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Merci de votre question.
par pacem tuam da nobis, Domine 2019-11-19 23:05:38
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Quoique n'étant pas traducteur professionnel et ne pouvant hélas pas même exciper de compétences particulières, je me suis néanmoins attelé à un travail de traduction, à mes risques et périls. C'est donc l'avis d'un incompétent que je vais vous donner et je serai très heureux, s'il est parmi les liseurs du FC un traducteur professionnel, d'obtenir un avis autorisé.
Pour m'aider, j'ai mis mis en forme plusieurs ouvrages allemands traduits en français par des professionnels, chaque paragraphe français en exact vis-à-vis de son original, pour observer leurs tours de métier et m'en inspirer, pour repérer également la frontière qu'ils tracent entre traduction ‘littérale’ et explicitation analytique de ce qui est synthétiquement, implicitement présent dans le texte d'origine et que – le point est capital – le locuteur natif perçoit parfaitement. Il m'a semblé que, très souvent, pour reprendre une terminologie aristotélicienne, ces traducteurs actualisaient pour le lecteur français ce qui est potentiellement présent dans la phrase originale et que le locuteur natif perçoit comme élément co-constitutif de son sens. Il me suffisait <em>a contrario</em> de retraduire dans ma tête plus littéralement la phrase et je pouvais comme toucher du doigt ce qui était alors perdu: son sens précis et exact, rien de moins.
Pour en revenir après ce long détour à notre <em>fratres</em>, s'il est vrai qu'il renvoie potentiellement également à la gent féminine, il me paraît légitime d'actualiser cette référence dans une traduction. En sens inverse, prétendre que «frères et sœurs» est purement et simplement une transposition libre me paraît un peu ‘diésé’. Mais, encore une fois, je n'ai aucun titre à faire valoir pour soutenir mon propos. Le seul fait dont je puisse témoigner, c'est que pratiquer l'exercice et observer le travail de professionnels incitent à la prudence, tant la frontière entre ‘traduction scolaire’ et transposition est délicate à tracer et varie de phrase en phrase. Un bon traducteur – Maurice Boucher qui a donné une édition bilingue de poèmes choisis de Stefan George – l'a dit excellemment et vous trouverez son texte en fin de message.
Mais si vous tenez mordicus qu'une traduction doit coller étroitement au texte d'origine, vous aurez à vos côtés Chateaubriand qui a traduit littéralement <em>Le Paradis perdu</em> de Milton. Une référence qui en impose, je le reconnais bien volontiers.
<strong>Autres points.</strong>

«La grammaire française est ainsi faite.»

Non, avec le «frères et sœurs», il ne s'agit pas de grammaire, mais de situation de communication, c'est tout à fait différent: vous pouvez bien vous adresser à une assemblée composée de 200 femmes et d'un seul homme d'un simple «frères», il y aura forcément quelques rires ou gloussements sous cap et ce ne sera pas en raison d'une erreur de grammaire ou de syntaxe de votre part: ce sera en raison d'une inadéquation manifeste à la situation de communication dans laquelle vous parlez.
D'ailleurs dire "frères et sœurs" à une assemblée exclusivement composée de femmes doit vous paraître tout aussi incongru.

Oui, parce que cette incise n'est pas de la même eau que le reste du texte: pour moi, c'est un élément lié à la situation de communication, qui renvoie au contexte et en dépend: il peut donc parfaitement lui être adapté: «frères» à une assemblée exclusivement masculine, «sœurs» à une assemblée exclusivement féminine.
Donc je m'interroge sur les motivations qui font passer ainsi de la traduction à l'adaptation libre.

Encore une fois, une dernière fois, il s'agit d'une situation de communication et croire que traduire ce type d'éléments peut se faire dans une littéralité que la situation sociale et culturelle ne reçoit plus est une illusion. Vous vous faites – me semble-t-il, mais, je vous l'ai dit, vous avez affaire à un incompétent… – une idée trop restreinte de la traduction: doivent certes être traduits les mots, les propositions, mais également les éléments référentiels dépendants de la situation de communication et ces éléments-là imposent des contraintes autres que les premiers.
Cordialement.
Pacem tuam da nobis, Domine
Maurice Boucher, Le verbe et la pensée, p. 11–12, mais tout le texte vaut d'être lu. J'ai utilisé dans un autre message sa distinction entre sens, halo, pente et âge d'un mot.
«Le sens de chaque mot varie d’ailleurs avec la pensée que l’ensemble de la phrase exprime: il ne se délimite qu'en elle et grâce à elle. Il faut donc avoir compris cette pensée pour en apprécier correctement les parties qui la composent. Ne dirait-on pas d’un cercle vicieux puisque l’ensemble ne nous est donné que par morceaux qui se présentent à nous avant lui et ne peuvent cependant être compris qu’en même temps que lui ? C’est ici que se vérifie l’assertion de Bergson : le mot s’est fait oublier, il s’évapore dans la pensée et ne garde pas de place qui ne soit qu’à lui. C’est inversement et par contraste le lieu de noter combien il y a de personnes qui ne pensent qu’avec des mots non solubles et peuvent ainsi discuter sans fin parce que les éléments de leur pensée restent rigides. Ce qu’elles construisent mentalement rappelle les assemblages que les enfants font avec des cubes : chaque partie reste un bloc, il faut la prendre tout entière et l’on croit pouvoir la changer de place sans avoir à la tailler. On objectera que l’on fait bien des maisons avec des briques, mais toute pensée qui serait à l’ensemble ce qu’une brique est à une maison ne serait plus une pensée : la pensée est toujours une affirmation d’une autre taille, une synthèse de quelque grandeur et elle ne se déplace jamais sans avoir à se transformer profondément.
Il y a autant de sens d’un mot que de phrases où ce mot prend place.
Le travail propre à l’intelligence est donc chaque fois de repenser l’idée et de l’intégrer dans le contexte.»

     

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