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D'ailleurs voilà le texte du 12 août
par Métronome 2021-12-13 20:05:05
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Mais quelle mouche a donc piqué le pape François pour signer, en plein été, un nouveauMotu Proprio Traditionis Custodes (TC), consacré à l’usage de la liturgie préconciliaire ? Ce texte, dont les attendus sont précisés dans une lettre d’accompagnement au ton inhabituellement ferme, peut être compris, dans un paysage libéral dérégulé, comme une fin de récréation sifflée en direction d’une partie du catholicisme marquée par ce qu’elle considère comme une « question liturgique ». Cependant les enjeux de cet acte sont, comme souvent en matière liturgique, au moins autant d’ordre ecclésiologique et doctrinal que strictement liturgiques.
Le motu proprio met fin à une situation d’exception

Au plan ecclésiologique, TC met fin à une situation d’exception qu’avaient générée deux textes précédents, les Motu proprio Ecclesia Deide Jean-Paul II et surtout Summorum Pontificum (SP) de Benoit XVI. SP avait en effet sensiblement déplacé le centre de régulation des adaptations de la liturgie reconnu par la Constitution sur la sainte Liturgie de Vatican II, des évêques vers les curés : en effet, ces derniers obtenaient alors la faculté de décider de proposer une messe selon ce qui était alors devenu la forme extraordinaire de l’unique rite romain, pour peu qu’ils puissent justifier sa demande par un groupe stable. TC met fin à une situation d’exception, à deux niveaux : celui des Églises locales en rétablissant les évêques dans leurs prérogatives, celui du Siège apostolique en supprimant la procédure Ecclesia Dei. Ainsi ramène-t-il l’usage de la liturgie préconciliaire dans le droit commun de la régulation liturgique de l’Église.

En affirmant qu’il n’y a qu’une seule expression de la Lex orandi du rite romain, celle que contiennent les livres liturgiques réformés promulgués par Paul VI et Jean-Paul II, l’article 1 de TC a une réelle portée doctrinale. En mettant fin à la distinction entre formes ordinaire et extraordinaire de l’unique rite romain, des expressions introduites par SP qu’il n’est plus possible, en toute rigueur, d’utiliser, TC ne permet pas que soient traitées à parité ce que nous pouvons appeler vetus ordo (VO) et novus ordo (NO). L’expression « messe traditionnelle » ne peut d’ailleurs dans cette logique être appliquée au VO, comme elle l’est souvent de manière abusive, puisque c’est le NO, la messe de Paul VI, qui est l’expression de la tradition vivante de l’Église, promulguée par un acte solennel du magistère pétrinien, à la demande d’un concile œcuménique.

C’est en ce sens également qu’on peut comprendre ce que vise François quand, dans la lettre d’accompagnement, il dénonce « une utilisation instrumentale du Missale Romanum de 1962 » qu’il interprète comme un refus du Concile au moins autant que de la réforme liturgique. Moins qu’un refus explicite de l’enseignement conciliaire, qui peut exister dans certains milieux, il s’agit aussi de cette expérience vécue par ceux qui pratiquent les deux ordines, que la liturgie manifeste et façonne un rapport à l’Église, au Mystère qui lui est propre et qu’il n’est donc pas tenable dans la durée de fonctionner avec un attelage à ce point dispars entre une liturgie ante conciliaire et une théologie, en particulier une ecclésiologie, exprimée selon les catégories de Vatican II.


Enfin, sans le préciser formellement TC prend également position sur une des voies de résorption de la crise liturgique ouverte par Benoit XVI dans la lettre d’accompagnement de SP : le fameux enrichissement mutuel entre les deux formes de l’unique rite latin, et la perspective d’une sortie de crise par une sorte de convergence avec l’émergence progressive d’une via media… S’il n’y a qu’une expression de la lex orandi du rite romain, les « bricolages rituels » auxquels on assiste depuis quelque temps et qui prétendent combler les « silences rubricaux » du NO par des rites ou pratiques « léguées » par le VO, au mépris de la cohérence de chacun des éthos célébratoires, et qui sont loin de répondre aux exigences de contenu et de régulation de l’enrichissement précisées par Benoit XVI dans SP, doivent être considérés avec la même rigueur que les fameux abus post-conciliaires aussi légitimement que généreusement dénoncés.
Remettre cette question liturgique à sa juste place

Enfin ce texte de François ne peut probablement être compris à l’aune de la situation française, dont il manifeste une certaine « provincialisation » dans la stratégie pastorale et missionnaire de l’Église universelle. Il faudrait ici évoquer les questions politiques et sociologiques sous-jacentes depuis ses origines dans notre pays, avec ses racines historiques très profondes, d’une crise dont l’aspect liturgique n’est souvent que l’étendard. La prise en compte de la dimension sociologique de la question, en France, est également essentielle pour interpréter les affirmations massives sur la jeunesse et la vitalité missionnaire et vocationnelle des communautés attachées au VO, et ne pas se laisser tromper par un effet d’optique en grande partie interprétable par une simple prise en compte de la composition sociologique de ces groupes.

Il nous faut probablement considérer d’autres réalités, bien vivantes même si elles sont moins visibles, du catholicisme français : je pense, entre autres aux nouveaux chrétiens issus du catéchuménat pour qui ces questions ne font pas sens, ou encore à ces communautés interculturelles, de banlieue, lesquelles posent des questions tout autres mais bien réelles à nos pratiques liturgiques. Des franges également actives du catholicisme qui, à force d’être les spectateurs étrangers et muets des incessants débats sur une prétendue « question liturgique », risquent de partir dur la pointe des pieds… vers les communautés évangéliques, qui, elles, sauront les accueillir, à bras ouverts !

Puisse le coup de sifflet du pape nous conduire à ramener cette question liturgique à sa juste place, à ne surtout jamais interpréter ces textes successifs comme une victoire d’un camp sur l’autre… et à orienter nos regards, nos énergies vers des horizons plus vastes, plus ouverts, plus oxygénés….

     

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 “Traditionis custodes” - Le motu proprio qui fait réagir le père Drouin, d [...] par Métronome  (2021-12-13 19:33:54)
      Un lien a bien été donné par XA  (2021-12-13 19:36:33)
          Oui mais... par Métronome  (2021-12-13 20:03:10)
              D'ailleurs voilà le texte du 12 août par Métronome  (2021-12-13 20:05:05)
      Vrai en grande partie par Leopardi  (2021-12-13 22:29:17)
          Un texte sans grand intérêt et plein d'aigreur par Athanase  (2021-12-14 12:15:21)


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