dire, lorsqu'elles se font par le motif de la dilection. Mais cela se fait différemment.
Le motif de la divine charité répand une influence de perfection particulière sur les actions vertueuses de ceux qui se sont spécialement dédiés à Dieu pour le servir à jamais.
Tels sont les évêques et prêtres, qui, par une consécration sacramentelle et par un caractère spirituel, qui ne peut être effacé, se vouent, comme serfs stigmatisés et marqués, au perpétuel service de Dieu.
Tels les religieux, qui, par leurs voeux, ou solennels ou simples, sont immolés à Dieu en qualité d'hosties vivantes et raisonnables. Tels tous ceux qui se rangent aux congrégations pieuses, dédiées à jamais à la gloire divine.
Tels tous ceux encore qui à dessein se procurent des profondes et puissantes résolutions de suivre la volonté de Dieu, faisant pour cela des retraites de quelques jours, afin d'exciter leurs âmes par divers exercices spirituels à l'entière réformation de leur vie; méthode sainte, familière aux anciens chrétiens, mais depuis presque tout à fait, délaissée, jusquà ce que le grand serviteur de Dieu, Ignace de Loyola, la remit en usage du temps de nos pères.
Je sais que quelques-uns n'estiment pas que cette obligation si générale de nous-mêmes étende sa vertu et porte son influence sur les actions que nous pratiquons par après, sinon à mesure qu'en l'exercice d'icelles nous appliquons en particulier le motif de la dilection, les dédiant spécialement à la gloire de Dieu.
Mais tous confessent néanmoins, avec saint Bonaventure, loué d'un chacun en ce sujet, que si j'ai résolu en mon coeur de donner cent écus pour Dieu, quoique par après je fasse à loisir la distribution de cette somme, ayant l'esprit distrait et sans attention, toute la distribution néanmoins ne laissera pas d'être faite par amour, à cause qu'elle procède du premier objet que le divin amour me fit faire de donner tout cela.
Mais de grâce, Théotime, quelle différence y a-t-il entre celui qui offre cent écus à Dieu, et celui qui offre toutes ses actions ? Certes, il n'y en a point sinon que l'un offre une somme d'argent et l'autre une somme d'actions.
Et pourquoi donc, je vous prie, ne seront-ils l'un comme l'autre estimés faire la distribution des pièces de leurs sommes, en vertu de leurs premiers propos et fondamentales résolutions? Et si l'un, distribuant ses écus sans attention, ne laisse pas de jouir de l'influence de son premier dessein, pourquoi l'autre, distribuant ses actions,. ne jouira-t-il pas du fruit de sa première intention?
Celui qui destinément s'est rendu esclave amiable de la divine bonté, lui a par conséquent dédié toutes ses actions.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde