Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

vasectomie et morale catholique
par Cristo 2023-11-19 17:45:03
Imprimer Imprimer

Utile rappel puisque ce sujet touche même des Catholiques.

Et en passant, on notera qu'un jésuite n'hésite pas à faire référence à Pie XII et à critiquer François : merci mon Père !


Vasectomie : ce que dit l'Église de la contraception permanente masculine

La contraception permanente enregistre un succès croissant auprès des hommes. Quels repères pose l’Église face à cette méthode qui épouse les évolutions sociales? L'éclairage du Père Bruno Saintôt, jésuite, responsable du Département Éthique biomédicale, au Centre Sèvres, à Paris.
par Joséphine Lebard

Publié le 16/11/2023


Dans la Bible, Dieu dit à Adam et Eve: "Croissez et multipliez-vous." Faut-il comprendre cette phrase comme une recommandation à faire le plus d'enfants possible?
Père Bruno Saintôt : Cette citation de la Genèse a été interprétée différemment selon les contextes. Le monde décrit dans le premier récit mythique du commencement du monde (Gn 1) est voulu en développement, en croissance ordonnée, alors qu'il était initialement "informe et vide" (Gn 1, 2). Croître, c'est l'inverse de dépérir. Le deuxième récit décrit un "jardin" que l'homme doit "travailler et garder" (Gn 2, 15), c'est-à-dire qu'il lui faut en "prendre soin". Prendre soin s'oppose à la prédation et à l'exploitation du monde et des autres vivants considérés comme une ressource inépuisable. Il est certain que les craintes d'une surpopulation, qui émergent dès les années 1960, ont joué un rôle sur l'interprétation de ces récits.

À travers les siècles, le rapport à l'enfant a changé en fonction du contexte économique (selon que l'on vivait dans un monde agricole ou industriel, que l'on a disposé ou non des ressources pour nourrir les enfants), médical (mortalité infantile forte ou bien faible), des idéaux et pressions politiques (avoir des enfants pour la prospérité sociale et pour faire la guerre), des idéaux religieux (donner "de nouveaux enfants" à l'Église pour qu'elle se développe), de l'habitat (possibilité de vivre ou non avec les parents et grands-parents), etc.

Dans ces différents contextes, l'Église n'a jamais dit qu'il fallait "faire le plus d'enfants possible", mais la ligne directrice globale est bien celle d'une générosité dans l'accueil des enfants. Le concile Vatican II a pris acte du nouveau contexte de vie des années 1960 et insiste sur la "transmission responsable de la vie" (Gaudium et spes, 1965, § 51, 3).

En 2015, le Pape François a défendu la "paternité responsable", indiquant que, pour être bons catholiques", il n'est pas nécessaire de procréer "comme des lapins". De quoi parlait-il?
L'expression humoristique du Pape François n'est pas très heureuse, car elle a été perçue comme une critique des familles nombreuses. Elle voulait pointer la compréhension erronée qu'il fallait avoir "le plus d'enfants possible". Le Pape François ne fait que rappeler l'affirmation centrale du Concile qu'il revient aux époux de discerner en responsabilité le nombre d'enfants qu'ils souhaitent éduquer en tenant compte de multiples paramètres et en se formant, "d'un commun accord et d'un commun effort", un "jugement droit": "Ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société temporelle et de l'Église elle-même." (Gaudium et spes, 1965, § 50, 2)

La notion de "paternité responsable" a d'abord été développée par Paul VI dans le texte de 1968, Humanae vitae (§10), et dans le cadre des longs débats sur la légitimité morale de la contraception. Il insiste sur le fait que la notion de "paternité responsable" doit "être exactement comprise", c'est-à-dire ne pas devenir une raison pour admettre la contraception mais seulement la régulation dite naturelle des naissances. Puis Jean-Paul II a rappelé que "la paternité responsable" n'est pas une question de procréation illimitée ou d'un manque de conscience de ce qui est engagé dans l'éducation des enfants, "(…) mais plutôt la possibilité donnée aux couples d'user de leur liberté inviolable de manière sage et responsable, en prenant en compte les réalités sociales et démographiques aussi bien que leur propre situation et leurs désirs légitimes, à la lumière des critères moraux objectifs" (Lettre au Secrétaire général de la Conférence internationale de l'Organisation des Nations Unies sur la population et le développement du 18 mars 1994).

Il faudrait bien sûr parler aujourd'hui de "paternité et maternité responsables" ou du "choix responsable de devenir parents" (Amoris Laetitia, 222). Plus que ses prédécesseurs , le Pape François insiste sur le discernement qui revient aux couples, notamment dans Amoris Laetitia du19 mars 2016.

Faut-il y voir une porte ouverte aux catholiques pour la vasectomie?
Pas du tout, en ce sens que la vasectomie est une méthode qui empêche de façon permanente la conception alors que la contraception l'empêche de façon temporaire. Depuis Pie XII, tous les papes successifs ont gardé la même doctrine: la stérilisation est décrétée plus grave que la contraception, sauf pour motifs médicaux graves où la stérilisation n'est pas voulue de manière directe. Dès 1951, Pie XII l'affirme: "la stérilisation directe — c'est-à-dire qui vise, comme moyen et comme but à rendre impossible la procréation — est une grave violation de la loi morale et est, par conséquent, illicite." (Discours aux participants du congrès de l'Union catholique italienne des sages-femmes, 29 octobre 1951).

Trois textes de la Congrégation pour la doctrine de la foi reprennent ce principe général de l'interdiction dans différents contextes, notamment de maladie, en 1975, 1993, 2018. Ils donnent des règles d'application de ce principe sans le remettre en cause et traitent plus précisément de différents motifs d'hystérectomie au point de vue médical et moral. Les textes ne parlent en effet pas de vasectomie, mais de la ligature des trompes (opération appelée autrefois "isolement de l'utérus") ou d'hystérectomie. C'est donc, comme pour la contraception, la femme qui est concernée. Les perspectives actuelles d'une contraception masculine et de la vasectomie cherchent à "équilibrer" les responsabilités dans le cadre des évolutions sociales des rapports hommes-femmes.

Sans doute due à l'influence catholique, l'opposition de beaucoup de médecins à la stérilisation volontaire a conduit le droit français à formuler une clause de conscience spécifique relative à la "ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive": "Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive mais il doit informer l'intéressée de son refus dès la première consultation." (Code santé publique, art. L2123-1).

Doit-on faire une différence entre un homme déjà père qui choisit la vasectomie parce qu'il ne veut plus d'enfant et un jeune homme qui y a recours parce qu'il n'en souhaite pas du tout?
Tous les moralistes catholiques feront évidemment cette distinction du point de vue de l'analyse de la gravité éthique. Mais le principe posé est très ferme depuis Pie XII. Le texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1975 parle du refus "d'une approbation de la stérilisation directe … qui, dans l'ordre objectif, est par nature (ou intrinsèquement) mauvaise" (Congrégation pour la doctrine de la foi, Réponse aux questions de la Conférence épiscopale de l'Amérique du Nord concernant la stérilisation dans les hôpitaux catholiques (Quaecumque sterilizatio. Responsa ad quaesita conferentiae episcopalis Americae Septentrionalis circa sterilizationem in nosocomiis catholicis) , 13 mars 1975, AAS 68, 1976).

La question de la vasectomie réactualise la contestation de la doctrine de l'Église catholique relative à la contraception. Pour une majorité de catholiques, la contraception n'est plus une question éthique, sauf pour ceux qui considèrent, notamment par préoccupation écologique et par souci de santé, les conséquences physiologiques et psychologiques de la contraception hormonale sur la femme. L'argumentation morale est donc très différente de celle adoptée jusqu'à Benoît XVI.

La nouveauté est que les jeunes générations, surtout dans les milieux aisés et y compris dans l'Église catholique, se montrent de plus en plus sensibles aux questions de surpopulation (mouvement "no kids"), à l'impact humain sur l'environnement, à l'égalité homme-femme, notamment en ce qui concerne la régulation des naissances. Ces facteurs combinés pourraient conduire à une plus grande acceptation de la vasectomie, y compris chez certains catholiques.


https://www.lepelerin.com/monde

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 vasectomie et morale catholique par Cristo  (2023-11-19 17:45:03)


137 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]